Pourquoi une web-conférence dédiée aux élus sur les Démarches Alimentaires de Territoire ?
L’intérêt est de proposer un temps d’échanges entre pairs. L’Etat et les directions de la Région pilotes de la Mission Démarches Alimentaires de Territoire de PQN-A ont bien compris le rôle des élus dans la conduite des démarches de relocalisation et transition alimentaires et agricoles. Ce rôle primordial a d’ailleurs été souligné dans la feuille de route Agriculture, Alimentation et Territoires de 2018 puis dans le Pacte Alimentaire pour une alimentation durable et locale, signé l’année dernière par l’Etat, la Région, et toutes les têtes de réseaux de l’agriculture et de l’alimentation. PQN-A est mandaté au titre de ce Pacte alimentaire pour animer le réseau d’acteurs des Démarches Alimentaires de Territoire. Les élus en font naturellement partie.
L’objectif du lancement de ce nouveau cycle est qu’à l’image de l’ingénierie, à laquelle PQN-A propose déjà beaucoup de ressources, les élus puissent aussi être armés.
Parce que travailler sur ces sujets éminemment transversaux, alors même que nous sommes dans un monde où beaucoup d’actions se font encore en silos, de manière sectorielle, est difficile. C’est pourquoi ce cycle est ouvert à tous les élus, qu’ils soient avancés, qu’ils se lancent, et pour tous les autres élus qui souhaitent se familiariser avec ce qu’implique le travail sur une démarche alimentaire de territoire.
Sachez que PQN-A a publié un Guide sur la mobilisation des élus sur ces questions, qui est très pédagogique !
Deux élus racontent à leurs pairs leur rôle dans le lancement d’une démarche alimentaire de territoire
Fabienne Krier, et Emmanuel Legay, deux élus en charge de Projet Alimentaires de Territoire, se sont exprimés sur leur rôle dans le lancement et la pérennisation de cette démarche.
- Fabienne Krier est vice-présidente à l’agriculture locale référente du Projet Alimentaire de Territoire (PAT) au Pôle D’Équilibre Territorial Et Rural (PETR) du Grand Libournais, maire de Bayas (33), conseillère à la communauté d’agglomération du Libournais, et éleveuse de bovins.
- Emmanuel Legay est président du Pays de l’Isle en Périgord référent du PAT, et maire de Fouleix (24).
La démarche alimentaire de territoire du Grand Libournais répond aux enjeux de diversification, foncier agricole, et de santé-nutrition
Le PETR du Grand Libournais comprend cinq EPCI dont le Saint Emilionnais et le Castillonnais avec une dominante de production viticole. Sur le reste du territoire la production est relativement mixte. En revanche, le besoin de diversification de la production est prégnant. Il faudrait aller vers davantage de maraîchage, mais on se heurte tout de suite à la question de la disponibilité en eau : présence et disponibilité des aquifères, réseaux, et surtout changement climatique…
La santé est en outre un enjeu fort. “Certaines familles sont dénutries, d’autres ne savent plus se faire à manger…” poursuit l’élue. Les médecins sont en attente d’une plateforme de prévention contre la malnutrition pour orienter ces personnes. Naturellement, comme très souvent, le recul du foncier agricole constitue une menace. Fabienne Krier souhaiterait que les maires soient les relais surveillance de la disponibilité foncière.
Enfin, l’introduction de produits locaux, de qualité et en circuit court dans la restauration collective est compliquée. “Pour les agriculteurs c’est d’approvisionner les petites communes en termes de planification de la production, et pour les grandes communes qui demandent du volume, c’est compliqué de répondre aux appels d’offres”.
Le Pays de l’Isle en Périgord cible les enjeux de la production maraîchère et du renouvellement de la population agricole dans le cadre de sa démarche alimentaire de territoire
Sur quatre EPCI, dont le Grand Périgueux, le territoire s’organise autour de trois axes : la rivière, le chemin de fer, et l’autoroute. L’agriculture y est diverse : grandes cultures, élevage, agriculture spécialisée, vigne… Néanmoins il manque des produits maraîchers. Comme partout ailleurs en France, le renouvellement de la population agricole est un enjeu majeur. Au-delà de ces enjeux principaux, le PAT en cible bien évidemment d’autres, qui font partie du plan d’actions.
Actions phares de la démarche alimentaire de territoire
Le Grand Libournais travaille avec le Groupement de Défense Sanitaire, l’Ordre des Vétérinaires et la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) pour réinstaller des vétérinaires sur le territoire. Autre projet phare : l’organisation du Défi Foyer à Alimentation Positive. L’objectif étant que les familles puissent s’alimenter en produits sains, bios mais pas que, sans augmenter le ticket de caisse.
