
Interview de Jacques Breillat, maire de Castillon la Bataille

Carte d'identité
La démarche en bref
Acteurs
Jacques Breillat, Maire de Castillon la Bataille nous a présenté en mi 2018 la démarche de revitalisation mise en oeuvre au sein de la commune de Castillon la Bataille (33). La revitalisation a vocation à s’attaquer aux principales difficultés du centre-ville et en premier lieu à son extrême paupérisation avec notamment 25% d’allocataires du RSA et 27% de taux de chômage qui vont de pair avec un taux de vacance locative de 20%, la présence de nombreux marchands de sommeil ou encore d’une forte déprise du commerce de centre-ville.
Pour les élus locaux, mettre en oeuvre une telle démarche implique de passer d’une approche de gestionnaire à celle de
visionnaire.
Pourquoi vouloir lancer une opération de redynamisation de son centre-bourg ? Quel est l’enjeu d’une telle démarche pour Castillon ?
“La revitalisation a vocation à s’attaquer aux principales difficultés du centre-ville et en premier lieu à son extrême paupérisation avec notamment 25% d’allocataires du RSA et 27% de taux de chômage qui vont de pair avec un taux de vacance locative de 20%, la présence de nombreux marchands de sommeil ou encore d’une forte déprise du commerce de centre-ville. Pendant la campagne électorale, notre équipe est partie du constat que les défis de Castillon sont profondément structurels et invitent à s’inscrire dans le long terme. En termes de politique sectorielle nous n’avions plus la possibilité d’actionner confortablement les leviers un à un. Il fallait donc pousser tous les leviers en même temps : commerce, tourisme, mobilité, habitat …
C’est bien sur ce projet global que nous avons fait campagne lors des dernières élections car l’enjeu au final est de garantir la cohésion sociale. Pour les élus locaux, cela implique de passer d’une approche de gestionnaire à celle de visionnaire. Pour cela, les élus doivent à mon sens accepter de ne pas avoir la clé tous seuls mais qu’ils sont obligés d’aller chercher les autres parties prenantes et de mettre en place des modes de gouvernance différents.”
Comment et pourquoi investir dans une grande étude de revitalisation de centre-bourg ?
“Pragmatiquement, nous sommes allés chercher l’expertise nécessaire que nous n’avions pas pour mener une telle opération. L’étude, menée par une équipe pluridisciplinaire, a permis d’objectiver un certain nombre d’éléments sur notre commune mais aussi et surtout de définir une vision commune entre les différentes parties prenantes (ANAH, Caisse des Dépôts, la communauté de communes, la CCI…). Pour moi c’était très important de partager cela avec les partenaires et de les emmener avec nous car Castillon la Bataille a trop longtemps vécue repliée sur elle-même.
Nous avons par exemple effectué une balade urbaine qui a été déterminante pour l’appropriation du projet par les acteurs et particulièrement des élus municipaux. Nous sommes tout de même parvenus à mobiliser 80% de financement sur les 140 000€ de l’étude.”
Quel est le rôle de chacun de ces acteurs ? Quelles sont les lignes de partage ?
“Au départ, le portage et la volonté politique étaient municipales. La vision a été partagée avec la communauté de communes qui aujourd’hui soutien le projet et se l’est approprié. Il en est allé de même avec les associations de commerçants que nous avons consultés à travers des entretiens individuels, dans le cadre du diagnostic. De manière générale les institutionnels ont tous participé et fait un excellent travail : la Caisse de Dépôts, le Département, la CCI… Même la Région qui se trouvait dans le contexte de restructuration que nous connaissons a tenu à entrer dans le projet avant son lancement notamment grâce aux discussions que nous avons eu avec Florent Boudié, élu régional et député, qui ne partage pourtant pas la même famille politique que la mienne.
Nous venons de conventionner avec l’EPF qui rentre aussi dans la danse pour le portage du foncier ancien dégradé. Même l’Etat vient récemment de se positionner en nous proposant de signer une convention pour intégrer le dispositif ORT. Au final, de nombreux acteurs mettent en avant l’exemplarité de notre démarche ce qui témoigne d’une certaine appropriation du projet de la part des acteurs institutionnels. Les habitants quant à eux ne se sont pas encore approprié le projet. C’est quelque chose que nous mettons en place avec des actions de participation citoyenne et de consultation locale qui vont se dérouler sur l’année en cours.”
Comment combinez-vous le temps long de cette démarche et le temps court du rythme électoral ?
“C’est effectivement un facteur d’échec à identifier. Le portage politique ne peut se faire que sur deux mandats. J’ai dit aux élus qu’à la fin de mon mandat nous n’arriverions qu’aux prémices de ce qu’on veut mettre en place. Il faut veiller à ce que ce portage s’opère dans la durée, au-delà du cycle démocratique et même si le maire venait à changer. Sur un projet de revitalisation les questions de la longue durée et de la transmission sont essentielles. Les attentes des habitants sont fortes et s’expriment nécessairement dans l’immédiateté. Aussi, faire de la revitalisation sur le long terme, ne permet surtout pas de s’affranchir des urgences du quotidien. Cela suppose au contraire d’être disponible pour les citoyens et de continuer à répondre aux problèmes de tous les jours.
Ensuite, en fin de mandat, il faut pouvoir montrer aux électeurs le travail qui a été entamé pour le futur. C’est ce que l’on pourrait appeler en Droit « un début de commencement de preuve ». Vous vous rappeler des débuts d’Alain Juppé à Bordeaux et des premiers nettoyages de façades ? Ces façades du début du 18eme redevenues blanches ont immédiatement créées quelque chose, ça a eu un impact !”
Quel message souhaitez-vous faire passer aux élus des communes de votre taille, que vous définissez comme des « zones grises » car elles se situent hors du spectre d’intervention de l’Etat en matière de revitalisation de centre-ville ou de politique de la ville ?
“La première chose que je voudrais leur dire c’est d’oser car nous n’avons pas d’autre choix ! Je pourrais me contenter d’être un simple gestionnaire et le faire sérieusement « en bon pére de famille » mais ce n’est pas comme ça que nous inverserons le cours des choses. Il faut aussi un peu d’audace car il y a souvent une forme de fatalité et de désespoir dans le discours des gens qui ne veulent pas croire que les choses peuvent changer. Or je pense que c’est possible et c’est ce que j’essaie de porter avec conviction dans mon discours et mes actions.
Moi je vois la ville comme elle sera dans dix ans. C’est ce qui me fait tenir au quotidien car la gestion de tous les jours est lourde pour un maire dans une commune comme la nôtre. A titre d’exemple, j’ai déjà réalisé depuis le début de mon mandat, 417 rendez-vous de rappel l’ordre. Alors avec l’ensemble des collaborateurs en mairie, on s’accroche à ce beau projet dans les moments difficiles…”