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Attractivité des quartiers prioritaires : les enseignements tirés du rapport de la Cour des Comptes

Laurine Brun
Publié le 30/01/2021
Temps de lecture : 11 min
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Comment a évolué l’attractivité des quartiers prioritaires de la Politique de la ville ? La Cour des comptes a réalisé une évaluation de cette évolution sur la décennie 2008-2018 en se concentrant sur les trois thématiques logement, éducation, et activité économique.

L’évaluation a été réalisée sur la base de quatre questions :

  1. Dans quelle mesure l’attractivité des quartiers prioritaires de la Politique de la ville s’est-elle améliorée ?
  2. Dans quelle mesure la politique de la ville prend-elle en compte les facteurs affectant l’attractivité des quartiers prioritaires ?
  3. Dans quelle mesure les dispositifs publics ont-ils permis d’améliorer l’attractivité des quartiers prioritaires ?
  4. Dans quelle mesure les dispositifs de droit commun bénéficient-ils aux territoires ciblés par la Politique de la ville ?

Pour information, les quartiers entrés ou sortis de la géographie prioritaire à la suite de la loi Lamy (2014) ne sont pas inclus dans l’étude. De plus, la Cour des comptes s’appuie sur l’examen de données nationales et sur l’étude approfondie de la situation de huit quartiers prioritaires situés dans quatre régions (Hauts de France, Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur).

Quels sont les points clés à retenir ?

La Politique de la ville ne prend en compte que partiellement les multiples dimensions de l’attractivité des quartiers
 

L’attractivité est un des objectifs fixés par la Politique de la ville. On la retrouve dans les documents-cadres tels que les contrats de ville et les programmes de rénovation urbaine. En effet, des mesures sont clairement inscrites pour diversifier les fonctions des quartiers, favoriser la mixité sociale et attirer de nouvelles populations.

Cependant, la persistance des effets négatifs de «réputation», l’absence de possibilités de choix réels de la plupart des habitants, la gestion des situations d’urgence, le contraintes de périmètres limitent les ambitions d’attractivité souhaitées par la loi Lamy de 2014.

 

L’attractivité des quartiers ne s’est pas améliorée en 10 ans
 

Les sentiments de relégation sont encore forts

Ceux-ci alimentent d’ailleurs les replis communautaires. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les quartiers rénovés n’y échappent pas. Leur image “interne” est certes améliorée, mais “l’extérieur” conserve une image négative sur ces quartiers. Celle-ci reste à déconstruire. D’ailleurs, d’après une enquête de l’Observatoire National de la Politique de la Ville (ONPV), un français sur deux (51%) juge que la situation s’est plutôt dégradée au cours des dernières années, contre un sur dix (10%) qui estime qu’elle s’est améliorée.

 

Les résultats scolaires sont meilleurs mais restent faibles

Le non recours aux dispositifs périscolaires est également important à souligner. Les raisons sont à la fois culturelles et économiques. Aussi, la concurrence associative semble correspondre davantage aux attentes.

 

La dévitalisation économique et commerciale est un fait

Les quartiers ne parviennent pas à attirer de nouvelles activités économiques. En effet, le développement commercial s’opère en périphérie des quartiers et non à l’intérieur. C’est aussi le cas des commerces de proximité qui, souvent en pieds d’immeubles, se délocalisent de plus en plus à l’extérieur du quartier. Les raisons de cette situation sont d’ordre économique (faible pouvoir d’achat des habitants) et symbolique (image dégradée de ces quartiers en matière d’insécurité réelle ou perçue).

 

Des quartiers dé-densifiés mais plus précaires

Les freins économiques, sociaux et symboliques sont donc encore présents et importants. De plus, les “entrants” sont globalement plus précaires que ceux qui quittent les quartiers. Cela rappelle d’ailleurs les résultats similaires tirés de l’étude de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) menée en Nouvelle-Aquitaine. Le rapport indique également que les “sortants” sont plus nombreux que les “entrants”. De fait, la dé-densification est visible, issue des opérations de rénovation urbaine notamment.

 

L’utilité de certains dispositifs publics est à revoir
 

La question est de savoir si l’adéquation entre besoins identifiés et actions entreprises est efficiente ou non. La réponse est donc à nuancer suivant les situations locales.

