Des politiques publiques enfin lisibles
Le slogan “There Is No Alternative”, connu aussi sous l’acronyme “TINA”, serait-il bel et bien un non-sens ? Cette crise met en avant l’existence des leviers des Etats pour arrêter la machine, compenser les pertes, etc. Tout reposera dans les années à venir sur les capacités de la puissance publique à répondre aux enjeux du changement avec cette force qu’elle nous montre aujourd’hui.
Sont alors cités plusieurs exemples d’adaptation de société face à des crises majeures: les Victory Gardens dans le CommonWealth ou la crise Cubaine qui, suite à l’effondrement du grand frère soviétique a dû inventer une société quasiment sans pétrole. Le point commun de ces deux exemples est une adéquation trouvée entre :
- des politiques publiques qui s’adaptent en “top-down” pour promouvoir, aider et encadrer les nouvelles pratiques,
- une population créative et imaginative qui, face à l’urgence, alimente ces politiques publiques en “bottom-up”
En découle un second enjeu majeur pour les politiques publiques, leur lisibilité. Initier un changement sur le long terme nécessite une “sérénité d’action” pour accompagner l’imprévu et les appréhensions grâce à des politiques publiques incitatives et encadrantes.
L’important est avant tout d’enfin donner des objectifs clairs afin d’orienter les pratiques. Il s’agira ensuite de se donner les moyens de faire respecter ces orientations en aidant et en accompagnant tous les acteurs vers la transition. Plusieurs leviers politiques devront pouvoir s’accorder, notamment la politique agricole nationale, européenne, les aides et la fiscalité.
“Jouer à un jeu dont on ne connaît ni la règle ni le but c’est assez difficile.”
Le foncier sanctuarisé dans une nation agro-écologique
Le foncier agricole est pour Pablo Servigne un des premiers sujets sur lesquels il va nous falloir statuer. Sanctuariser les ceintures périurbaines aux terres productives est devenu une urgence. Il faut dès aujourd’hui conserver l’existant et pourquoi pas même reconquérir des terres.
L’idée de faire de l’alimentation une question de sécurité nationale est également au cœur des débats. Instaurer “Sécurité sociale alimentaire” comme proposée par Ingénieur Sans Frontières pourrait aider à faire face aux nombreuses ruptures qui nous attendent.
Cette initiative ainsi que des liens ressources sont présentés à la fin de l’article La santé par l’assiette : un foisonnement d’initiatives qui peine à toucher tous les publics, consultable sur notre site.
Il faudrait enfin rattraper le retard que nous avons accumulé en agro-écologie. Les pratiques d’agroforesterie et de permaculture sont l’avenir et doivent être plus investies aujourd’hui par la recherche mais aussi les acteurs de terrain.
“Nous avons 15 ans de retard en agro-écologie.”
Dans cette optique, l’accompagnement et la mise en place de nouvelles pratiques en groupe sont une source de dynamisme sous-utilisée aujourd’hui. Les GIEE(1) seront sûrement à mettre en avant.
(1). Groupements d’intérêt écologique et environnemental, il s’agit d’une mesure phare de la Loi d’Avenir pour l’agriculture de 2014 avec les Projets Alimentaires Territoriaux.
Des filières moins spécialisées et décentralisées
La question de la relocalisation pose inévitablement celle des unités de transformation. La spécialisation des territoires et les filières centralisées autour des plateformes d’achat de la GMS ont entraîné une disparition des légumeries, des abattoirs, etc. La diversification et le renforcement de ces maillons du système alimentaire local devront être envisagés à un moment ou un autre.
“On s’est laissés aller à une optimisation qui aujourd’hui ne fonctionne plus.”
Il faudra certainement aussi une meilleure intégration des agriculteurs et des coopératives d’agriculteurs dans les filières. L’exemple de Système U expliqué par Serge Papin raconte qu’au départ, la réponse des commerçants a été claire et nette. Le relationnel avec les agriculteurs, c’était le métier de la plateforme d’approvisionnement, pas le leur.
“C’est devenu un projet d’entreprise seulement quand les commerçants se sont rendus compte que c’était ce que voulaient les clients.”
Ainsi, petit à petit, les négociations ont cédé le pas à plus en plus de contractualisations. Ce système de contrats tripartites agriculteur.s – transformateur.s – commerçant.s leur a permis de garantir un véritable partage de la valeur. Ils ont ainsi pu aller plus facilement vers des petites filières, souvent exclues des négociations en raison de leur faible poids.
Il est donc inévitable que “l’après” se bâtisse sur la modification du rapport de force au sein des filières. Il nous faudra aller vers un rapport de médiation et de coopération, en mettant l’humain au cœur du processus. L’objectif serait moins le profit sauvage que la possibilité d’assurer plus de stabilité aux filières et aux acteurs qui les composent.
Trouver de nouveaux moyens d’expression des citoyens
Les citoyens s’engagent différemment d’avant, l’engagement associatif est moins militant qu’il ne le fut. Il est plus ponctuel, plus centré sur des actions concrètes, sur une activité professionnelle, il s’applique au quotidien. Si l’élan est différent, il n’en reste pas moins que cet engagement crée une pression citoyenne sur la collectivité et sur les filières. Laissons-donc un peu plus les citoyens s’emparer des questions de l’avenir. Imaginons de nouveaux lieux d’expression et de décision en parallèle des élections. Ces élections devenues aujourd’hui un “rituel” trop rythmé et codé pour permettre une expression pleine et entière des désirs de la population.
Est citée l’expérience islandaise en 2008, en pleine crise économique, de rédaction d’une constitution citoyenne.
Nous ne devons pas devenir “les champions du monde de la réforme”. Il s’agirait plutôt de prendre du recul, d’analyser et de prendre le temps. Le futur ne s’inventera pas à coup de mesures nationales. Aujourd’hui déjà et demain encore plus, elles ne seront plus suffisantes. Les particularismes locaux des territoires plus ou moins spécialisés, plus ou moins ruraux, plus ou moins concernés par telle ou telle source de pollution devront être au cœur des décisions de demain. C’est d’ailleurs une des leçons les plus importantes de la crise des gilets jaunes.
Enfin, les pouvoirs publics doivent sérieusement relancer l’éducation à l’alimentation. Donner accès à tous les enfants à des notions de nutrition, d’agriculture, de vivant permettrait de semer l’idée simple que “L’alimentation c’est la vie”. Comment commencer autrement pour se donner une chance de changer sur le long terme les comportements ?
Quelques conseils pour passer le temps ?
Quelques minutes avant de terminer le live, les animateurs de SorryChildren ont proposé à tous les intervenants de citer un livre, un film ou un documentaire adapté à la situation ou qui fait leur quotidien. En voici la liste: