A l’occasion d’une visite sur site à Poitiers, le 1er octobre 2024 sur le thème de la coopération entre les acteurs de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) et les Projets Alimentaires de Territoire (PAT), les membres du réseau des acteurs des démarches alimentaires de territoire ont exploré la question de la démocratie alimentaire au sein d’un atelier. Cet article en fait la synthèse tout en s’appuyant sur des éléments théoriques et issus d’une enquête.
Qu’est-ce que la démocratie alimentaire ?
Les denrées alimentaires sont aujourd’hui perçues comme de simples marchandises, régies par les dynamiques du marché. Les entreprises de l’agroalimentaire, dotées des outils nécessaires pour capter les tendances émergentes, ajustent leur offre en proposant de nouveaux segments répondant aux attentes des consommateurs. Des formes d'organisation collective de la société civile telles que les Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP), les jardins partagés ou les magasins coopératifs, ont émergé en réponse à ce système mais sont restées en marge, sans pouvoir le changer. Les consommateurs ne disposent donc que d’un pouvoir limité, se résumant souvent à l’acte d’achat ou de non-achat. Les publics les plus précaires voient même leur statut de consommateur retiré en tant que bénéficiaires des circuits de distribution de l’aide alimentaire. Cela entraîne un non-choix des denrées consommées qui s’accompagne d’une perte de dignité et d’un sentiment d’exclusion.
Ce contexte met en lumière toute la pertinence du concept de démocratie alimentaire. Cette notion émerge comme une réponse aux limites d’un système alimentaire où le consommateur ne peut s’exprimer qu’à travers ses choix d’achat. Elle propose une réappropriation collective de la gouvernance alimentaire, favorisant l'implication des citoyens et des acteurs locaux dans la manière de produire, transformer et consommer. En dépassant le simple rôle de consommateur, ils revendiquent un droit d’agir sur les orientations de leur système alimentaire. La démocratie alimentaire s’affirme ainsi comme un cadre fertile pour bâtir une nouvelle citoyenneté, où les décisions collectives prennent le pas sur les logiques de marché.
« Que vous évoque la démocratie alimentaire ? »
Voici la question qui a été posée aux participant.e.s de l'atelier. Avec leurs expériences personnelles et professionnelles, les participant.e.s qui travaillent dans les collectivités à l'animation des PAT, dans l'agriculture, dans les épiceries, ont répondu :
- La participation citoyenne : une démocratie alimentaire repose sur l’implication des citoyens dans la gouvernance des systèmes alimentaires, sans oublier les plus isolés.
- La reconnexion avec le système de production : la démocratie alimentaire vise à recréer un lien direct entre les citoyens et la production agricole, dans un contexte où peu produisent alors que beaucoup consomment.
- La connaissance et l’éducation : la démocratie alimentaire suppose une réappropriation de la connaissance des modes de production et des pratiques alimentaires pour comprendre les systèmes agricoles et pouvoir cuisiner des produits brut
- Le choix : dans une démocratie alimentaire, des moyens sont mis en œuvre pour permettre à chacun de faire des choix éclairés face à une offre abondante, en conscience et en tenant compte de la santé et des convictions personnelles malgré les freins financiers, géographiques, culturels.
Ces multiples dimensions de la démocratie alimentaire révèlent l’ampleur des enjeux liés à la gouvernance et à la réappropriation des systèmes alimentaires par les citoyens. Dans ce contexte, les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT), apparaissent comme des outils stratégiques pour favoriser cette transition vers une alimentation durable et participative. Cependant, leur mise en œuvre reposant sur une politique volontariste, il existe de nombreux freins qui limitent le passage à l’action et heurtent leur légitimité. Par conséquent, nous nous sommes posés la question de la façon dont la notion de démocratie alimentaire pouvait à la fois freiner et contribuer au déploiement d’un projet alimentaire territorial (PAT).