Avant tout, un point de sémantique sur les projets d’installation
Il existe de nombreux termes dans le jargon de l’accompagnement de porteurs de projets agricoles. “Non issu du milieu agricole” et “hors cadre familial” sont deux termes qu’il est important de connaître et de différencier.
Une installation est dite “cadre familial” lorsque le porteur de projet s’installe sur une exploitation qui appartient à sa famille proche. Il peut s’agir alors d’une reprise de ferme en tant que chef d’exploitation ou de l’entrée dans une société existante en tant qu’associé (par exemple Groupement Agricole d’Exploitation en Commun ou GAEC). Par opposition donc, le “Hors Cadre Familial” (HCF) s’installe sur une ferme qui n’appartient ou n’appartenait pas à un membre de sa famille. Il peut comme pour le cadre familial être chef d’exploitation ou associé.
“Issu du monde agricole” peut-être plus compliqué à définir véritablement. Globalement la personne “issue du monde agricole” connaît ce monde-là que ce soit grâce à sa famille qui travaille dans l’agriculture (exploitant ou salarié) ou grâce à son entourage proche, son emploi et son environnement. En résumé, la personne “issue du monde agricole” connaît l’environnement agricole, ses acteurs et son fonctionnement.
A l’inverse, une personne non issue du monde agricole n’est pas familière avec ce secteur d’activité ni avec les acteurs et dynamiques qui le régissent. Les “NIMA” peuvent dans une certaine mesure correspondre à ceux que l’on appelle les “néoruraux” depuis des années.
Attention, une personne “issue du monde agricole” peut tout à fait s’installer hors cadre familial ! Voici un schéma récapitulatif :
Des projets d’installations très différents d’un profil à l’autre
Aujourd’hui, la population agricole décline dangereusement et le métier est parfois vu comme repoussoir. Ainsi, les projets d’installation “IMA” se font plus rares et laissent une place conséquente aux projets des “NIMA”.
(Pour mieux visualiser ces dynamiques par des chiffres, Cf. cadre “Des chiffres pour illustrer” plus bas)
De cette façon, comme depuis plusieurs dizaines d’années, les projets d’installation IMA étaient majoritaires. La formation agricole et l’accompagnement étaient adaptés à ce public et à ses besoins. Le public IMA possède déjà le bagage technique. Elle a également un “vécu agricole” et une culture personnelle et familiale concernant le métier. Par conséquent, ses besoins en formation vont être beaucoup plus axés sur les questions administratives, juridiques, financières et de gestion d’entreprise.
Le NIMA, lui, demande un accompagnement différent pour de nombreuses raisons :
- Le NIMA aura un fort besoin d’éléments sur le monde agricole et sur les spécificités de l’entreprise agricole et de son univers.
- Beaucoup ne possèdent pas ou peu de formation agricole. Par conséquent, leurs bases en agronomie et techniques de culture sont à construire, spécialement sur les aspects pratiques.
- La question de la construction du projet d’installation n’est pas du tout la même entre une reprise familiale et une création d’entreprise par un NIMA. Côté NIMA, tout est à construire.
- Chercher du foncier pour s’installer sans avoir ni famille ni connaissances dans la région peut s’avérer très compliqué.
- Les modèles économiques généralement choisis par les NIMA sont différents. On retrouve beaucoup de projets d’installation sur une petite surface, en agriculture biologique et avec une envie de vente directe voire de transformation. Ces modèles hybrides sont globalement peu connus des structures d’accompagnement et surtout très complexes techniquement.
Tous ces éléments font du NIMA un porteur de projet difficile à accompagner. Leur fournir les bons contenus et formats d’accompagnement est un défi quotidien pour les structures de développement agricole.
Quelques chiffres pour illustrer
En Nouvelle-Aquitaine, la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF) enregistre globalement deux départs pour une installation en agriculture.
En Nouvelle-Aquitaine, 31% des nouveaux installés en agriculture entre 2015 et 2018 se disent non issus du milieu agricole (source PQN-A – DRAAF 2019). Les chiffres des Points Accueil Installation-Transmission (PAIT) départementaux rapportent que : près de 50% des personnes qu’ils accueillent qui ont une envie d’installation sont NIMA.
Pour plus de chiffres sur les dynamiques de l’installation en Nouvelle-Aquitaine. Consultez l’étude réalisée en partenariat avec la DRAAF en 2019 : Satisfaction des nouveaux installés en agriculture sur leur installation.
