Contexte
Instauré en 2001, l'abattement sur la Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties (l’ATFPB) vise l’amélioration de la qualité de vie des habitants des quartiers prioritaires. En 2014, ce dispositif connaît une évolution importante avec la loi Lamy. Il prend une envergure plus stratégique et intégrée, avec son rattachement aux contrats de ville et l’impulsion d'un pilotage partenarial (État, collectivités territoriales et organismes Hlm).
Depuis, les collectivités et les organismes Hlm développent progressivement des méthodes de travail pour s’approprier le dispositif et œuvrer en coopération afin de concevoir des plans d’actions répondant à des besoins repérés conjointement, concernant aussi bien le cadre de vie que la tranquillité résidentielle ou encore la cohésion sociale.
L’abattement sur la TFPB, de quoi parle-t-on ?
Les organismes Hlm bénéficient d’un abattement de 30% de la TFPB pour les logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires (QPV), afin de compenser partiellement les surcoûts de gestion liés aux besoins spécifiques de ces quartiers (sur-entretien, gestion des espaces, etc...). En contrepartie, des actions doivent être mises en place pour améliorer la qualité de vie dans les quartiers. Un cadre de référence national d’utilisation précise que les actions relevant de cet abattement doivent soutenir les objectifs de qualité du cadre de vie, de cohésion et de développement social.
Pour mieux comprendre comment mobiliser le dispositif, nous sommes allés à la rencontre de la Préfecture de la Gironde. Le Délégué du Préfet Clément Maes, intervenant sur les QPV des communes de Mérignac, Coutras et Sainte-Foy, a partagé ses méthodes de travail et pratiques autour de l’abattement sur la TFPB.
Comment utiliser efficacement l’abattement sur la TFPB pour un réel impact sur la vie des habitants des quartiers prioritaires ?
Pour que le dispositif ait réellement un effet levier sur la qualité de vie des habitants, la première condition est de renforcer l’intervention des bailleurs sociaux sur des projets à destination des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
En effet, l’abattement est généralement utilisé pour le sur-entretien du bâti suite à des dégradations, faisant parfois l’impasse sur la création d’actions ou de projets à destination des habitants (chantiers éducatifs, chantiers d’insertions, ateliers de sensibilisation, organisation d’animations, sécurisation de parkings etc). Pour que le dispositif soit pleinement performant et réponde aux besoins des habitants, il faut être en capacité de faire émerger et de soutenir des projets qui croisent différentes dimensions tels que l’entretien du bâti, l’insertion professionnelle, la participation citoyenne, la sécurité ou encore la cohésion sociale.
L’autre condition de réussite est de parvenir à articuler les calendriers budgétaires et à coordonner les instances de pilotage entre la commune, l’intercommunalité, les bailleurs et l’Etat pour obtenir un réel partenariat au bénéfice des habitants des quartiers prioritaires. “Il y a un véritable enjeu de la gouvernance. Il faut flécher une partie de l’enveloppe sur des actions en faveur des habitants et valider chaque projet retenu avec les bailleurs, la Ville et l’Intercommunalité.” Clément Maes, Délégué du Préfet de la Gironde
Mais est-il possible de parvenir à l’utilisation totale de l’enveloppe budgétaire dans la création de projets ? Cela est possible dans les quartiers prioritaires avec peu de dégradations, où le sur-entretien du bâti est jugé moins nécessaire par les bailleurs et où l’abattement sur la TFPB peut servir dans sa totalité à la création de projets. Dans le cas où les besoins d’entretien du bâti sont plus importants, l’utilisation de l'enveloppe budgétaire pourrait être scindée en deux, avec une part de 30% dédiée à l’entretien et une part de 70% dédiée à la réalisation d’actions dans le quartier.
De plus, la mise en place d’un système de clause d’insertion indiquant d’embaucher les habitants de ces quartiers pour réaliser l’entretien du bâti (chantiers éducatifs, chantiers d’insertion) permet un cercle vertueux. “Faire travailler en priorité les habitants du quartier est un enjeu et entraîne un cercle vertueux où l’on flèche des dépenses d’entretien sur des marchés à haute valeur sociale pour créer des emplois par la suite.” Clément Maes, Délégué du Préfet de la Gironde
Comment établir une réelle collaboration et un lien de confiance avec les bailleurs sociaux ?
