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Webinaire limelight

Retour sur le webinaire "Comment les élus s’engagent-ils en faveur d’un approvisionnement durable et local dans leurs cantines ?"

© Crédit Photo PQN-A
Publié le 04/12/2023
Temps de lecture : 15 min
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Une alimentation basée sur des produits bio favorise la santé humaine, elle permet la préservation de l’environnement et est créatrice d’économie locale. Pourtant en cette période de crise inflationniste le marché bio accuse un coup de -3% en 2022(1) tous circuits de distribution confondus, la plus importante baisse se trouvant du côté des magasins spécialisés et des grandes surfaces. Cela s’explique par la hausse des prix du bio qui ont pu sextupler sur certains produits. Seuls les fruits et légumes semblent être un peu plus épargnés (2). La restauration collective reste un levier important de maintien du marché bio en France avec une augmentation de 18% en 2022(3). Une vraie question de mobilisation se pose alors autour des démarches agricoles et alimentaires durables pour maintenir l’effort. Cette ambition portée par Néo Terra 2 et par la Planification écologique du gouvernement, appuie sur le levier de la restauration collective.   

 

Le sujet de l’approvisionnement des restaurants scolaires est souvent abordé sous son aspect technique par la manière de répondre aux marchés publics, la structuration de la logistique ou encore les bonnes pratiques des agents de services. Laissons aujourd’hui place aux élus pour parler de leurs expériences afin d’illustrer leur engagement, parler des leviers vers le changement dont ils se sont saisis dans un contexte où l’urgence climatique, économique et sociale bat son plein ainsi que de leur volonté d’essaimer ces bonnes pratiques. Les questions sont les suivantes : Par où commencer lorsque l’on veut s’engager pour une alimentation saine et durable dans nos cantines ? Qui sont les structures à mettre autour de la table ?  Quels sont les leviers pour favoriser une dynamique collective à plusieurs territoires et initier la coopération ? Comment une action se pérennise-t-elle au-delà du mandat politique ? Quelles sont les stratégies politiques mises en place pour motiver le projet ? 

 

Pour aborder la question Comment les élus s’engagent-ils en faveur d’un approvisionnement durable et local dans leurs cantines ?, nous avons accueilli le 13 octobre dernier : 

  • Jacky Bonnet, élu premier adjoint au maire de la commune de La Couronne (16).
  • Marie-Emmanuelle Saintier, vice-présidente de la Communauté de Communes du Mellois en Poitou (79).
  • Ondine Louis, chargée de mission chez INTERBIO Nouvelle-Aquitaine. 

 

Un contexte politique favorable à une alimentation saine et durable en Nouvelle-Aquitaine

La Nouvelle-Aquitaine est la seconde région ayant la plus grande surface agricole biologique. Celle-ci ne cesse d'évoluer : entre début 2017 et fin 2022, le nombre d'exploitations a augmenté de 14%, pour atteindre 9 083 exploitations bio, et la superficie cultivée était de 9,7%, atteignant 377 830 hectares en bio. La Région Nouvelle-Aquitaine accompagne ce développement depuis plusieurs années avec ses partenaires qu’elle fédère autour d’un Pacte d’ambition Agriculture Biologique, dont les axes d’actions ont été nouvellement renouvelés pour la période 2023-2027. L’un des objectifs est notamment celui d’atteindre le 30% de produits bio dans l’ensemble des lycées régionaux en 2027, dépassant ainsi ceux fixés par la loi EGAlim. Par ailleurs, l’approvisionnement local en produits locaux, sains et de qualité est une ambition portée par le Pacte Alimentaire, la feuille de route 2021-2025 co-signée par l’Etat, la Région Nouvelle-Aquitaine et les têtes du réseau d’acteurs de l’alimentation et de l’agriculture, dont Pays et Quartiers de Nouvelle-Aquitaine et INTERBIO font partie. 
 

De nombreux acteurs sont présents en région pour appuyer et accompagner ces politiques publiques comme par exemple INTERBIO Nouvelle-Aquitaine l’association interprofessionnelle de la filière biologique qui rassemble aujourd’hui près de 300 adhérents. INTERBIO a pour mission de développer les filières bio, promouvoir les produits bio régionaux, accompagner les projets bio certifiés,et représenter les filières auprès des pouvoirs publics. Seulement les constats sont là  : “Aujourd’hui la loi EGAlim on y est pas, selon l’enquête de recensement réalisé par Ma Cantine, on en est à 16% d’achat de bio dans nos cantines(3).” nous dit Ondine Louis. L’association et ses partenaires ont une connaissance de l’offre et de la demande ainsi que des marchés publics qui permettent l’accompagnement vers cette transition. Un salon interprofessionnel a eu lieu le 18 octobre à Saint Junien.

