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Étude sur les fragilités numériques des territoires de Nouvelle-Aquitaine : principaux enseignements à l’échelle régionale

Publié le 26/03/2025
Temps de lecture : 12 min
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Cette étude a été réalisée pour nourrir le travail de coconstruction des feuilles de route “France Numérique Ensemble” par les territoires. Cette production a été financée par la Banque des territoires, la Région Nouvelle-Aquitaine et la Préfecture de région ; elle a été commandée par PQN-A et Hubikoop et réalisée par le cabinet Le Compas.  

Préambule

Cet article vise à présenter les principaux enseignements de cette étude à une échelle régionale. Nous ferons également un zoom sur les quartiers politiques de la ville (QPV) et leurs spécificités.

Rappelons que, pour cette étude, il a été choisi de : 

  • Construire et mesurer, à l’échelle communale, un indice de fragilité potentielle de la population face au numérique basé sur cinq indicateurs sociodémographiques : l’âge, le niveau de formation, l’activité professionnelle, les minima sociaux et l’immigration. 
  • Réaliser une typologie des territoires en regroupant les communes de caractéristiques homogènes en sept classes.
  • Croiser ces résultats sociodémographiques avec l’offre de services de médiation numérique présente sur les territoires selon trois familles d’accompagnement : les premiers pas dans le numérique, l’aide aux démarches en ligne et l’accès aux potentialités des outils numériques.

  

Pour une présentation détaillée de la méthodologie de l’étude et des résultats par département (synthèse, résultats complets et vidéo de présentation), nous vous invitons à consulter l’article “Etude sur les fragilités numériques des communes par département de Nouvelle-Aquitaine”.

Une population néo-aquitaine moins fragile face au numérique qu’au niveau national

Indice de fragilité potentielle de la population face au numérique

fragilites tab indice FR NA QPV

Parmi les 12 départements de Nouvelle-Aquitaine, 11 départements affichent un indice de fragilité numérique inférieur à la moyenne nationale.

Le Lot-et-Garonne est le département néo-aquitain qui accueille la plus grande proportion de population avec une fragilité potentielle face au numérique ; il présente un indice de 15, égal au niveau national.

La Gironde et les Deux-Sèvres, avec un indice de 10, sont les deux départements qui présentent un niveau de fragilité inférieur à la moyenne régionale (11). 

fragilites tab indices dép

Rural, urbain : une "géographie inversée" des fragilités numériques

La lecture de la carte régionale des fragilités numériques, mesurées à l'échelle de la commune, révèle deux schémas différents de présence des fragilités selon que l’on observe les territoires urbains ou les territoires ruraux. 

 En territoires ruraux, on remarque que les centralités regroupent des populations plus à l’aise potentiellement avec le numérique, tandis que les communes hyper-rurales ou en bordures départementales accueillent des habitants avec des typologies beaucoup plus fragiles face au numérique.

En territoires urbains, on note un schéma inverse. Pour ces territoires, on mesure des indices de fragilité plus élevés dans les hyper-centres et les QPV en opposition avec les zones périphériques.

NB :  L'hyper-ruralité ce sont des zones où les handicaps naturels et d'accès aux services publics et privés se cumulent et où rien n'est possible sans un accompagnement fort et spécifique de l'État, comme le soulignait le rapport du sénateur de la Lozère Alain Bertrand en 2014 ; terminologie  reprise en 2022 par la proposition de résolution présentée le 25 novembre par M. le député Pierre MOREL‑À‑L’HUISSIER, portant reconnaissance de la notion d’hyper-ruralité.

fragilites carte NA

QPV : des populations potentiellement plus fragiles face au numérique

La Nouvelle-Aquitaine compte 83 quartiers politique de la ville répartis de manière inégale sur les 12 départements, de 1 quartier pour la Creuse à 25 pour la Gironde, pour une population globale de plus de 220.000 habitants, soit 3,7% de la population.

L’indice de fragilité numérique des quartiers prioritaires néo-aquitains est de 19 contre 11 à l’échelle régionale et 15 à l’échelle nationale.

Avec ce résultat de 19 comme indice moyen de fragilité numérique, les quartiers prioritaires de Nouvelle-Aquitaine affichent un indice supérieur de 8 points à la moyenne  régionale.

Les QPV étudiés affichent tous des indicateurs de fragilité numérique potentielle supérieurs à la moyenne de leur département : de 15 à 24 en QPV contre 10 à 15 au niveau départemental. 

Trois quartiers affichent un indice inférieur à la moyenne nationale (15) : Pessac-Haut Livrac (13), Le Bouscat-Eysines-Champs de course en Gironde et Bayonne Maubec-Citadelle en Pyrénées Atlantiques (14).