Globalement, le rapport montre qu’il y a un manque de coordination dans le pilotage local. Selon la Cour des Comptes, “la Politique de la ville relève encore trop d’une vision nationale prescriptive, assortie d’objectifs nombreux et imprécis”. Deux difficultés principales s’observent. D’une part, la Politique de la ville doit concilier initiatives locales et objectivité des évaluations (et donc exactitude des données). D’autre part, les compétences élargies suite à la loi de 2014 sont encore floues pour les acteurs qui ne se les approprient que difficilement.

 

La rénovation urbaine améliore le bâti mais pas l’image du quartier

Si on observe les dispositifs, la rénovation urbaine a incontestablement amélioré le bâti. Cependant, “l’insuffisance de l’accompagnement des habitants ont laissé persister des concentrations de pauvreté“. Cela est d’autant plus vrai que la mise en œuvre des projets est trop longue pour que les habitants ne se l’approprient. L’économie souterraine et l’insécurité qui perdurent y participent également. De plus, la politique d’attribution des logements sociaux dépend beaucoup de stratégies intercommunales. Cela ne permet pas dans les faits d’atteindre l’objectif de mixité sociale voulu. Selon le rapport, cela est dû notamment au faible taux de rotation des résidents, au poids des situations d’urgence, aux difficultés politiques à afficher certains critères comme la nationalité, ou encore de l’incompatibilité des priorités entre collectivités membres de l’intercommunalité.

 

Les dispositifs d’éducation prioritaire ne réduisent pas les phénomènes d’évitement

Quant aux dispositifs d’éducation prioritaire, la Cité éducative est encore trop récente pour être évaluée. Cependant, le rapport note que les réputations d’établissements scolaires influent peu sur le choix d’habiter le quartier, “les familles n’ayant pas de réels choix, tant dans leur logement que dans l’établissement scolaire“. Cependant, bien qu’ils soient peu nombreux, les phénomènes d’évitement augmentent. De plus, le rapport donne à voir de nouvelles pratiques venant palier à l’inefficacité relative des politiques de droit commun en matière scolaire et aux dispositifs dédiés Politique de la ville non pertinents. Il s’agit de l’offre périscolaire associative (l’école hors contrats).

 

L’articulation entre la Politique de la ville et le droit commun reste difficile à mettre en œuvre
 

La loi Lamy de 2014 est claire : la mobilisation des politiques de droit commun est une priorité. Cependant, “l’articulation entre ce cadre général et les dispositifs spécifiques demeure peu convaincante“.

Objectivement, les quartiers sont relativement bien dotés en équipements publics. Néanmoins, les habitants n’en ont que très peu conscience. Concernant les services, les tentatives d’adaptation aux besoins réels “demeurent minoritaires et peu efficaces“. En somme, le “droit commun renforcé” n’a pas vraiment progressé. La multiplication des zones d’interventions spécifiques (zones de reconquête républicaine en matière de sécurité, zones franches urbaines en matière de développement économique, carte scolaire, carte de l’éducation prioritaire, etc.) contribue à l’illisibilité de cette action renforcée.

 

Les recommandations de la Cour des comptes en quatre points clés

Après avoir tiré les enseignements des 10 années passées, la Cour des comptes transmet ses recommandations. Celles-ci sont entièrement tirées du rapport.

 

1 –  Rendre plus effective la décentralisation de la Politique de la ville en permettant une différenciation accrue autour de « projets de quartiers »

 

  • développer une approche différenciée de la Politique de la ville, chaque quartier prioritaire faisant l’objet d’un « projet de quartier » avec ses propres objectifs ;
  • désigner la collectivité ou l’opérateur responsable de la mise en œuvre et de l’évaluation de chaque action ;
  • faciliter la constitution de blocs d’actions cohérents en autorisant de déléguer les compétences et les moyens entre collectivités à l’échelle des quartiers ;
  • sous le contrôle et avec l’accord des services déconcentrés de l’État, autoriser les contrats de ville à ajuster les zonages utilisés en matière éducative, économique et de sécurité pour les faire coïncider au maximum avec la géographie prioritaire.