 

 Des initiatives nées d’engagements politiques forts d’il y a plus de 15 ans

Les projets allant vers ces objectifs sont nombreux : on compte aujourd’hui 35 Projets Alimentaires de Territoire en région, environ 42 initiatives alimentaires et 41 tiers-lieux nourriciers dont l’ensemble est appelé démarche alimentaire de territoire (DAT). Pour les collectivités en charge d’une DAT, le levier de la restauration collective est fortement mobilisé afin d’aller vers un approvisionnement local et bio. Une action impulsée par la loi EGalim 1 de 2018, et complétée par EGalim 2 en 2019 qui donne pour objectif de 20% de produits bio dans les cantines. 

 

Les élus ont un rôle essentiel dans la construction d’une stratégie de territoire. Ils permettent de favoriser le dialogue stratégique, conforter et/ou de (ré)orienter les projets en cours, d’installer la coopération entre les acteurs locaux et aussi avec ceux des territoires voisins. Cela s’inscrit dans une action pour l’intérêt local. Jacky Bonnet et Marie-Emmanuelle Saintier sont élus depuis 2008 sur leurs communes et engagés dans la dynamique communale et intercommunale. Tous deux portent des engagement fort en faveur d’un approvisionnement local et bio dans les cantines de leurs territoires. 

 

La commune de la Couronne porte l’ambition d’atteindre le 100% bio dans ses cantines, le bilan en 2022 est à 82% déjà. Peuplée de 8 000 habitants, ce sont 530 repas scolaires par jours qui sont servis par 1 cuisine centrale et 3 cuisines satellites (Maison de la petite enfance et deux écoles maternelles). La commune a pris depuis 2008, la direction de pratiques plus sobres et durables en choisissant un travail progressif notamment concernant l’alimentation : introduction de pain bio, formation des salariés, sensibilisation des élèves et des enseignants. La stratégie est simple nous dit Jacky Bonnet “Une fois qu’on a franchi une marche, l’objectif c’est de ne surtout pas la redescendre.”. Le choix a été de ne pas rogner sur le budget alimentaire, de faire de l’alimentation un levier social et de développement local. Depuis, la commune détient les labels Territoire Bio Engagé depuis 2016 décerné par INTERBIO et par Ecocert  “En cuisine” niveau excellence 3 depuis 2022. D’autres démarches sont engagées en parallèle notamment sur l’hygiène avec la traque aux perturbateurs endocriniens, l’ergonomie du travail. L’adjoint au maire reconnaît que le mandat politique est contraignant pour ce type de projet qui se construit sur le temps long. Pour pallier l’éventuel changement de paradigme et éviter de “redescendre des marches”, il compte sur l’engagement de l’équipe technique qui a été formée à des méthodes de travail dans lesquelles elle y trouve du sens et sur les parents d'élèves conscients de la grande qualité de la restauration scolaire. 
 

La Communauté de commune du Mellois en Poitou sert quant à elle, 2 800 repas par jour sur ses 62 communes de 80 à 6 000 habitants. Toutes les communes ne disposent pas de la compétence restauration scolaire. C’est le cas de la Communauté de commune qui, lors de sa création en 2017 a choisi de s’en charger. C’est déjà depuis 2008 que les élus locaux portent un projet commun de donner à manger dans leurs cantines des produits locaux. La plateforme Mangeons Mellois a alors été créée pour organiser la logistique d’approvisionnement, d’aujourd’hui, 45 cantines adhérentes. En moyenne 28 producteurs locaux fournissent leurs produits à la plateforme. C’est l’EPCI qui se charge de l’ensemble de la logistique. Par ailleurs, il a été mis un point d’honneur à se faire rencontrer tous les ans les cuisiniers et producteurs afin de favoriser le dialogue et l’interconnaissance entre les acteurs.  


 

Par où commencer ?
 

La richesse du partage d’expérience est de permettre d’éviter à ceux qui souhaitent se lancer de ne pas commencer de zéro. Ainsi, voici en quelques points clés, les enseignements tirés par nos intervenants : 