Avec un indice de 24, le quartier Brive Tujac-Gaubre accueille la population avec la plus forte fragilité numérique de tous les QPV de la région.

On observe, sur un même département, des inégalités territoriales qui peuvent être fortes.  Ainsi, l'écart de fragilité est de sept (7) points en moyenne entre les QPV et l’indice de leur département. 60% des QPV affichent un écart supérieur ou égal à sept points. Les écarts les plus importants observés sont en Gironde (13 points pour les quartiers Pineuilh, Sainte-Foy-la-Grande - Quartier Bourg) et en Deux-Sèvres (12 points, QPV Niort - Clou Bouchet et QPV Thouars - Les Capucins). Les écarts minimum sont relevés en Pyrénées Atlantiques (1 point, QPV Bayonne - Maubec - Citadelle) et en Creuse (2 points, QPV Guéret - L’Albatros).

Si les indices de fragilité numérique les plus bas sont observés pour les QPV des départements les moins fragiles de la région, ce sont aussi sur ces mêmes territoires qu’on note les écarts les plus importants entre certains QPV et le niveau de fragilité de leur département : Gironde, Deux-Sèvres et Vienne.

Une fragilité numérique en lien avec d’autres natures de fragilités : vieillissement, dépeuplement et isolement.

Ce triple défi démographique touche une majorité de territoires de Nouvelle-Aquitaine. Il s’agit moins de déterminants spécifiques d’un niveau de fragilité numérique que d’éléments caractérisant la population dans son ensemble. En effet, la totalité des territoires de la région, quel que soit leur niveau de fragilité numérique potentielle, connaissent un vieillissement et un isolement de leur population (au sens de la structure du foyer). 

Cependant, la moitié des départements voit sa population baisser entre les deux derniers recensements et l’on observe que ces territoires sont aussi ceux qui affichent les indices de fragilité numérique les plus élevés.

Aussi, combinés à d’autres caractéristiques sociodémographiques, l’âge et l’isolement des personnes sont des facteurs bien identifiés qui interviennent dans l'éloignement avec le numérique. À ce titre, notons que la Creuse et la Dordogne comptent la proportion la plus élevée de personnes âgées de plus de 70 ans dans leur population (respectivement 20% et 19,5%) ; ces départements sont aussi parmi les trois avec l’indice de fragilité le plus haut (indice 14) .

Niveau de formation, maîtrise de la langue et de la culture administrative française : des critères déterminants d’une fragilité numérique potentielle ?

Parmi les cinq indicateurs socio-démographiques* retenus pour calculer l’indice de fragilité numérique potentielle, y-a-t-il un ou des indicateurs ayant une influence prépondérante ? La comparaison des douze départements de Nouvelle-Aquitaine permet d’apporter un premier niveau de réponse. 

Le rapprochement des résultats par indicateur et leur classement selon l’indice de fragilité des départements permet de remarquer que les deux types de population le plus souvent surreprésentés parmi les départements les plus fragiles sont les populations ayant un faible niveau de formation et les populations immigrées. 

L'acquisition de compétences numériques dépendrait des parcours de formation initiale ou continue des personnes. Quant à la part des populations immigrées dans la population départementale, cet indicateur questionne à la fois le niveau de formation et le niveau de maîtrise de la langue et de la culture administrative française. 

Il convient cependant de garder en tête que 58% des personnes immigrées sont titulaires d’un bac dont 40% d’un diplôme du supérieur (Insee, 2023). 

Il est aussi utile de préciser que ces observations ne sont pas sans exception et montre, qu’à l’échelle d’un département, une forte présence de population immigrée n’est pas automatiquement synonyme de forte fragilité numérique  (ex: la Gironde).
 

Le poids économique : une réponse à la fragilité numérique ?

L’observation conjointe du poids économique des territoires (PIB départementaux, indicateur non étudié dans l’étude COMPAS) et leur fragilité numérique (indice COMPAS), permet de remarquer que les départements ayant les indices de fragilité les plus faibles sont aussi souvent les départements avec les PIB les plus élevés : Gironde  (1er PIB régional / meilleur classement sur la fragilité numérique), Deux-Sèvres (3e/2e), Vienne (5e/3e). 

De l’autre côté de ce spectre, on observe, en miroir, que les départements ayant le poids économique le plus faible affichent parmi les indices de fragilité numérique les plus élevés : Landes (11e/10e), Lo-et-Garonne (12e/11e), Dordogne (10e/12e). 

Peut-on pour autant en conclure que la plus grande capacité financière d’un territoire suffirait à apporter une réponse adaptée à la question de la précarité numérique ?

