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SSA gironde

En Gironde, un an pour expérimenter la Sécurité sociale de l’alimentation

© Crédit Photo Acclimat'Action
Fanny Laison, journaliste
Publié le 15/05/2025
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Carte d'identité

Sous-thématiques :
Politique de la ville
Structure porteuse :
Acclimat'Action, le Département de la Gironde et la ville de Bordeaux
Aire d'influence :
  • Département
Date de lancement :
01/04/2024
État d'achèvement :
En cours
Coût du projet :
760 000 € sur un an (dotations de la caisse commune et animation/coordination de l’expérimentation)

La démarche en bref

Depuis le mois d’avril 2024, 400 personnes cotisent et reçoivent chaque mois 150 € pour acheter des produits alimentaires de qualité, de saison, et locaux. Pilotée par le collectif Acclimat'Action, le Département de la Gironde et la ville de Bordeaux, cette expérimentation porte un double objectif : faire émerger un droit à l’alimentation et favoriser un système agricole plus vertueux.

Contact
1 Esplanade Charles de Gaulle 33000 Bordeaux

Acteurs

Public cible :
  • Tout public
Personne ressource :
David Fimat, membre d’Acclimat’action et coordinateur Accès à l’alimentation et Urgence climatique chez VRAC Bordeaux

Contexte

Droit à l’alimentation et système agricole plus vertueux

 

L’idée d’une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) est portée depuis 2019 par un collectif national composé par plus d’une trentaine d’associations et groupes locaux qui militent pour l’accès de tous à une alimentation saine, et remettent en cause le système agro-industriel. Aujourd’hui expérimentée dans une trentaine de territoires à travers la France, la SSA vise à la fois à faire émerger un droit à l’alimentation, et à réorienter le système agricole vers un fonctionnement respectueux des agriculteurs, de l’environnement, et de la santé, et dont la raison d’être est avant tout de nourrir. “En 2022, lorsque Jean-Luc Gleyze, le président du Département, a souhaité lancer une expérimentation de SSA en Gironde, nous nous sommes intéressés à tout ce qui se passait sur le territoire, retrace Justine Bosredon, chargée de mission Résilience et Innovation territoriales, Démocratie participative. Cela nous a amenés à rencontrer Acclimat’action, un collectif mobilisé sur les questions de démocratie alimentaire qui développait un projet de convention citoyenne autour de la SSA, et la ville de Bordeaux qui évoquait la possibilité de s’inspirer de la SSA pour mettre en place des politiques publiques.” Alignés sur les valeurs et la définition d’une SSA, ces trois acteurs ont décidé de porter ensemble une expérimentation d’un an.

Objectifs

Une expérimentation construite avec 40 citoyens

 

Un an et demi de prototypage a été nécessaire avant de lancer l’expérimentation girondine qui se déploie sur quatre territoires - Bordeaux, Bègles, le Sud Gironde et le Pays Foyen - et repose sur quatre valeurs socles. L’universalité, ce qui signifie que le dispositif s’adresse à tous, le conventionnement démocratique des produits - ce sont les citoyens qui choisissent les producteurs et les lieux de vente -, la solidarité, qui se traduit par une cotisation en fonction de ses moyens, et le respect du vivant. 

 

Élaboré de manière démocratique, le prototypage a impliqué 40 Girondines et Girondins qui ont travaillé durant six mois sur les enjeux alimentaires en rencontrant des experts et des producteurs. “Nous avons voulu que le volet démocratique soit le point de départ de l’expérimentation de SSA parce qu’il ne nous semblait pas concevable de la construire sans les citoyens, c’est-à-dire les premiers concernés”, explique Justine Bosredon. Baptisé Parcours d’engagement et accompagné par Acclimat’action, ce travail a abouti à la rédaction de la charte de conventionnement des lieux et des produits. Document socle de l’expérimentation, elle mentionne les critères que les points de vente doivent respecter - au moins trois sur cinq - pour participer à la SSA : accessibilité et inclusivité, bien-être au travail, transparence et juste rémunération des producteurs, pratiques agricoles durables et localité des produits. 