 

2 – Préciser le sens et la portée des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle des quartiers. Les arrimer à une stratégie pluriannuelle explicite en matière d’évolution du parc social, d’attribution des logements et d’affectation des locaux d’activité

 

  • afficher les cibles quantitatives et qualitatives de mixité sociale et fonctionnelle. Aussi, intégrer dans la convention intercommunale d’attribution de logements des cibles spécifiques à chaque quartier prioritaire opposables aux bailleurs ;
  • inscrire dans chaque projet de quartier un volet relatif aux structures d’hébergement temporaire déjà présentes ou en projet. De plus, s’assurer que leur déploiement est cohérent avec les objectifs chiffrés de mixité sociale.

 

3 – Dans le cadre des projets de quartiers, mieux articuler le renouvellement urbain avec l’accompagnement social, éducatif, économique des habitants

 

  • renforcer les moyens consacrés à l’accompagnement social, éducatif et économique des projets de renouvellement urbain ;
  • intégrer un parcours global d’accompagnement des jeunes de l’enfance à la fin de l’adolescence ;
  • affecter une proportion minimum des crédits à l’évaluation des dispositifs, à mi-parcours et au terme de leur déploiement.

 

4 –  Renforcer l’articulation des actions financées par les crédits de la Politique de ville avec les politiques publiques générales

 

  • mettre à disposition des acteurs nationaux et locaux des bases de données de recensement, de suivi et de géolocalisation permettant de quantifier les interventions publiques dans les quartiers au bénéfice de leurs habitants ;
  • rassembler et mettre en cohérence les différents schémas et plans relatifs à la sécurité et à la lutte contre la délinquance dans le cadre des contrats de ville et des projets de quartiers ;
  • s’assurer de l’adaptation des dispositifs de droit commun aux besoins locaux avant d’attribuer des moyens spécifiques ;
  • contrôler la politique d’entretien du parc des bailleurs sociaux afin de s’assurer de la bonne utilisation des crédits spécifiques. Aussi, lier l’attribution d’avantages financiers au respect des objectifs du contrat de quartier.

 

En guise de conclusion

La Politique de la ville a été maintes fois évaluée. Sa pertinence et son efficacité questionnées à de nombreuses reprises. Chaque programmation tend à améliorer le dispositif :

  • sur les périmètres d’intervention (géographie prioritaire)
  • sur les publics-cibles
  • sur les thématiques prioritaires
  • sur les modalités d’intervention (gouvernance, participation citoyenne)
  • sur les moyens financiers

Pour autant, elle reste un objet d’attention politique car la persistance des “quartiers” renvoie la difficulté des politiques de droit commun à lutter contre les inégalités territoriales. La Cour des comptes s’est précédemment penchée sur ce sujet en 2002, en 2012 et en 2016. A chaque fois un constat en demi-teinte : la politique de la ville n’est pas très efficace etc. mais elle apporte néanmoins un service essentiel dans les quartiers.

La crise des “Gilets jaunes” a éclipsé un temps les quartiers au profit des territoires “périphériques” et ruraux. Ils reviennent malheureusement au 1er plan dès lors que l’on parle sécurité, radicalisation et discriminations.

Parallèlement, de nouveaux programmes territoriaux qui se déploient viennent interroger les priorités et modes de faire de la politique de la ville : la revitalisation des centres-villes (Action Coeur de ville), les Projets Alimentaires de territoire (PAT) etc.

Ce rapport annonce l’élaboration de la prochaine génération de contrats de ville à l’horizon 2023. C’est déjà aujourd’hui que les territoires doivent s’y préparer, en tirant les enseignements des actions réalisées, en analysant l’évolution des quartiers et de la situation de leurs habitants, et en définissant les objectifs etc pour la prochaine décennie !

 

Vous souhaitez en savoir plus ?

Consultez le rapport entier ou sa synthèse

Consultez la page Politique de la ville de PQN-A

Visualisez les quartiers Politique de la ville de Nouvelle-Aquitaine

 

Vous souhaitez en savoir plus ? Contactez PQN-A !

Laurine BRUN

Tél : 07 72 55 06 99

E-mail : laurine.brun@pqn-a.fr


 

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