Cette corrélation n’est pas automatique. Le poids économique d’un territoire n’est pas le “maître-indicateur” déterminant à lui seul la fragilité numérique d’un territoire. Citons les contre-exemples suivants : Charente (2e PIB / 6e fragilité numérique), Pyrénées Atlantiques (4e/7e) ou Haute-Vienne (6e/9e). Se pose alors la question non seulement de la mobilisation des ressources et des acteurs disponibles mais aussi le ciblage de ces moyens sur les chantiers et territoires prioritaires.

L’offre de services de médiation numérique : priorité aux démarches en ligne

L’étude dénombre 2 851 structures de médiation numérique en Nouvelle-Aquitaine. 

C’est en Gironde que l’on compte l’offre de services la plus grande (573 lieux) et en Deux-Sèvres où l’offre est la plus limitée (92 lieux). En ramenant le nombre de lieux pour 10.000 habitants,  Creuse (16/10.000) et Charente-Maritime (8/10.000) affichent alors l’offre de services la plus riche, tandis que Deux-Sèvres (2/10.000), Dordogne et Pyrénées Atlantiques (3/10.000) présentent l’offre la plus restreinte. Cette lecture moyennée et quantitative ne rend pas compte du ciblage territorial réalisé à partir des ressources disponibles ainsi que du nombre d'aidants numériques présents dans les structures. 

Les lieux de médiation numérique proposent différents services regroupés en trois grandes catégories qui se répartissent comme suit à l’échelle régionale:

  • Accompagnement aux premiers pas dans le numérique : 66,6% (1 900 lieux)
  • Aides aux démarches en ligne : 81,8% (2 331 lieux)
  • Accès aux potentialités des outils numériques : 48,5% (1 382 lieux)

Le total des % est supérieur à 100 car un lieu peut proposer plusieurs types d’accompagnement. Lecture : 81,8% des lieux de médiation numérique de Nouvelle-Aquitaine proposent un service d'aide aux démarches administratives en ligne.

L’accompagnement dans l’accès aux droits est l’offre de service de médiation numérique la plus répandue sur l’ensemble des territoires de Nouvelle-Aquitaine, y compris sur les territoires ayant une offre de services plus limitée.

Répartition géographique des services : bon ciblage général des lieux de médiation…

On observe globalement qu’à l’échelle régionale les lieux de médiation numérique sont positionnés là où les populations avec une fragilité potentielle sont les plus nombreuses : centralités urbaines, QPV, communes rurales à fort potentiel de fragilité numérique.

…mais une diversité de l’offre moindre sur les territoires fragiles

Néanmoins, les territoires ruraux les plus éloignés des centralités connaissent à la fois une typologie de population plus exposée aux fragilités numériques et une moindre diversité de services de médiation numérique.

Dans les territoires avec le moins de lieux de médiation numérique, on pourrait s’attendre à une offre de services plus variée au sein de chaque lieu afin de couvrir plus largement les différents besoins. C’est une réalité inverse que l’on observe : moins il y a de lieux, moins ces lieux sont polyvalents ce qui rend plus difficile la possibilité d’avoir des parcours complets d’accompagnement vers l’autonomie. 

Notons l’exception de la Creuse qui, avec un indice de fragilité élevé pour la région (14 contre 11 en NA) présente aussi le plus grand nombre de lieux de médiation numérique pour 10 000 habitants (16 soit trois fois la moyenne régionale).

Conclusion

A travers ces portraits de territoire, la recherche de déterminants à la fragilité potentielle des populations éclaire le sujet relativement récent de la précarité numérique. Elle illustre surtout la complexité d’un phénomène multifactoriel dont la lecture, pour être juste, ne doit pas s'arrêter à la maille départementale mais bien tenter d’approcher une compréhension par “poches de précarité”. C’est un exercice qui appelle à une collaboration avec les acteurs de terrain et une compréhension fine qui se joue souvent à une échelle communale voire infra-communale.  

L'engagement des territoires de la région autour d’une stratégie concertée d’inclusion numérique reste inégale et vient souvent en écho des fragilités locales déjà connues  ; néanmoins, l’étude a montré une mobilisation globale forte des acteurs locaux sur les actions de médiation numérique centrées sur l’aide aux démarches, particulièrement dans les QPV.

Un portage politique affirmé des enjeux d’inclusion numérique, notamment sur les territoires aux populations les plus fragiles, permet la présence de services de médiation numérique  plus nombreux et plus variés.

Face à l’hétérogénéité de la répartition des offres de médiation numérique (premiers pas, accès aux droits, potentialités du numérique), il apparaît comme une opportunité d’engager une réflexion autour d’une logique de “parcours” et de coopération entre les lieux de médiation en renforçant par exemple leur polyvalence par la formation (continue et initiale) ou en travaillant la complémentarité et la lisibilité des offres existantes, ceci dans le but de pouvoir tendre vers une réponse permettant d’atteindre l’autonomie des publics accompagnés.

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