 

Par la suite, les 40 citoyens, les trois structures pilotes et les différents partenaires qui ont rejoint la démarche au fil du temps - comme les territoires d’accueil, les commerces, les producteurs ou les acteurs de l’aide alimentaire - ont répondu collectivement aux questions qui concernaient le fonctionnement effectif d’une SSA. “Comment les participants allaient-ils cotiser ? A quel taux, à quel rythme ? A combien devait s’élever la dotation ?, énumère la chargée de mission. Des caisses locales allaient être créées mais comment allaient-elles fonctionner démocratiquement et être animées ? Qui allait s’occuper du conventionnement avec les lieux de vente et les producteurs ?” Tout un travail de réflexion, de débat, et de prise de décision qui a abouti au lancement de l’expérimentation en avril 2024

Mise en œuvre des actions

Cotisation et dotation

400 Girondins, parmi lesquels les 40 citoyens qui ont contribué au Parcours d’engagement, ont été sélectionnés pour participer durant un an à l’expérimentation de SSA. Issus de territoires urbains - Bordeaux et Bègles - et de deux territoires ruraux - le Sud Gironde et le Pays Foyen -, ils ont candidaté en remplissant un formulaire puis ont été tirés au sort selon des critères de représentativité, de revenus et de composition du foyer. “Il y a une surreprésentation des personnes en situation de précarité économique et alimentaire, à hauteur de 30 %, car c’est une vulnérabilité à laquelle nous voulions accorder une attention particulière”, précise Justine Bosredon. C’est pourquoi, chaque mois, chacun des 193 foyers verse à la caisse commune une cotisation dont il a lui-même déterminé le montant. En échange de quoi ils reçoivent une dotation de 150 € à partir d’une personne par foyer, puis de 75 € par personne supplémentaire, quel que soit son âge. Un couple avec un enfant reçoit par exemple 300 € par mois, tandis que la dotation d’un couple de retraités est de 225 €. Cet argent n’est pas versé en euros sur le compte bancaire des participants, mais sur un compte numérique sous la forme de Monnaies Alimentaires. 1 MonA équivalant à 1 €, elles peuvent être dépensées dans les points de vente conventionnés - presque 60 en mars 2025 - et pour acheter des produits fléchés, en donnant un code à 4 chiffres, ce qui débite le compte numérique. Parallèlement, la caisse commune, portée et gérée par Acclimat’action, rembourse en euros les producteurs et les distributeurs.

Des caisses démocratiques locales sur chaque territoire

Une caisse locale a été créée sur chaque territoire d’accueil de l’expérimentation. Les participants composent leur noyau dur, mais ces caisses comptent aussi parmi leurs membres des lieux de vente, des producteurs, des associations locales, ou encore des citoyens et des collectivités intéressés par la dynamique. Les participants-citoyens prennent les décisions, leur rôle consiste principalement à gérer le conventionnement des lieux et des produits en allant à la rencontre de commerces et de producteurs qui pourraient être intéressés par la démarche. Chaque caisse se réunit une fois par mois en suivant un ordre du jour, mais d’autres rendez-vous, moins formels, sont également organisés : des petits-déjeuners ou des apéros pour discuter du fonctionnement de la SSA ou de divers sujets d’actualité, des rencontres avec des producteurs, ou encore des permanences pour répondre aux diverses questions des participants. Les quatre caisses locales se réunissent également tous les trois mois, lors d’une “caisse commune”, afin de faire le point sur l’avancée de l’expérimentation et sur les suites à lui donner.
 

Résultats

 

L’expérimentation est encore en cours au moment de la rédaction (mars 2025, ndlr), mais les résultats suivants peuvent déjà être observés : 

  • Les pratiques alimentaires des participants ont évolué vers une augmentation de la consommation de produits frais, locaux et de saison. Ceux qui se trouvaient en situation de précarité alimentaire en sont sortis.
  • La participation à la SSA a permis à certains producteurs et certains lieux de vente d’élargir leur clientèle et de stabiliser leurs revenus. Une productrice d'œufs a par exemple dû augmenter sa production pour répondre à la demande des participants de la SSA.
  • Le prototypage a accouché d’un dispositif démocratique opérationnel. Les caisses locales et la caisse commune fonctionnent de manière fluide et satisfaisante. 
  • L’expérimentation a fait naître un dynamisme et du lien entre citoyens sur les territoires d’accueil.

 

Par ailleurs, quatre projets de recherche suivent l’expérimentation :

  • Thèse en Cifre au CCAS de Bordeaux coordonnée par A. Bernard de Raymond (INRAE), S. Bordiec (Université de Bordeaux), et P-A. Vaquin (DGA du CCAS de Bordeaux)
  • SSAciété, coordonné par S. Bordiec (Université de Bordeaux) et financé par la Région Nouvelle-Aquitaine
  • A-MAP, consacré à la précarité alimentaire en France, coordonné par A. Bernard de Raymond (INRAE) et financé par l’Agence nationale de la recherche
  • MAIA, consacré à la massification de l’agroécologie, coordonné par A. Rusch, et financé par la Région Nouvelle-Aquitaine

Facteurs de réussite

. Le soin porté aux enjeux de coopération entre les acteurs impliqués en prenant le temps de s’accorder sur les valeurs et les ambitions placées dans l’expérimentation de SSA.

