À Bergerac, l’ancienne manufacture des tabacs expérimente l’urbanisme transitoire

Problème/besoin initial : rendre le foncier plus accessible et rendre le monde professionnel plus inclusif

Ville touristique, Bergerac est aussi confrontée à une diminution de sa population, aujourd’hui estimée à 26 360 habitants contre 27 269 en 2016. L’activité touristique a pour conséquence de rendre le foncier inaccessible aux porteurs de projets du territoire, contraints de travailler depuis chez eux. Face à ces constats, en 2020, des habitants - pour certains des trentenaires récemment installés à Bergerac - ont réfléchi aux moyens de créer un tissu économique et culturel répondant mieux aux besoins locaux. Ce petit groupe, par la suite constitué en une association baptisée La Traverse, avait également pour ambition de rendre le monde professionnel plus inclusif et plus ouvert aux personnes éloignées de l’emploi. C’est ainsi qu’est née l’idée d’un lieu où les porteurs de projets bénéficieraient de locaux à prix accessibles, et s’engageraient en contre-partie à accueillir en stage ou en formation des personnes en insertion professionnelle. 

Solutions apportées : l’urbanisme transitoire pour tester les usages

Située près de la gare, l’ancienne manufacture des tabacs de Bergerac appartient à la Ville. Implantée sur un site de 1,5 hectare, dont 12 000 m2 de bâti, elle doit faire l’objet d’une vaste réhabilitation. En attendant, pour que cet espace ne reste pas vide, l’association La Traverse a proposé de l’investir temporairement et d’y installer son projet de lieu tourné vers l’insertion et ouvert à de multiples activités. Cette démarche d’urbanisme transitoire a été impulsée par Pierre Machemie, le président de La Traverse. Sa participation aux Grands Voisins à Paris, l’une des premières initiatives d’urbanisme transitoire en France, lui a donné l’idée de reproduire l’expérience à Bergerac. 

La perspective de tester de nouveaux usages et l’accent mis sur l’emploi ont convaincu la mairie de signer, en septembre 2022, une convention d’occupation temporaire. Valable jusqu’en 2026, elle ne concerne qu’une partie du site, soit 4760 m2. En outre, plutôt que de financer des frais de gardiennage et de sécurisation si le site était resté vide, la Ville a accepté de consacrer un budget de 500 000 € aux travaux structurels (électricité, toiture, sécurité incendie, assainissement…). L’aménagement est quant à lui du ressort de La Traverse qui a pour cela prévu un budget d’investissement de 350 000 €. Le budget de fonctionnement en année pleine sera également de 350 000 €, ce qui couvrira les salaires de quatre équivalents temps plein et les divers frais (électricité, entretien, équipement…). “Les résidents ne paieront pas de loyer, mais il y aura une répartition mensuelle des charges en fonction de l’espace occupé et si l’activité reçoit du public ou non, précise Pierre Machemie. Nous sommes à trois à quatre euros de moins par m2 qu’ailleurs dans le Bergeracois.” 

La sélection des résidents s’est faite grâce à un appel à candidatures qui s’est clôt en février 2023. L'installation des structures a permis l'ouverture au public en 2023. Artisans, artistes, travailleurs indépendants, associations ou PME, ils se sont tous engagés à accueillir en stage ou en formation des personnes éloignées de l’emploi et orientées par des structures du médico-social et du sanitaire et social. Le lieu est également doté d’un café et d’un restaurant, et proposera un programme d’animations.

Premiers résultats

• Une quarantaine de structures ont répondu à l’appel à candidatures. Une dizaine de porteurs de projets se sont d’ailleurs installés à Bergerac, spécifiquement pour intégrer la démarche.
• La démarche reçoit un écho favorable chez les acteurs du sanitaire et social et du médico-social. Trois patients de l’hôpital psychiatrique passent déjà plusieurs jours par semaine sur le site, aux côtés de l’association La Traverse. Tandis que la Maison de l’enfance à caractère social a décidé d’y installer une partie de ses locaux.

Facteurs de réussite

• La pertinence du diagnostic des besoins dressé par l’association.
• Le poids politique de La Traverse dont la dernière assemblée générale a réuni 150 personnes. Ses adhérents sont des étudiants, des retraités, des artisans, des actifs, des trentenaires ou encore des néo-ruraux.
• La force de persuasion de La Traverse qui est parvenue à faire comprendre aux collectivités le sens et l’intérêt du projet. Elles travaillent ainsi dans la même direction.
• L’accompagnement d’Atis (Association territoires et innovation sociale).
• La coopération entre les acteurs du médico- social et du sanitaire et social. À ce titre, il est important de préciser que Pierre Machemie est directeur du CFA ADAPSSA (Association pour le développement de l’apprentissage dans les professions sanitaires et sociales en Aquitaine).
• La gouvernance de l’association la protège contre tout risque de “prise de pouvoir” des membres du conseil d’administration.

Enseignements

La coopération avec la puissance publique nécessite du temps pour convaincre et entrer dans la phase opérationnelle