La coopérative d’installation en agriculture paysanne, une initiative pour coller à tous les projets
> Un stage pour répondre au besoin d’expérience pratique
Dans le cadre de cet atelier, deux expériences sont présentées :
- La Coopérative d’Installation en Agriculture Paysanne (CIAP) en Dordogne et
- L’espace-test agricole de la Charente.
La Ciap de Dordogne s’inspire de la Ciap 44, première du nom qui a également inventé le “stage paysan créatif”. Ce stage commence à être décliné partout en France dans les différentes associations locales d’agriculture paysanne.
Les porteurs de projet à l’installation NIMA ont besoin de prendre le temps pour se tester et faire mûrir leur projet avant une véritable installation. Certains s’installent et entrent en production avant même d’avoir des circuits de distribution ! L’enjeu pour ces publics est donc de leur donner à voir :
- tout le panel d’acteurs relais qu’ils pourront solliciter pendant et après leur installation;
- les composantes pratiques du métier d’agriculteur au quotidien.
Ainsi, dans le cadre du stage paysan créatif, l’accompagnement se réalise sous la forme de stages de six à douze mois en situation de travail. Chaque programme est créé avec le porteur de projet en fonction de ses besoins et de l’avancement de son projet. L’objectif derrière cet accompagnement personnalisé est de concevoir des installations viables, vivables et respectueuses de l’environnement.
Les Organismes Professionnels Agricoles (OPA) accompagnent le porteur de projet d’installation sur les questions foncières, financières et relationnelles. Dans le cadre des huit journées de formation théorique, ce sont plusieurs structures qui interviennent. L’objectif est de montrer au futur agriculteur toutes les OPA qu’il pourra solliciter voire intégrer dans le cadre de son activité.
D’un point de vue administratif, les candidats à l’installation sont “stagiaires de la formation professionnelle”.
> Comment se passe la suite ?
Comme pour une période d’essai sur un espace-test (cf. plus bas), à la fin du stage, le porteur de projet peut continuer comme abandonner. L’abandon du projet n’est pas un échec pour ces associations. Elles rencontrent en effet nombre d’exploitations précaires où le porteur de projet aurait préféré après coup réfléchir son projet plus longuement avant de se lancer.
Dans le cadre du stage et de la potentielle installation par la suite, les OPA mettent en place un groupe d’appui local autour de chaque porteur de projet, constitué d’agriculteurs et agricultrices volontaires plus ou moins jeunes et déjà installés. Ce lien avec des exploitants est très apprécié par les porteurs de projet dont les retours sont unanimes sur l’importance des échanges avec des pairs (cf. étude PQN-A-DRAAF 2019).
Enfin, dans la mesure du possible, le stage se fait à proximité du futur lieu d’installation afin que le stagiaire puisse commencer à s’intégrer dans le paysage local.
L’espace-test agricole, une couveuse pour tester son activité sans prise de risques
> Un espace test agricole ? Mais de quoi s’agit-il ?
Il s’agit de tester son projet d’installation soit sur un site dédié (espace-test fixe) soit sur sa future ferme (espace-test mobile). Grâce au Contrat d’Aide au Projet d’Entreprise (CAPE), les couvés sur l’espace test n’ont pas le statut d’agriculteur à titre principal. Ils bénéficient néanmoins d’une couverture sociale par la Mutualité Sociale Agricole (MSA). Le but est de s’ouvrir l’esprit et de travailler les aspects techniques et économiques du projet d’installation sans s’engager économiquement.
Les porteurs de projet peuvent durant la période test se faire la main sur les techniques de cultures, développer progressivement leur activité, se créer une clientèle et s’intégrer au paysage agricole local. Ce temps de test leur permet de réaliser en direct les études de marché que leur demanderont les banques et de créer des partenariats avec les OPA en lien avec leur future activité. Le test d’activité peut permettre par exemple de tester une idée de ferme collective.
Enfin, tout cela se fait sans que le porteur de projet n’ait à acquérir les équipements de production. Il ne s’engage donc pas auprès des banques pendant son test.
Pour plus d’information sur les espaces-test agricoles et les réseaux locaux, consultez la page du réseau national RENETA.
> Un système particulièrement compatible avec les projets de collectivités
Du côté de Champs du partage en Charente, un partenariat historique existe avec le Grand Angoulême. L’espace-test s’est d’ailleurs monté dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial (PAT). Du côté de la Dordogne, le PAT de l’agglomération bergeracoise est adhérent de l’association Pays’en graine qui coordonne les espaces-tests. Pour certains espaces-test fixes, les collectivités peuvent même fournir le foncier comme c’est le cas sur le site des Nebouts près de Bergerac.
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