Faciliter l’accès à l’emploi : pour tous et partout.
La formule a l’avantage de la simplicité et elle fait consensus. Mais elle permet également de nommer en creux certaines difficultés historiques, persistantes même si elles évoluent dans leurs causes et dans leurs formes. Le « pour tous et partout » ne se décrète pas. Les constats ont été maintes fois documentés et l’actualité s’en fait l’écho. On l’a vu dans la période 2023-2024 où la question du plein emploi a fait « la une » et où de nombreux actifs sont néanmoins restés exclus du marché du travail. Alors même que de nombreuses difficultés de recrutement persistaient et demeurent encore aujourd’hui. Comprendre cette désynchronisation nécessite l’identification de nombreux facteurs interdépendants. Y répondre suppose une réelle prise en compte des spécificités territoriales. Il s’agit également de repérer en quoi le terme de coopération locale recouvre des pratiques variées qu’il s’agit de distinguer.
Mieux comprendre les multiples facteurs à l’œuvre et les possibles leviers d’action pour les acteurs d’un territoire suppose aussi un bref retour historique sur les conceptions dominantes qui ont façonné les politiques de l’emploi depuis les années 80. Par ailleurs, certaines transformations sont à l’œuvre. Elles touchent plus particulièrement la place, la forme et le sens du travail. Comment les territoires répondent à ces défis ? Comment peuvent-ils se saisir de ces multiples transformations pour construire des réponses adaptées à chaque territoire ?
Nous proposons ci-après quelques facettes de ces questionnements que nous aurons l’occasion d’approfondir et d’illustrer lors de la rencontre du 19 septembre 2025 à Bordeaux.
Faciliter l’accès à l’emploi : un cadre historique à questionner ?
Pensés longtemps comme de simples ajustements entre une offre et une demande, les dispositifs d’appui aux personnes en recherche d’emploi se sont développés avec quelques présupposés aujourd’hui en question : des intentions sur et pour le public ; fondés sur un prototype d’usager rangé dans une catégorie (les publics précaires ?) ; selon des modes prescriptifs et sélectifs ; avec une personne qui est positionnée sur ce qui lui manque et qu’elle doit compenser (ses freins) et non sur ses ressources. Quand l’accès à l’emploi est très sélectif, les écarts paraissent difficiles à combler pour les personnes. Aujourd’hui, le marché du travail évoluant, on perçoit que des espaces de négociation s’ouvrent.
Les territoires, notamment bien sûr les entreprises, y ont un rôle central à jouer. De très nombreuses expérimentations ont déjà interrogé ces conceptions et ont ouvert des perspectives multiples tant dans leurs conceptions générales (médiation active à l’emploi, territoire zéro chômeurs…) que dans leurs aspects plus opérationnels (recrutements sans CV, rencontres autour de l’emploi…). Plus largement, elles questionnent une conception de la personne et de l’employabilité de toutes et tous. Mais elles ouvrent des possibilités d’actions collectives qui ne sont pas uniquement des dispositifs à dupliquer mais bien des initiatives pertinentes au regard des enjeux locaux.
Des relations au travail et des facteurs d’engagement en transformation ?
On observe également que le choix d’un emploi n’est jamais dissocié des autres sphères de vie. La centration sur l’attractivité des métiers et leurs débouchés (les métiers porteurs) peut occulter d’autres raisons de s’engager. Une multiplicité de facteurs interagissent dont la compatibilité du travail avec des paramètres essentiels pour la personne : conditions de travail, emploi du temps, reconnaissance au travail mais aussi très concrets (lieu du travail et déplacements, gestion du planning, compatibilité avec la vie familiale). Au-delà de convaincre ou de contraindre, dont on connaît les limites et les dérives, d’autres leviers sont mobilisables. Ces évolutions du rapport à l’engagement supposent de clarifier des principes d’intervention mobilisables dans des actions locales : considération des personnes et attention à leur potentiel ; moins de verticalité ; modalités pédagogiques permettant au public d’être partie prenante.
Coopérer localement : prendre en compte ces évolutions ?
La pertinence des actions n’est donc pas seulement liée à la dimension géographique et sociale. Elle est aussi liée à ce rapport évolutif et transformé au travail, à l’emploi et à l’engagement. Par ailleurs, l’investissement fort de la puissance publique sur les questions d’emploi et de formation, s’il est central, peut amener à une délégation d’expertise à des spécialistes. Or il s’agit de ne pas confondre partage des tâches et des publics et co construction d’un objectif et de projets communs au service des personnes du territoire.
Coopérer, ce n’est pas uniquement se répartir le public ou se partager les activités. C’est faire en sorte que l’ensemble soit plus que la somme des parties et que des projets inédits, inventifs et pertinents soient co-construits localement et dans lesquels le public est aussi partie-prenante. Cette responsabilité est centrale. Elle suppose la mobilisation d’acteurs ayant des enjeux et des regards différents et complémentaires sur la situation et une capacité à s’accorder sur des objectifs partagés au service du territoire et des citoyens.
Coopérer, ce n’est pas uniquement se répartir le public ou se partager les activités. C’est faire en sorte que l’ensemble soit plus que la somme des parties et que des projets inédits, inventifs et pertinents soient co-construits localement et dans lesquels le public est aussi partie-prenante.
Les territoires : un potentiel d’emploi parfois invisibles ?
Par ailleurs, on sait aujourd’hui, et cela est bien documenté, que les offres publiées ne sont qu’une partie du potentiel d’offres de travail sur le territoire. Pour de nombreuses raisons, de possibles employeurs diffèrent ou renoncent à leurs intentions de recrutement. Il y a donc également l’objectif de rendre visible et de transformer ce potentiel en actions concrètes. Et cela relève plutôt de la qualité des liens que les acteurs entretiennent et tissent localement sur la durée mais aussi de leur capacité à faire vivre des conceptions dynamiques ouvertes et inventives d’un territoire localement plus inclusif. Sur ce plan, les initiatives sont multiples en termes d’évènements autour du travail et de l’emploi. Les territoires sont des lieux de rencontres et de création d’opportunités pour toutes et tous.
Une fois posés ces constats, on peut observer de nombreuses initiatives, variées dans leurs objectifs et leurs modalités, un peu partout sur les territoires qui montrent le potentiel d’inventivité des acteurs. Face à la variété des territoires, c’est la capacité à faire ce qui est pertinent sur place qui est en jeu. Si un territoire se saisit des questions d’emploi, cela ne veut surtout pas dire qu’il se substitue aux acteurs légitimes mais bien qu’il initie des solutions qui apparaissent manquer localement. Et que ces solutions sont à construire avec tous les acteurs. Par ailleurs, les réponses sur mesure ne sont jamais totalement inédites puisqu’elles se fondent sur des principes d’action structurants déjà expérimentés ailleurs. Mais elles prennent des formes variées.
Nous pourrons en découvrir de remarquables et en échanger lors de la journée du 19 septembre à Bordeaux.
Pour en savoir plus
Contactez Christophe ROCHARD, chargé de mission
christophe.rochard@pqn-a.fr / 06 31 21 77 44