Il est nécessaire d’être en étroite collaboration et en échange constant avec les bailleurs sociaux. En Gironde, les services de la Préfecture rencontrent les bailleurs sociaux à raison de trois réunions par an. Les réunions avec les bailleurs durent environ deux heures avec une heure d’échanges et une heure de visite du quartier. “Une seule réunion par an ne suffit pas, il faut trois réunions minimum, voire plus si nécessaire” Clément Maes, Délégué du Préfet de la Gironde
Exemple de calendrier des réunions mises en place en Gironde :
→ En novembre : Préparation de l’enveloppe budgétaire pour l’année suivante (discussion entre la ville, l’intercommunalité, le délégué du préfet et le(s) bailleurs(s) autour des projets pouvant être réalisés et estimation des coûts/dépenses liés).
→ En début d’année (janvier/février) : Validation des projets qui seront réalisés au cours de l’année. Si certains d'entre eux ne sont pas financés par le dispositif, ils seront repris sur la programmation et vice-versa avec un basculement sur l’abattement.
→ En été (juin/juillet) : Vérification et contrôle des projets mis en place par les bailleurs et réorientation des fléchages si nécessaire. Le but étant que le budget soit dépensé dans sa totalité à la fin de l’année.
Hormis les trois réunions par an, garder un lien constant avec les bailleurs par des échanges réguliers avec eux est essentiel, notamment lors de l’annulation d’un projet en cours d’année, pour réinvestir rapidement le budget dédié dans un autre projet. La collaboration avec les bailleurs sociaux peut être complexe et prendre du temps, il faut établir un lien de confiance par étape. “Les acteurs sont bien conscients que le dispositif doit servir avant tout à avoir un impact positif sur les habitants. Grâce à ces réunions, on a amélioré l’utilisation de l’abattement sur la TFPB.” Clément Maes, Délégué du Préfet de la Gironde
Comment encourager l’émergence et la réalisation de projets par les bailleurs ?
Les bailleurs peuvent être réticents à porter des actions qui ne sont pas géographiquement localisées sur leur patrimoine et qui ne concernent pas directement leurs locataires. Pour encourager les bailleurs à réaliser des projets et actions dans un quartier, il faut ainsi favoriser des actions en pied d’immeuble et proposer des projets très définis géographiquement sur leur patrimoine.
En Gironde, se tiennent également des journées avec tous les financeurs (dont les bailleurs sociaux) et les porteurs de projets, vers la fin de l’année, avant que le budget ne soit voté. Les porteurs de projets viennent ainsi présenter leurs projets à cette occasion. Cela permet aux bailleurs de visualiser plus concrètement les actions pouvant être mises en place au titre de l’abattement sur la TFPB. “Grâce à ces rencontres, de plus en plus de projets sont financés chaque année.” Clément Maes, Délégué du Préfet de la Gironde
L’impact des projets réalisés sur le lien avec les habitants
Les projets mis en place par les bailleurs sociaux peuvent permettre un travail de proximité avec les habitants dans leur cadre de vie. Lors de chantiers d’insertion ou de chantiers éducatifs, certains habitants participent à des rénovations, à du nettoyage et/ou à de l’entretien des parties communes des immeubles. Leur participation à ce type d’actions favorise un respect des infrastructures, des bâtiments, des équipements, avec une diminution des dégradations et du besoin du sur-entretien par les bailleurs sociaux.
L’impact de l'abattement sur la TFPB sur le partenariat local
L’abattement sur la TFPB encourage la coopération locale entre différents acteurs. En effet, les projets financés permettent d’asseoir un partenariat entre les bailleurs et les associations, les services de la collectivité, les habitants des quartiers ou encore entre les bailleurs eux-mêmes. La coopération inter-bailleurs permet notamment une dépense croisée si un projet se situe par exemple entre deux parcs de logements sociaux de différents bailleurs, pour soutenir le projet commun. La mise en œuvre de l’abattement sur la TFPB permet également de consolider un partenariat entre la collectivité et le(s) bailleur(s) pour développer la transversalité et la complémentarité des actions sur les quartiers prioritaires.
En guise de conclusion : deux enjeux clés dans la mise en œuvre de ce dispositif…
- Une bonne répartition des fonds de l’abattement sur la TFPB, avec une majorité de l’enveloppe dédiée aux actions à destination des habitants des quartiers prioritaires,
- Une gouvernance efficace avec une comitologie dédiée régulière (trois réunions par an et des échanges en interne).
Le projet de loi de finances 2024 a par ailleurs annoncé que l'abattement TFPB pour les logements sociaux est prorogé en 2024 (pour les contrats de ville en cours).
Ressource complémentaire :
Replay GAP - contractualisation : repères et perspectives sur l’abattement TFPB par Trajectoire Ressources et l’Union Sociale pour l’Habitat de Bourgogne-Franche-Comté
Vous souhaitez en savoir plus ? Contactez-nous !
Laurence Liégeois, chargée de mission politique de la ville
E-mail : laurence.liegeois@pqn-a.fr
Tél : 07 56 36 28 14