Le Pays de l’Isle en Périgord quant à lui, est occupé depuis un an par la formation des agents de cantine avec le Collectif les Pieds dans le plat. Ce dernier forme les agents d’une dizaine d’écoles à la cuisine des produits locaux et bios. Cela permet aussi aux agents de se connaître, de s’entraider, et constitue une véritable mise en valeur de leurs compétences.
Pourquoi s’être lancée dans une démarche alimentaire de territoire à l’échelle du PETR ?
Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) impose déjà d’avoir de la visibilité sur les exploitations agricoles. En outre, il y a le besoin de sensibiliser les élus aux enjeux agricoles, et la volonté politique de regagner la souveraineté alimentaire nationale. Cela s’impose grâce aux élus, selon Fabienne Krier.
Lorsqu’elle arrive en 2020 au PETR en tant que vice-présidente pour préfigurer le PAT, Fabienne Krier ne sait pas par où commencer : la tâche est immense, sur un grand territoire. Suite au diagnostic, au fil des ateliers collectifs accélérés par l’épidémie de la Covid-19, elle cerne cependant rapidement les enjeux. Après la synthèse des ateliers, Fabienne Krier travaille aujourd’hui avec la technicienne sur la candidature au niveau I du Projet Alimentaire de Territoire.
L’échelle du Pays de l’Isle, territoire de SCoT, est naturellement celle d’une démarche alimentaire de territoire
Territoire de SCoT, le Pays de l’Isle en Périgord présente déjà une cohérence territoriale à l’échelle de ce périmètre décidé par les élus. La question agricole et alimentaire y surgit déjà naturellement, car il s’agit d’un territoire avec une unité dans la production et les problématiques agricoles. Cette échelle de coopération est déjà fonctionnelle, grâce au travail réalisé l’amélioration de l’habitat notamment. Il est donc bien plus simple de s’appuyer sur l’historique et l’habitude de coopération. En 2020, Emmanuel Legay devient président du Pays. Il redonne une boussole à la chargée de mission dédiée qui avait navigué à vue pendant la période pandémique. Il lui demande de proposer un processus pour rédiger le PAT et candidater à la labellisation. Elle propose un cadre d’ateliers transversaux, ce qui permet l’écriture du PAT, la réalisation d’actions, et la labellisation PAT.
Les deux élus sont catégoriques : sans leurs chargées de mission pour construire quelque chose de cohérent à cette échelle, cela aurait été tout bonnement impossible. Et les deux édiles d’insister : “On parle clairement un ETP, et d’un ETP intense.” L’intérêt de candidater à des projets et programmes labellisés (PAT, Défi Foyer à Alimentation Positive) est aussi celui du financement de l’ingénierie.
Comment animer la dynamique en interne et externe de la démarche alimentaire de territoire ?
Emmanuel Legay confie que ce n’est pas facile car la thématique est nouvelle. “J’ai souvent entendu, en réunion avec les élus, que ça ne nous regarde pas, c’est la Chambre d’Agriculture qui traite ça. Le défi est de montrer que si, nous avons à voir avec ces questions là, notamment sur la transmission de patrimoine, sur l’accueil des agriculteurs, sur l’alimentation dans les cantines… que cela a à voir avec la vie de nos collectivités”. Mais au Pays de l’Isle en Périgord, ils n’ont pas attendu le PAT pour mettre en place des actions, comme le programme de formation par exemple.
Fabienne Krier observe que les consciences changent, et qu’elle et le PETR sont facilement identifiés comme intervenants sur le sujet. “Donc les gens viennent naturellement à nous, car il y a ce besoin d’approvisionnement en circuits courts, et de préservation des terres agricoles” précise-t-elle.
La Démarche Alimentaire de Territoire, politique publique intégrée sur les volets stratégiques et opérationnels
Les enjeux du PAT sont connexes avec ceux du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) au Pays de l’Isle en Périgord. On y retrouve les questions de changement climatique, de santé, d’alimentation. Dans les deux structures, SCoT et PAT s’articulent bien avec l’identification des zones agricoles. Le diagnostic du SCoT nourrit le volet agricole de celui du PAT.
Sur le plan financier aussi, l’articulation se fait. Le Pays de l’Isle intègre des actions du PAT dans le contrat signé avec la région [gérés par la DATAR; ndlr], dans les programmes européens : Liaison entre Actions de Développement de l’Economie Rurale (LEADER), Fonds Européen de Développement Régional (FEDER). Les questions d’agriculture et d’alimentation s’y inscrivent complètement, car elles participent bien évidemment au développement économique, à l’emploi, à la revitalisation et aux cohésion territoriale et sociale. Il existe également des financements spécifiques, comme ceux le Défi Foyer à Alimentation positive.
