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APPAL

L’investissement pérenne dans l’ingénierie de coopération et d’animation : pierre angulaire de la réussite des PAT ?

Publié le 27/04/2023
Temps de lecture : 10 min
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Entre 2018 et 2022, 20 chercheurs néo-aquitains en sciences sociales ont analysé comment les territoires se saisissaient des enjeux agricoles et alimentaires en Nouvelle-Aquitaine. Le programme “Agriculture de proximité et Politiques Alimentaires Locales” (APPAL) s’est conclu par une journée de restitution organisée par PQN-A à Bordeaux Sciences Agro, en février 2023. Mayté Banzo est enseignante chercheure à l’Université Bordeaux Montaigne, rattachée à l’UMR Passages. Elle a été la coordinatrice du programme et revient pour vous sur le contexte et les résultats de cette aventure scientifique et humaine.

 

Retrouvez les productions issues du programme et de la journée (films sur les PAT, jeu sérieux, ateliers…) en fin d’article.

Comment est né le programme de recherche APPAL, et à quels besoins répondait-il ?

A partir des années 2010, l’agriculture et l’alimentation s’inscrivent à l’agenda politique des collectivités territoriales. Mais celles-ci étaient sans compétence réelle sur ces questions, et peu préparées.La Région Nouvelle-Aquitaine était demandeuse de projets de recherche sur cette thématique. Nous nous sommes donc retrouvés autour de la table avec plusieurs collègues qui travaillaient sur ces questions :  circuits courts (programme PERFECTO), proximité (Observatoire de la proximité), micro-fermes (MicroAgri). Nous avons décidé de répondre conjointement à l’appel à candidature Recherche de la Nouvelle-Aquitaine en 2017. C’est comme ça qu’est né APPAL.

Quelles ont été vos questions et hypothèses de départ ?

Nous avions trois questions clés. 

La première : “Quelle est la diversité des initiatives territoriales sur l’agriculture et l’alimentation ?”. Quand on a commencé le programme, il n’y en avait pas tant que ça ! Elles se sont multipliées par la suite, notamment les PAT [Projet Alimentaire Territorial, ndlr].

 

La deuxième question était “Quelle est la place des  collectivités territoriales dans l’émergence et dans le fonctionnement de ces initiatives ?”. 

 

Enfin, nous formulions l’hypothèse que le projet se distingue de la politique. Il s’agissait alors de comprendre : comment passer d’un projet alimentaire à une politique alimentaire, plus imbriquée et vaste ? Ce qui implique de comprendre également  comment se construit celle-ci. C’est l’objet de la thèse CIFRE de Julie Lailliau en cours de finalisation qui étudie la politique alimentaire  du département de la Gironde.

Quelles sont les réponses trouvées à ces questions ?

Sur la diversité des initiatives, c’est qu’elle est grande ! La gouvernance, la manière de voir le projet, les acteurs impliqués… sont spécifiques au territoire porteur. Il est donc difficile de mettre les initiatives en perspective pour en tirer des leçons générales. Cela dit, il y a tout de même une certaine ambiguïté entre la singularité et la normalisation des initiatives.

Qu’entendez-vous par là ?

C’est-à-dire que l’on ne peut pas nier l’existence d’un processus de normalisation, beaucoup lié à la labellisation [de PAT, ndlr]. Il y a naturellement une tendance du PNA [Programme National de l’Alimentation, ndlr] qui propose des financements, à renforcer les règles sur les attendus des projets. Par exemple, la labellisation d’un des PAT que l’on a étudié avait été retoquée par les services de l’Etat, car le projet ne mettait pas assez en exergue la restauration collective. Cela produit des modalités de réalisation, des procédures qui sont parfois assez similaires d’un territoire à l’autre.  C’est ça qu’on appelle la normalisation. Cela est bien sûr influencé aussi par l’échange de bonnes pratiques, les dynamiques interPAT…

… que PQN-A encourage d’ailleurs !