 

. Le temps pris pour accompagner l’implication des citoyens dans la construction et le fonctionnement démocratiques de l’expérimentation. “Dans la théorie de la SSA, la prise de décision en connaissance de cause est très importante, souligne Justine Bosredon. Il était primordial d’accompagner pas à pas ces habitants qui se sont retrouvés embarqués dans la quasi-construction d’une politique publique.

 

. L’expérimentation a toujours bénéficié d’un fort portage politique des élus puisqu’elle figurait dans le programme du président du Département.
 

Freins

Les difficultés qui auraient pu se poser ont été évitées grâce à la coopération entre acteurs et à l’accompagnement des citoyens.

Enseignements

Les difficultés qui auraient pu se poser ont été évitées grâce à la coopération entre acteurs et à l’accompagnement des citoyens.

 

Perspectives

Moins dépendre des financements publics

Le défi pour la suite de la SSA en Gironde est de penser un modèle économique moins dépendant des financements publics. En effet, les cotisations couvrent aujourd’hui 27 % du montant des dotations. Le reste, soit 73 %, est versé grâce à la participation financière du Département de la Gironde, des villes de Bordeaux et de Bègles, de la Région Nouvelle-Aquitaine et de l’Etat au travers d’appels à projets. À la fin de l’expérimentation, le budget de la caisse commune sera d’environ 380 000 €. “Si l’on prend en compte le volet fonctionnement, qui repose entièrement sur des fonds publics, avec les mêmes financeurs, ce budget passe du simple au double, précise Justine Bosredon. C’est pourquoi les caisses locales ont déjà commencé à réfléchir à des modalités qui permettraient d’avoir plus d’autonomie financière. Tout est ouvert, mais cela pourrait passer par une cotisation plus élevée et imposée, et une dotation moins importante. Il faut savoir qu’en Gironde nous avons la spécificité de proposer une allocation qui est censée couvrir l’ensemble des besoins alimentaires d’un foyer.” Jean-Luc Gleyze a en tout cas, et malgré le contexte budgétaire, fait part de sa volonté de continuer en 2025 à soutenir les dynamiques locales nées de l’expérimentation. Le temps qu’un autre modèle économique émerge des réflexions des caisses locales.

Faire émerger un droit à l’alimentation

Le suivi de l’expérimentation girondine par quatre projets de recherche pourrait aider à alimenter un plaidoyer national en faveur d’un droit à l’alimentation.L’objectif politique consiste aussi à tester la SSA au niveau local pour qu’au niveau national, un droit à l’alimentation soit reconnu au travers d’un projet de loi ou d’une expérimentation élargie”, rappelle la chargée de mission.  

Comment se positionner face à l’aide alimentaire ?

Dans l’hypothèse d’un système opérationnel et viable économiquement, la SSA pourrait remplacer l’aide alimentaire. Ce qui interroge Louis Cantuel, responsable du pôle institutionnel et stratégique aux Restos du Coeur. Dans un rapport intitulé “Faut-il en finir avec l’aide alimentaire ?” (Fondation Jean Jaurès Editions), il pose notamment la question de “la place des personnes “invisibles” des organismes de Sécurité sociale et plus largement des institutions, c’est-à-dire les grands exclus, par ailleurs en situation d’insécurité alimentaire plus sévère”. En outre, Louis Cantuel rappelle que l’aide alimentaire va de pair avec un accompagnement social et permet de rompre l’isolement, “ce qu’un système allocatif ne serait pas en capacité de reproduire”. 

En Gironde, à l’heure actuelle, Justine Bosredon souligne que “l’un des premiers actes du président dans cette expérimentation a été de réunir les acteurs de l’aide alimentaire pour savoir ce qu’ils pensaient d’un tel projet”. En outre, elle insiste sur le fait qu’en “aucun cas cette démarche ne nous libère de l’aide alimentaire compte tenu du faible nombre de personnes impliquées et des besoins qui existent sur notre territoire”. 

Contenu rédigé par : Fanny Laison, journaliste

Pour aller plus loin : 

"Expérimentation vers l'instauration d'une sécurité sociale de l'alimentation", le projet de loi porté à l'assemblé nationale en octobre 2024. 

 

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