Faire face à un sinistre économique sur un territoitoire

Les termes de sinistre économique recouvrent des réalités très différentes selon les territoires. Il peut s’agir d’une entreprise de grande taille qui ferme ou qui licencie massivement, plongeant subitement le territoire dans une crise économique importante au regard de la taille du bassin d’emploi. Mais il peut s’agir également de disparitions d’entreprises plus petites, et de destructions d’emplois moins massives, échelonnées parfois sur plusieurs années, et qui, cumulées, viennent peu à peu éroder le tissu économique local. Dans les deux cas, les acteurs se trouvent face à la nécessité de redynamiser l’emploi et l’économie et d’accompagner la mutation du territoire.

Ainsi, face à un sinistre économique sur un territoire, les acteurs sont amenés à articuler deux temporalités d’action. D’une part le temps court de la gestion de la crise et d’autre part le temps long des mutations socioéconomiques du territoire.
Sur le temps court, la ou les fermetures d’entreprises viennent de se produire ou sont en train de se produire et il faut mobiliser des solutions d’urgence, soit pour reclasser les personnes dont les emplois disparaissent, soit pour soutenir temporairement des entreprises ou une filière impactée par un évènement particulier.
Sur le temps long, il s’agit de déployer une stratégie d’ensemble visant l’amélioration de l’ensemble des indicateurs de santé socio-économique du territoire et in fine, son attractivité.

Pour agir, les acteurs en Nouvelle-Aquitaine ont à leur disposition une large palette de dispositifs qui permettent d’accompagner les mutations économiques d’un territoire à 360°. L’enjeu est de les rendre lisibles et de les faire connaître davantage de l’ingénierie territoriale en charge du développement économique, mais aussi des décideurs.

Quels leviers d’actions pour accompagner les mutations d’un territoire et faire face à un sinistre économique ?

Dès lors, quels sont les principaux leviers d’action pour accompagner les mutations d’un territoire et faire face à un sinistre économique ? Les échanges en atelier ont permis d’en identifier 8 qui ont vocation à se combiner pour agir plus efficacement

Fédérer les énergies et les volontés politiques
Anticiper et repérer les signaux faibles du sinistre pour réagir dès que possible
Construire et entretenir sur le long cours une relation de proximité avec les entreprises du territoire pour connaître finement leur situation, leurs besoins, leurs projets
Créer une culture de la coordination et du travail partenarial
Encourager les entreprises à développer la polyvalence de leurs salariés pour faciliter leur reclassement
Travailler sur toutes les dimensions connexes à l’emploi : la formation, le logement, la mobilité, l’attractivité du territoire, …
Identifier un intermédiaire facilitateur pour coordonner l’action quand le sinistre survient
Associer les entreprises dans la gouvernance locale

Ces leviers paraissent plus ou moins aisés à activer selon les configurations territoriales et les ressources mobilisables. La principale difficulté à lever est sans doute de parvenir à une action coordonnée pour qu’elle soit la plus efficace possible et que les dispositifs mobilisables soient optimisés. Cette coordination suppose d’être capable de travailler en transversalité (moins de silos), mais aussi de mobiliser l’ensemble des échelons du “millefeuille” territorial. D’autant plus si l’on doit construire des réponses dans l’urgence. Ensuite, nombre de territoires font état de difficultés à tisser des relations de proximité avec les entreprises, et plus largement de mobiliser l’ensemble des parties prenantes concernées dans un temps court.

Un souhait pour demain ?

Face à un avenir économique incertain en Nouvelle-Aquitaine et des défaillances d’entreprises qui se font plus nombreuses, les territoires ont intérêt à travailler ce sujet pour agir plus efficacement au moment où ils seront confrontés à cette problématique. Mais rappelons que les sinistres économiques ne se produisent pas sans que des signes avant-coureurs ne se manifestent. Dès lors, la robustesse des territoires passe sans doute par un travail au long cours d’observation attentive des dynamiques socio-économiques et d’anticipation des évolutions. Alors, pour conforter leur résilience face aux aléas économiques, ne serait-il pas fertile de s’appuyer davantage par exemple sur la prospective territoriale pour prévenir, au moins en partie, les difficultés ?