L’interpersonnel, une dimension importante du rôle de l’élu dans la démarche alimentaire de territoire
Fabienne Krier insiste sur ce fait. Les gens me connaissent, savent que je suis éleveuse, donc ça aide beaucoup. De même pour les directeurs de GMS, certains ont le souci de travailler avec des producteurs locaux, cela relève aussi de l’identité territoriale. Pays de l’Isle en Périgord : on a réussi à avoir les acteurs économiques au moment des ateliers, après au moment de la mise en œuvre, mais c’est normal, les gens sont moins là, et on fonctionne plus en bilatéral dans la mise en place.
Mise en œuvre et suivi de la démarche alimentaire de territoire
Le Pays anime un comité de gouvernance, composé de deux élus par EPCI. Il analyse le plan d’actions, le suivi des actions en cours, et réalise le filage du suivi de manière “institutionnelle”. Emmanuel Legay le résume ainsi: “Nous avons un rôle fondamental d’animation. Nous sommes une sorte de conférence de porteurs de projets, on donne un cap, on rassemble, on propose un cadre pour la rencontre et la coopération. Le Pays de l’Isle n’est pas le maître d’ouvrage, (sauf de quelques actions comme la formation), ce sont les communes, les EPCI, les associations qui mettent en œuvre.”
De son côté, le PAT va créer une commission des territoires. Jusqu’à présent les décisions étaient prises en bureau. Comme celle par exemple de coopérer sur l’hébergement digne des travailleurs saisonniers, avec les entreprises d’intérim, les EPCI. [Si ce sujet vous intéresse, consultez l’article sur l’emploi saisonnier, ndlr].
Si c’était à refaire ?
Fabienne Krier essayerait de mobiliser davantage sur les ateliers, notamment les professionnels et exploitants agricoles. Emmanuel Legay pense que dès le départ proposer davantage de méthode et écrire une feuille de route, se fixer des objectifs, mais aussi clarifier les idées que les élus peuvent se faire du PAT, pour construire partagée serait plus efficace.
Le foncier, enjeu majeur des démarches alimentaires de territoire ?
Une élue auditrice de la conférence pose la question du lien entre le foncier et les projets : dans le SCoT les deux élus ont-ils inscrit des Zones Agricoles Protégées (ZAP), ou Périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN), qui s’appliquent aux zones A et N du PLU ? Emmanuel Legay précise que le SCoT ne décide pas de prescriptions en matière de zones constructibles, mais des quantités constructibles. Ce sont les PLU et PLUI qui délimitent les périmètres. Il ajoute que la première raison de déclin des terres agricoles est le selon ses sources, le retour à la friche, et ensuite l’urbanisation. “Moi je pense que globalement on a davantage un problème humain qu’un problème de foncier. Il faut évidemment préserver les terres… Mais ensuite qui va travailler, qui va produire, qui va devenir paysan demain ? La déprise humaine est sans doute plus importante et difficile à solutionner que la déprise foncière.”
Pour en savoir plus sur les outils des collectivités pour préserver le foncier agricole, consultez le guide de Terre de Liens.
Bio, local, ou les deux, dans la restauration collective ?
Un élu auditeur souligne que la loi EGalim permet la valorisation produits locaux non labellisés dans la restauration collective. Il demande aux deux élus témoignant comment ceux-ci sont pris en compte dans leurs démarches. Fabienne Krier indique qu’une boîte à outils pour les acheteurs qui renseignerait sur les produits locaux est en projet.
Côté Pays de l’Isle en Périgord, Emmanuel Legay affirme qu’il s’agit d’un sujet longuement débattu. “Il y a les tenants des labels, d’un côté, et on peut les comprendre. Nous nous sommes aussi posé la question de ce que signifie un produit local. En Dordogne, on a beaucoup d’appellations AOP, AOC, il faut les valoriser. Nous voulons encourager les gens à aller vers des produits le plus bio local possible, avec des cercles concentriques. Dans la formation des cuisiniers, on incite au travail des produits bruts et si possible bios.” Par exemple, à Fouleix dont Emmanuel Legay est Maire, la cantine est labellisée Ecocert 2, soit 40% de produits bios. Chaque vendredi, c’est le repas de producteurs locaux, dont une bonne partie de la commune, et aucun n’est en bio. “L’existence d’un label se justifie davantage lorsqu’on est dans un système d’approvisionnement éloigné. Il garantit de manière indépendante un cahier des charges. Lorsqu’on est proche physiquement et proche des gens, on peut constater par soi-même.” ajoute-t-il. En restauration collective, les labels sont utiles pour la transparence et la traçabilité.