En Charente-Maritime, Roule ma frite 17 collecte et recycle les huiles alimentaires des restaurants
Créée en 2007 à Oléron, l’association rayonne sur son île d’origine et sur le littoral sud de la Charente-Maritime. Elle cherche à développer une filière de valorisation locale et en circuit court des huiles usagées en les transformant en biocarburant.
Structure porteuse
L’association Roule ma frite 17
Périmètre d’action de l’expérience et rayonnement
L’île d’Oléron, les agglomérations de Rochefort, Marennes, Royan, et La Rochelle
Budget
Entre 90 000 € et 110 000 € par an
Problématique initiale
Les huiles au caniveau
En 2007, Grégory Gendre et Romain Gaudier, les fondateurs de Roule ma frite 17, constatent que l’île d’Oléron manque d’un service de collecte des huiles alimentaires utilisées par les restaurateurs. Ils décident de proposer ce service à une quarantaine de restaurants, durant la période estivale, là où l’activité touristique bat son plein. À l’heure de faire le bilan de cette expérimentation, le duo réussit à démontrer que la collecte a fait économiser 20 000 € en curage des canalisations à la communauté de communes (CDC) de l’île d’Oléron et à Rese Oléron, la régie d’exploitation du syndicat départemental Eau 17. "Cela veut dire qu’avant, les restaurateurs mettaient leurs huiles dans le caniveau, explique Patrick Rosset, président de Roule ma frite 17. À l’époque il n’y avait pas d’obligation de traçabilité, pas de service de collecte, c’était la solution de facilité.” Depuis 2012, les professionnels gérant plus de 60 litres d’huiles usagées par an ont l’obligation de les valoriser.
Face à ce constat, la CDC décide de signer une convention avec l’association pour qu’elle poursuive et développe son activité de collecte des huiles alimentaires sur l’île d’Oléron. Les moyens alloués permettent de financer des postes de salariés permanents et d’acheter des camionnettes.
Solutions apportées
Collecte au dernier km
Roule ma frite 17 est principalement sollicitée au printemps et en été, durant la période touristique. Son service se déploie sur l’île d’Oléron et sur le littoral sud de la Charente-Maritime. Grâce à sa camionnette, l’association peut aller partout et intervient dans un délai de deux jours. “On travaille sur le dernier km, ce qui signifie qu’on récupère de l’huile en petite quantité et à peu près partout, indique Patrick Rosset. On a des concurrents, comme Veolia ou Quatra, mais ça n’intéresse pas les industriels de récupérer seulement 30 ou 100 litres d’huile. Leur modèle économique et leurs camions-citernes sont dimensionnés pour collecter de gros volumes comme ceux que produit McDo.”
Biocarburant
Les restaurants ne payent pas le service de collecte et fournissent gratuitement leur huile usagée à Roule ma frite 17. Cette dernière vend 80 % de son stock à des entreprises, principalement françaises et espagnoles, qui la transforment en biocarburant. Vendue 400 € jusqu’à la guerre en Ukraine, la tonne d’huile usagée se vend actuellement 1000 €. Une partie des 20 % d’huile restante est vendue à l’entreprise Centrale Bio Corse qui en fait des produits de lavage à l’usage des professionnels. Disposant d’une petite unité de transformation, Roule ma frite 17 produit son propre biocarburant à partir du reliquat. “On décante et on filtre l’huile de manière à obtenir de l’ester que l’on ajoute ensuite au diesel”, décrit Patrick Rosset.
Durant l’été 2010, l’huile ainsi transformée a fait rouler le petit train touristique de Saint-Trojan, sur l’île d’Oléron. Aujourd’hui, l’association bénéficie d’une tolérance et alimente ses camionnettes grâce à ce biocarburant autoproduit. Mais il est encore interdit aux particuliers de transformer leur propre huile de friture et de l'utiliser pour rouler sur le domaine public.
