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réussite éduc

Deux facteurs de l’engagement et du désengagement scolaire : l’estime de soi et la représentation de l’intelligence : Conférence de Delphine Martinot

Jules Baldy , Laurine Brun
Publié le 14/03/2024
Temps de lecture : 5 min
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Au cours de la deuxième journée nationale des Programmes de Réussite Educative (PRE), Delphine Martinot, docteure en psychologie et professeure des universités à l'Université Clermont Auvergne, était conviée pour présenter une partie de ces travaux en lien avec le désengagement scolaire. Cette conférence traitait de l'importance de l'estime de soi et de la représentation de l'intelligence dans le désengagement scolaire. 

Les objectifs de l'intervention de la chercheure étaient de montrer : 

  • que l'estime de soi n'est pas la bonne entrée pour aider les jeunes à s'engager scolairement,
  • qu'il vaut mieux agir sur les représentations que les jeunes se font de leur intelligence,
  • l'importance du soutien par les pairs.


Cette intervention se base sur les travaux suivants : "Connaissance de soi scolaire chez des jeunes collégiens" (Martinot, 2008)

 

I. Quels sont les mécanismes de défense de l'estime de soi ?

  • Se comparer à une personne qui réussit moins bien que soi a pour conséquence, lorsque c'est récurrent, de s'autoriser à faire moins bien. Cette autorisation amène à une baisse des efforts, qui entraîne une diminution des performances, cela écrase la motivation de l'enfant, et peut l'amener jusqu'à l'échec scolaire
  • Ne pas s'estimer responsable de ses échecs, mais seulement de ces succès. Cela amène l'élève à ne pas analyser ses erreurs pour en tirer profit, et donne un sentiment de non-contrôle sur son avenir. On retrouve le même schéma que dans la comparaison, de baisse des efforts, qui entraîne une diminution des performances, et donc baisse de motivation et risque d'échec scolaire. 
  • L'auto-handicap : Si l'élève se crée un obstacle sur le chemin de sa performance, il se dit qu'il risque d'échouer, mais reporte cet échec anticipé sur l'obstacle. L'échec est donc lié à l'obstacle, et non pas au manque de capacités intellectuelles. C'est une façon pour le jeune de ne pas se dire "je ne suis pas intelligent". Il peut par exemple dire ne pas avoir dormi la veille d'un examen, alors que la réalité serait qu'il n'a pas révisé. Cet exemple illustre également un autre auto-handicap, à savoir l'image "cool" de la paresse, qui est un effet d'autant plus prononcé chez les garçons. 

Ces mécanismes s'ancrent dans un cercle vicieux : l'échec entraîne des mécanismes défensifs, ce qui entraîne une baisse des efforts, détériorant ainsi l'apprentissage. Le cycle se répète, et peut même s'amplifier. Cela amène la formation de normes anti-scolaires chez le jeune, qui s'identifie au désengagement scolaire (on pense à des phrases comme "l'école ce n'est pas pour moi"). Ces normes anti-scolaires amènent aussi vers des normes anti-sociales, de par le décalage qui se crée entre le jeune en échec scolaire et les autres. 

 

II. L'importance de la représentation de l'intelligence

On ne peut pas préserver les jeunes des échecs, ils font partie des éléments de construction. Mais des pistes de solution consisteraient à apprendre à gérer l'échec. Il faudrait amener les élèves à dissocier l’estime de soi de la performance scolaire. Les notes ne sont pas des indicateurs de leur valeur, ni de leurs capacités intellectuelles.

Ce qui impacte le plus notre performance, c'est notre représentation de notre intelligence plus que notre intelligence elle-même. L'intelligence peut être perçue comme quelque chose de fixé, prédéterminée, ou bien comme une entité malléable.

  • Si l'on se représente notre intelligence de façon stable, face à un échec, on ne met pas en cause ses efforts, on incrimine son manque de capacité intellectuelle. Dès les premières difficultés, le jeune va douter de ses capacités et va commencer à enclencher les mécanismes de défenses. 
    On retrouve ici un risque d'échec scolaire important
  • Quand on a une représentation malléable de son intelligence (qui évolue, se développe), si on rencontre un échec, on va se dire qu'on n'a pas fait le travail suffisant : les efforts donnés n'ont pas été suffisants. Cela laisse du temps au jeune pour s'adapter aux difficultés, les surmonter.

A chaque période de transition, il y a un risque car il y a plus de difficultés rencontrées. Les périodes de passage en sixième ou en seconde sont souvent charnières, avec notamment un changement de cadre et d'attentes, qui est d'autant plus difficile à gérer pour les jeunes qui perçoivent leur intelligence comme fixe.

Il faut donc avant tout faire prendre conscience aux élèves que leur intelligence peut évoluer. Une trop forte confiance en une intelligence fixe pourrait amener à un échec ensuite.

 

III. Comment mieux accompagner les jeunes ? Quelles sont les pistes de solutions ?

Il faut aider les jeunes à prendre conscience que la performance est décorrélée de l'intelligence. On va à l'école pour apprendre, et apprendre c'est : ne pas forcément réussir, se tromper et c'est difficile. Il faut donc avoir un discours qui normalise les difficultés rencontrées lors des apprentissages. 

Une bonne façon de remédier à ce problème est de valoriser la comparaison du soi passé au soi actuel. Cela permet aux jeunes de prendre conscience de leur évolution dans leurs apprentissages et non dans leurs performances.
Il faut faire en sorte qu'ils se sentent soutenus, autonomes, et efficaces dans la réalisation de tâches. Ce soutien peut venir de la famille, de l'institution scolaire, ou des pairs. Plus on se sent soutenus par ces trois sources, plus on se sent appartenir à l'école. Ce sentiment va favoriser l'engagement scolaire.

Dans les établissements situés en REP/REP+, ce sont surtout les pairs qui favorisent le sentiment d'appartenance à l'école. La coopération entre jeunes et avec l'adulte référent est valorisée. Cela constitue un environnement d'apprentissage sûr entre pairs : le tutorat entre pairs est par exemple très bénéfique. Attention cependant à la comparaison et à la compétition entre pairs, qui peuvent nuire à cette dynamique positive, et qu'il est bon de bannir.

 

En conclusion 

Pour aider les jeunes à ne pas être victime du désengagement scolaire, il faut tout d'abord les aider à mieux considérer leur intelligence. Il s'agit bien d'un objet malléable, et non pas d'un quota fixe. La prise en compte de cette idée aidera les élèves, puisqu'elle favorise le travail, et leur permet de mieux comprendre l'échec sans avoir recours à des mécanismes de défense. 

Il est également important d'alimenter le soutien social. On entend ici le soutien des parents, de l'institution scolaire et des pairs. Le soutien entre les pairs est d'ailleurs un facteur particulièrement important dans les dispositifs REP. C'est donc un axe à déployer, en essayant de réduire au maximum la compétition entre pairs. 

 

Delphine Martinot : 

Linkedin

delphine.martinot@uca.fr

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