L’OPAAL, un outil « puissant de mobilisation et d’amorce de projet »
Un constat : peu de corrélation entre les actions menées pour la conversion en bio et le nombre de conversion en bio
L’OPAAL est testé dans les territoires de Nouvelle-Aquitaine depuis 4 ans. Il est à destination des collectivités et des intercommunalités exclusivement. Sa création part d’un constat simple. Ce n’est pas nécessairement dans les territoires où le plus d’actions bio ont été menées que le taux de conversion vers le bio a été le plus fort. En effet, « les producteurs obéissent à des logiques d’entreprises alors que les acteurs publics obéissent à des logiques publiques ».
C’est pourquoi, avec l’OPAAL, Bio NA choisit de travailler à la connexion entre ces deux logiques. « C’est le producteur qui détient la clé de l’évolution, « le choix de ».
Toutefois, il ne s’agit pas de faire du clientélisme agricole mais plutôt de prendre en compte des logiques différentes. Les entreprises agricoles relèvent des très petites entreprises où la personnalité du dirigeant intervient dans la stratégie de l’entreprise. Les agriculteurs élaborent des stratégies et pas seulement d’après l’aspect économique ou les freins techniques. « Ces deux derniers éléments viennent occulter des choses plus sourdes mais puissantes qui sont des vecteurs d’identité culturelle et sociologique très puissants. »
Les profils comme angle d’analyse pour créer l’outil
Partant de ces constats, Bio NA a engagé un travail sur les profils. « On a choisi d’observer les producteurs selon 2 axes. Le 1er est l’axe de leur tendance personnelle (prudent et entreprenant). Le 2nd est l’axe de leur insertion territoriale (faible ou fort). C’est la manière dont les producteurs vivent et voient leur territoire ».
A la croisée de ces deux axes, l’association a obtenu quatre profils :
- Opportuniste (prudent et insertion faible) : frileux envers la bio ou le changement, plutôt sur des logiques de survie et peu influencé par des idéologies ou l’environnement social. S’il vient à la bio ou aux changements, ce sera plutôt par opportunisme.
- Observant (prudent et insertion forte) : méfiant envers la bio et le changement mais soucieux du regard d’autrui. Il a besoin de conseils, d’avis et de recommandations de prescripteurs. Le changement pour lui s’opérera si les prescripteurs l’accompagnent et l’incitent.
- Militant (entreprenant et insertion faible) : producteur audacieux, sensible aux idéologies, qui aime la rupture et qui va faire les choses pour se démarquer de la norme.
- Manager (entreprenant et insertion forte) : va être plus porté sur l’innovation, la performance, le progrès.
Selon les territoires, les scénarios sont très différents. Un territoire avec 73% de « managers » ne va se comporter de la même manière qu’un territoire avec 63% d’« observants ». Ces acteurs ne vont pas s’engager dans les projets de la même manière.
L’OPAAL, un outil de diagnostic
L’OPAAL s’applique dans n’importe quel contexte et pour n’importe quel public de producteurs. Il indique avec quelle précision les résultats d’un échantillon sont extrapolables à l’ensemble des producteurs d’un territoire. Il cherche à éviter les raccourcis logiques et les idées reçues. Enfin, il explore les points de convergence entre des intérêts qui peuvent être divergents.
Toutefois, l’OPPAL ne permet pas de :
- dire dans quel délai les producteurs passeront en bio ;
- dire que la « proximité » ou l’intérêt des producteurs pour la bio et les questions environnementales favorisent la conversion ;
- faire des extrapolations sans pertinence statistique (méthodes dites qualitatives).
Enfin, il ne gomme pas les divergences d’intérêts entre les acteurs. « Ce n’est pas un outil de consensus ». L’objectif est plutôt de redonner le pilotage des projets aux collectivités.
…mais pas seulement, l’OPAAL est aussi un outil d’aide au dialogue
« L’ OPAAL n’est pas qu’un outil de diagnostic, c’est aussi une démarche qui aide les collectivités à construire leur stratégie et à mobiliser les acteurs pour répondre aux enjeux. »
L’objectif initial est de faire passer le plus d’agriculteurs en bio. L’outil aide alors les collectivités à comprendre la question agricole et alimentaire dans leur territoire à travers les profils. En effet, il leur offre une lecture plus fine et plus technique du territoire et des acteurs en présence. Cela leur permet également de connaître les conditions favorables pour obtenir un changement de l’interlocuteur en question.
Les collectivités connaissent ainsi mieux le langage de leurs interlocuteurs et peuvent donc mieux les comprendre. Les dialogues gagnent ainsi en efficacité et les projets peuvent voir le jour plus facilement.
Par exemple, les « opportunistes » seront sensibles aux encouragements financiers, à la référence à des démarches simples, à des valeurs traditionnelles mais seront dissuadés par tout ce qui attrait au militantisme environnemental ou à la dimension collective.
En somme, l’OPAAL permet d’amener la bio par des chemins insoupçonnés et de faire ainsi plus de conversions bio qu’ailleurs. L’OPAAL est donc un outil pour agir.
Par exemple, « une coopérative ne fait pas de philanthropie, elle travaille pour ses intérêts. Par contre, si la collectivité l’associe dans le projet de territoire, cette dernière peut orienter une partie de ses actions en faveur du projet bien que ce ne soit pas dans sa stratégie d’origine ».
Ainsi, l’idée est de trouver des synergies entres des acteurs aux intérêts divergents afin qu’ils concentrent leurs efforts autour d’un projet et des enjeux du territoire.