Premiers résultats
80 tonnes d’huile récoltées
Roule ma frite 17 récolte entre 80 et 100 tonnes d’huile par an auprès de 300 à 400 restaurants mais aussi de quelques écoles et EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgéesdépendantes). Elle emploie deux personnes à l’année et deux personnes supplémentaires durant la saison touristique.
Sensibilisation des restaurateurs
L’initiative a permis de sensibiliser les professionnels à la problématique du recyclage dans la restauration. L’association intervient aux côtés de l’organisme de formation Hommes et savoirs afin de former les serveurs et les cuisiniers au tri et à la gestion des déchets en cuisine (huile, biodéchets, carton, plastique…).
Calendrier
Création de l’association Roule ma frite 17
Convention avec la CDC de l’île Oléron
Le petit train de Saint-Trojan roule à l’huile de friture
Fin de la convention avec la CDC de l’île d’Oléron
Facteurs de réussite
. Roule ma frite 17 fait partie d’un réseau qui regroupe une dizaine d’autres antennes un peu partout en France. Elles partagent leurs expériences et leurs bonnes pratiques
. Le noyau dur de l’association, quatre à cinq bénévoles, est constitué d’anciens et actuels professionnels de la restauration qui connaissent les contraintes du métier
Enseignements
. La circulation sur l’île d’Oléron et le littoral sud de la Charente-Maritime est très compliquée en été. En outre, Roule ma frite 17 doit s’adapter aux contraintes horaires des restaurants. D’où l’idée de collecter à vélo et de déposer les huiles sur des “hubs” ou “points de massification”, en périphérie
. Il est nécessaire que des élus se fassent les porte-paroles de cette alternative pour en faire une solution crédible
. Les antennes du réseau Roule ma frite fonctionnent principalement grâce à des bénévoles, et risquent de s'essouffler
Perspectives
Créer une filière locale de valorisation en circuit court
Roule ma frite 17 multiplie les expérimentations afin de créer une filière locale de valorisation en circuit court des huiles usagées. Elle a ainsi noué un partenariat avec l’entreprise Picoty qui distribue notamment du fioul et gère les stations-services Avia. Cette société familiale implantée à La Souterraine, dans la Creuse, a en projet de produire du biocarburant à partir d’huiles alimentaires usagées. Selon leur accord, Picoty va déployer la collecte sur l’ensemble de la Charente-Maritime, mais laisser à Roule ma frite 17 les zones sur lesquelles elle travaille déjà. “On est une association, on fait de l’expérimentation. À partir du moment où ça devient industriel, on n’a plus les moyens de suivre, justifie Patrick Rosset. Le biocarburant sera produit à La Rochelle et une partie sera vendue sur place, donc on se dit qu’à partir du moment où ça reste en Charente-Maritime, c’est local et en circuit court. On les incite à nouer des contrats avec le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) ou les services publics, à faire du social, pas que du business.”
Autre piste, l’association a été sollicitée par le comité régional de la conchyliculture de Charente-Maritime pour développer une alternative biodégradable au Blackson, un produit polluant qui protège les bateaux de la corrosion. Enfin, Roule ma frite 17 aimerait créer une “boucle vertueuse” en faisant en sorte que l’huile collectée serve aux agriculteurs locaux pour faire fonctionner leurs tracteurs. Ils pourraient également se servir des biodéchets des restaurateurs et en faire du compost. En retour, ces derniers pourraient se fournir auprès des agriculteurs. Un premier test a eu lieu l’été dernier.
“Si on se débrouille bien, bientôt il n’y aura plus de déchets dans la restauration, mais des matières secondaires issues du recyclage des huiles, des fermentescibles, des cartons, des plastiques ou encore du polystyrène.”
Partenaires principaux
Techniques : les communautés de communes de l’île d’Oléron, du Bassin de Marennes, les communautés d’agglomération de Rochefort Océan, de Royan Atlantique, les restaurants, le comité régional de la conchyliculture de Charente-Maritime, Hommes et savoirs
Personne ressource
Grégory Gendre, fondateur et coordinateur de Roule ma frite 17
06 16 39 20 94
Crédit photo : Roule ma frite
Rédigé par Fanny Laison