Partage d'expériences

Témoignage 1 - Le plan de redynamisation de Condat (Dordogne)

Par Eric Jaubert, Chef de l’antenne de la Région en Dordogne

Suite au plan de licenciement des papeteries de Condat (groupe Lectra), un vaste plan a été lancé fin 2023 sur le territoire du Périgord Noir. Les Papèteries de Condat, c’est une entreprise emblématique du territoire, qui fait partie de l’identité et de l’histoire locale. Les difficultés économiques de l’entreprise la conduisent à fermer intégralement une ligne de production, licenciant 171 personnes, sur 400 salariés. Indirectement, ce sont une série d’entreprises sous-traitantes du territoire qui ont stoppé une partie de leur activité, voire la totalité pour certaines. Ce plan de redynamisation s’est traduit en 2024 par le déploiement d’une action coordonnée impulsée et pilotée par l’Etat et la Région et qui a permis de mobiliser un ensemble de ressources déterminantes pour apporter des réponses rapides et conséquentes : une convention de revitalisation, le dispositif Rebond et l’ensemble des dispositifs régionaux d’appui aux entreprises et à la formation. L’objectif était de créer rapidement des emplois sur le territoire pour absorber le choc. Un cabinet d’études a été missionné spécifiquement pour conduire une large part du travail d’identification des perspectives de créations d’emplois et des instances de pilotage, stratégiques et techniques ont été mises en place.
Les mesures d’aide à l’investissement et de revitalisation engagées depuis fin 2023 ont permis de mobiliser plus de 5 millions d’euros pour soutenir l’activité économique du Périgord noir. Cette aide auprès de 48 entreprises et associations a permis de créer 47 emplois (bilan chiffré en date de janvier 2025).

Témoignage 2 - Le Contrat néo-aquitain de Développement de l’Emploi sur le Territoire (CADET) du Grand Bergeracois (Dordogne)

Par Guillaume Malbert, Chef de projet à l’unité Mutations économiques, Région Nouvelle-Aquitaine, ancien chef de projet CADET à Bergerac

Le CADET est un dispositif de la Région spécifiquement dédié au développement économique. Il permet de soutenir des territoires fragiles en finançant l'ingénierie pendant 3 à 5 ans selon les territoires.
Le territoire du Grand Bergeracois a pu bénéficier de 2016 à 2023 de ce dispositif, dans un contexte de disparition de 500 emplois industriels suite à la fermeture de la SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs). Un chef de projet CADET a donc été missionné, exceptionnellement pendant 6 années, pour mettre à disposition les outils de développement économique de la Région, travailler sur un plan d’action et aller à la rencontre des entreprises et être à l’écoute de leurs besoins.
Le plan d’action a permis de travailler sur les deux piliers du développement des entreprises, et de l’emploi-formation. Plus spécifiquement, le territoire a choisi d’axer le travail sur : l’implantation et la requalification de friches, le développement de nouvelles filières, l’ESS et l’économie circulaire (notamment sur la filière bois), le marketing territorial. Sur le volet emploi formation, la volonté a été de rapprocher les deux sujets en menant plusieurs actions : travailler l’orientation des enfants et la découverte des métiers dans les collèges, créer un campus connecté et travailler avec le CNAM Nouvelle-Aquitaine pour mettre en place des formations BAC+3 sur le territoire.
Au total, la Région a financé des projets d’entreprises à hauteur de 25 millions d’euros sur la période.

Eléments de conjoncture économique en Nouvelle-Aquitaine

Bilan économique 2023 - Nouvelle Aquitaine, Insee, paru le 12/07/2024

Malgré un contexte national et mondial toujours tendu en 2023, l’activité économique néo-aquitaine poursuit sa croissance, qui s’infléchit toutefois au second trimestre. Alors que les productions de marchandises ou de services sont en repli dans certains secteurs, les chiffres d’affaires se maintiennent ou progressent en partie grâce au report de l’augmentation des coûts de production sur les prix de vente. L’emploi salarié progresse peu, les recours à l’intérim et aux dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle sont en retrait au profit d'emplois pérennes. Les offres d'emplois atteignent un niveau record. Pourtant, le chômage repart légèrement à la hausse avec une progression du nombre de demandeurs d’emploi et du taux de chômage.
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Le dynamisme global de l’industrie masque des situations différentes selon les secteurs. La fabrication de matériels de transport est en plein essor, portée essentiellement par les constructions navale et aéronautique. D'autres activités associées, comme la fabrication de produits électriques, électroniques et de machines, progressent aussi. En revanche, des secteurs subissent la contraction de la consommation comme les industries de boisson dont les ventes de vins et de Cognac qui reculent sur les marchés national et international.
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Le dynamisme du secteur tertiaire s’estompe en 2023. Le chiffre d’affaires de ces activités progresse légèrement et les effectifs se stabilisent. Si certaines branches tirent leur épingle du jeu, comme les services informatiques, d’autres rencontrent toujours des difficultés. [...]

Dans ce climat quelque peu incertain, les créations d’entreprises sont un peu moins nombreuses en 2023 et le nombre de défaillances augmente.