Oui, cela crée une certaine homogénéisation… Mais en même temps c’est ce que demandent les territoires : du clé en main pour avancer ! La question de la place donnée à la singularité et la créativité du territoire se pose. Mais l’homogénéisation reste une tendance, et non une règle : il est en réalité difficile d’avoir les mêmes choses ici et ailleurs.

Quels résultats par rapport à la place des collectivités dans l’émergence des initiatives alimentaires de territoire ?

Ce sont souvent les territoires institutionnalisés, avec une existence préalable au projet qui s’en saisissent : EPCI, territoires de projet, et quelques communes…Ils orientent la démarche et la dynamisent. Ces structures ont en effet un savoir-faire sur leur territoire, et puis… faire bouger sans l’aval des communes et des élus locaux c’est très compliqué ! De fait, leur participation est requise dans les demandes de labellisation de PAT. Peu de PAT sont portés par des initiatives citoyennes. 

Avez-vous des exemples en tête ?

Oui. Nous avons étudié plus particulièrement le cas du bassin d’Arcachon [aujourd’hui PAT du Pays Bassin d’Arcachon Val de L’Eyre, ndlr]. Au début, la dynamique a été lancée par un collectif associatif. Les élus s’interrogaient sur la pertinence de ce type d’initiative sur un territoire où il y a peu d’agriculture et où les conditions sont peu propices à son développement. L’exemple montre un double processus : d’un côté la montée en compétences sur les problématiques territoriales du collectif de citoyens. De l’autre, l’ouverture progressive des élus locaux à ces questions. Finalement le PAT vient d’être labellisé en 2023.

Ainsi, avec la collectivité, le recours à des financements est facilité car le projet est perçu comme plus robuste.

Une collectivité engagée et porteuse, est-ce gage de réussite pour une démarche alimentaire de territoire ?

C’est une condition essentielle… mais non suffisante ! Il y a toujours cette question de la continuité des postes de techniciens, des financements… Et puis il y a aussi des personnalités motrices, dont le départ menace la continuité de la dynamique. Elles jouent un rôle primordial dans le tissage des relations interpersonnelles entre les acteurs locaux et la collectivité. Ce rôle d’animation est une condition sine qua non. La collectivité peut coordonner, mener des actions en propre comme mettre à disposition du foncier pour un tiers-lieu agricole, travailler sur les approvisionnements locaux de la restauration scolaire… Mais elle dépend beaucoup de l’initiative privée pour faire.

Est-ce qu’il faudrait donc investir davantage dans cette façon de faire de l’action publique ? Investir dans l’ingénierie de coopération ?

Oui, tout à fait, il faut des moyens pour l’animation. On en revient en fait au développement territorial. Les territoires de projet comme les PNR, PETR et Pays [Parc Naturel Régional, Pôle d’Equilibre Territorial et Rural] sont plus souples et peut-être plus adaptés à la dynamique de coordination. Tandis que les collectivités ont d’autres soucis : la gestion du territoire, mais aussi les enjeux de mandats. Dans les collectivités, c’est “une culture du faire” qui prédomine, et dans les territoires de projet “une culture de la coordination”. La coordination peut être un moyen de rendre visible  des choses qui existent déjà. Mais coordonner n’est pas facile car il y a beaucoup d’acteurs ! Les animateurs se retrouvent souvent un peu seuls et avec des élus qui n’ont pas que ça à penser : la question alimentaire et agricole vient en plus, et n’est pas forcément centrale. Par ailleurs, le chargé de mission n’est pas toujours spécialisé sur ces questions et peut devoir travailler en même temps  sur d’autres sujets.

Quels résultats sont pour vous essentiels à faire connaître de celles et ceux qui sont sur le terrain et animent les PAT ?

Il faut souligner que le rôle des animateurs est essentiel… pour le développement et la pérennité des projets et politiques. Il faut que les animateurs prennent conscience de ça, mais aussi les élus pour offrir des conditions de travail pérennes et correctes. Cela implique aussi que les recherches de financements soient moins contraignantes. Ils y perdent trop de temps au lieu d’être davantage sur le terrain. Sans moyens, c’est problématique car ce sont des postes où les gens peuvent vite s’épuiser, où l’on observe un gros turn over.