  • Initier le projet avec les volontaires pour embarquer petit à petit le plus grand nombre : il est important de tester son modèle en commençant avec des acteurs motivés. C’est ce qu’a choisi Mellois en Poitou en se rapprochant d’abord d’une cantine aux employés volontaires, qui a ensuite favorisé l’essaimage auprès de ses pairs d’autres établissements. 
  • S’appuyer sur l’existant, sur ceux qui savent faire pour ne pas s’essouffler : cela demande une connaissance accrue de son territoire et des acteurs qui le composent. Pour aider à ce travail des structures telles que, s’il existe, le PAT local, les associations interprofessionnelles comme INTERBIO, les Chambres d’Agriculture ou encore l’Essaimeur et PQN-A. 
  • Ne pas sous-estimer le facteur “interconnaissance” : La CdC Mellois en Poitou a dédié 2 postes et demi comprenant un chef cuisinier et son adjoint qui gèrent l'ensemble des cuisines communautaire et fait le lien avec les élus, et une personne qui s’occupe des commandes avec la nouvelle plateforme numérique. La commune de la Couronne a dédié elle aussi un poste plein de coordinateur mettant en lien les agents de cantines, les élus et qui gère le temps du midi. 
  • Une évaluation régulière pour garder le cap : Suivre ses achats c’est important pour savoir où on en est dans l’atteinte de ses objectifs. Il n’est pas toujours nécessaire d’ouvrir un poste pour ça, il faut voir qui est la personne des services communaux qui serait la plus adaptée. Il faut qu’il y ait de la communication entre la personne qui passe les commandes et celle qui réception les factures, qui gère le budget. “C’est faisable !” rassure Ondine Louis. Pour cela il existe le logiciel Easilys par exemple, sinon, plus simplement l’utilisation d’Excel est un très bon outil à petite échelle (Découvrez des modèles sur votre espace Ma Cantine). 


 

La coopération comme facteur de réussite et essaimage de bonne pratique
 

Ces projets ne se construisent pas seuls. Ils sont le fruit de multiples rencontres et d’échanges ponctuels et réguliers avec des acteurs ressources. La Communauté de commune du Mellois est, par exemple, accompagnée par INTERBIO depuis de nombreuses années. Elle travaille également en local avec Résalis pour améliorer sa logistique et le collectif Nourrir l’Avenir avec lequel elle a notamment construit sa stratégie de lutte contre le gaspillage alimentaire et pu réduire ses coûts denrées. La force de la CdC réside dans la construction pas à pas de sa stratégie territoriale en rassemblant petit à petit des acteurs pour nourrir son ambition.
 

C’est pareil pour la commune de La Couronne qui s’est entourée du réseau local Paysans Charente Bio, du réseau régional INTERBIO et du réseau national Un Plus Bio qui lui confère une visibilité et un appui de compétence indispensable à son ambition. Par ailleurs, la commune se trouvant sur le territoire du Grand Angoulême est dotée d’un Projet Alimentaire de Territoire, outil d’ingénierie multi acteurs intéressant. Par sa dynamique, la commune souhaite pousser le PAT plus loin dans ses ambitions, en faisant connaître ses engagements et l’importance de changer de paradigme vers une organisation nouvelle telle que préconisée par les experts du GIEC dans leur dernier rapport (5). 
 

Le mot de la fin de nos élus ! 

“Il n’y a pas de taille de territoire idéale pour initier ce type de projet, tout le monde peut le faire. Tout l’enjeu se trouve dans la coopération. Il faut donner confiance aux acteurs locaux en la collectivité par le soutien qu’elle peut apporter, tout en adaptant les outils de la collectivité aux besoins du terrain. Tout le monde a son rôle à jouer.”

Marie- Emmanuelle Saintier 
 

 “On retire beaucoup de fierté et d'humilité à lutter pour ce sujet. C’est une belle aventure humaine qui illustre bien la force du collectif.”

Jacky Bonnet
 

Sources : 

(1) Agence Bio. 2023. Les chiffres du bio, panorama 2022. < https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/06/DOSSIER-DE-PRESSE-CHIFFRES-BIO.pdf >

(2) Que choisir, 2023. Les ventes de bio reculent à nouveau. <https://www.quechoisir.org/actualite-alimentation-les-ventes-de-bio-reculent-a-nouveau-n108270/ >

(3) Agence Bio. 2023. Le marché bio en France 2022. <https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-consommation-bio/ >

(4) Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire. 2023. Ma Cantine. <https://ma-cantine.agriculture.gouv.fr/statistiques-regionales?year=2022&region=75

(5) Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Ministère de la Transition énergétique. 2023. Ce qu’il faut retenir  du 6e rapport d’évaluation  du GIEC

 < https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20250_4pages-GIEC-2.pdf


 

Pour compléter : 

Dispositif d’aides au bio : https://www.produire-bio.fr/les-aides/ 

Le clausier de la restauration collective par 3AR/AANA/ACENA : https://3ar-na.fr/documents/clausier-regional-egalim/ 

Webinaire Les élus parlent aux élus : Comment initier une démarche alimentaire sur son territoire ?


 

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