D’autre part, rappelons nous du “T” dans PAT. Le territoire dans son ensemble doit être considéré : dans sa configuration géographique, son histoire, ses acteurs et leurs collaborations… C’est souvent un atout de partir de ça ! Parfois il y a des tensions historiques qui ne facilitent pas la nécessaire coopération et  recomposition des relations dans ce type de projet. Il faut pourtant rester ouvert pour s’assurer de la diversité des acteurs autour de la table. Pour faire avancer la procédure en vue des demandes de financement, il se peut que la phase de concertation, d’association soit escamotée. Il n’est pas toujours facile par exemple d’associer les agriculteurs. Ne serait-ce que parce que leur rythme de travail ne s’accorde pas forcément aux temporalités des réunions proposées par les collectivités ou instances porteuses. Peut-être faudrait-il éprouver d’autres modalités d’action. Pour autant, la Chambre d’Agriculture est souvent présente, mais il existe dans ces dynamiques une diversité de pratiques agricoles et d’acteurs qu’elle ne représente pas toujours.

Quelles questions restent selon vous à creuser sur les PAT, et notamment sur l’action collective autour des PAT ?

D’abord celle du jeu d’échelle. La reterritorialisation va souvent de pair, dans les discours, avec la recherche d’autonomie alimentaire. On sait très bien que c’est souvent utopique. Néanmoins, ce discours engage des dynamiques ! Les PAT sont ainsi très souvent construits à l’échelle de territoires institutionnels. Cela appelle à la coopération avec d’autres territoires. La coopération interterritoriale a été un peu abordée dans la relation ville-campagne, mais c’est une question clé !

 

Sujet connexe : la superposition des projets. C’est une situation qui s’accélère sur le territoire national. Sur le plan géographique ça peut paraître aberrant, mais c’est souvent dû à des raisons politiques, de projet… Il y a un vrai enjeu de coordination pour ne pas rentrer dans de la concurrence stérile.

Le programme APPAL est achevé. Quelle est la suite, et le lien avec le programme de recherche SEREALINA ?

On termine de recueillir le matériau et d’écrire un ouvrage collectif qui donnera des éléments de controverse sur le sujet. 

Quant à SEREALINA, c’est un lien fort ! L’ensemble des chercheurs d’APPAL s’y retrouve. L’origine de SEREALINA est un appel à candidature flash pendant la pandémie sur les questions de crise sanitaire et d’alimentation. Une première réponse dans l’urgence n’a pas abouti, mais cela a créé une dynamique au sein du  groupe APPAL qui s’est poursuivie dans SEREALINA. Ce programme élargit les recherches d’APPAL aux systèmes alimentaires territoriaux, à leur résilience et leur durabilité. La sécurité alimentaire de la Nouvelle-Aquitaine en est le sujet central. 

 

Retrouvez les ressources liées au programme APPAL

  • Les trois films sur les PAT du Bassin d’Arcachon Val de l’Eyre, sur le PAT de Tulle Agglo, et sur la manière de faire la recherche dans APPAL
  • Le jeu sérieux, en le demandant à l’adresse : jeu_serieux_geolab@unilim.fr
  • Les points-clés des ateliers APPAL (à télécharger ci-dessous) : qu’est-ce qui bouge vraiment avec les PAT ? Quelle est la bonne échelle pour un PAT ? Quels sont les effets induits de la labellisation PAT sur les projets ? 
  • La présentation de la journée de restitution APPAL (à télécharger ci-dessous) intégrant les résultats de recherche présentés par chaque chercheur 
  • A venir : le livre gratuit et accessible sur internet présentant une autre formulation des résultats du programme.
  • Des éléments sur le programme SEREALINA (voir bloc "En lien avec ci-dessous")

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