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Comment mener une contractualisation ? Retour d'expérience d'Eric Jaubert, chef de projet contractualisations

Temps de lecture : 4 min
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Le jeudi 08 février 2023, PQN-A et Hubikoop organisaient un "Rendez-vous de l'inclusion numérique" : un temps d'échanges entre pairs, sur une thématique spécifique. Pour ce premier rendez-vous, le sujet de "la méthode de contractualisation" a été abordé, en présence d'Eric Jaubert, chef de projet contractualisations à la Région Nouvelle-Aquitaine.

"France Numérique Ensemble" : un contexte de contractualisation inédit pour le secteur de l'inclusion numérique

 

Suite à la circulaire de 28 juillet 2023, l'Etat a annoncé la mise en œuvre de l'axe 1 de sa feuille de route nationale « France Numérique Ensemble », visant à « Territorialiser la politique d'inclusion numérique et accompagner les acteurs locaux par la mobilisation d'un fond ingénierie dédié ». 
 

Cette mise en œuvre suit le calendrier ci-dessous : 

  • 15 octobre 2023 : remontée des gouvernances pressenties par les préfectures ;
  • 31 janvier 2024 : remontée des besoins d'appui en ingénierie financière ;
  • janvier à septembre 2024 : formalisation et validation des feuilles de route ;
  • octobre 2024 : validation des feuilles de route et transmission à l'ANCT.

Pour réaliser cette contractualisation, il a été demandé aux préfectures de constituer des gouvernances locales, afin de formaliser des feuilles de routes départementales. 
 

Ainsi, les préfectures de départements et les conseils départementaux forment, dans la majorité des cas, un binôme porteur de la future feuille de route. Ils associent généralement à cette gouvernance l'ensemble des élus des EPCI, et les acteurs locaux phares dans le secteur de l'inclusion numérique. Dans certains départements, des EPCI réalisent leurs propres feuilles de route, en cohérence avec l'échelle départementale. 

C'est pourquoi il nous semblait important de rappeler les fondamentaux de la méthode de contractualisation. Quelles sont les étapes incontournables de ce processus ? Quels points de vigilance doit-on avoir en tête avant de se lancer ?

Pour répondre à ces questions, nous avons convié un professionnel de la contractualisation, Eric Jaubert, qui a accompagné bon nombre de territoires à construire des stratégies locales sur divers sujets.

 

Retour d'expérience d'Eric Jaubert, chef de projet contractualisations à la Région Nouvelle-Aquitaine

Portrait Eric Jaubert

Quelles sont les étapes d’une démarche de contractualisation ?

 

0 - Etablir un cahier des charges

Pour conduire une démarche de contractualisation, il est important de s'appuyer sur un socle commun. Pour ce faire, il est essentiel d'élaborer un cahier des charges. C'est souvent un document que l'on établit quand on veut externaliser une prestataire mais pas seulement. C'est aussi un document qui va faire référence pour ceux qui vont s'engager dans le travail. Il fixe les objectifs que l'on se donne, le calendrier, les étapes par lesquelles on  va passer, les moments de validation dont on aura besoin. Cela permet d'engager le travail avec les différentes parties prenantes sur une base qui sera partagée, connue, et sur laquelle chacun peut s'engager. Cela donne aussi au coordinateur / animateur de la démarche un document auquel il peut se référer.

 

1 - Le temps du diagnostic

La phase de diagnostic constitue le socle de la démarche de contractualisation. C'est le temps où on croise les regards, où on peut émettre un avis sur la situation du territoire. C'est un moment fédérateur car il fabrique du consensus. 

C'est aussi un moment où on adopte une vision dynamique : le diagnostic, ce n'est pas juste une photo "à l'instant T", c'est une trajectoire dans laquelle s’inscrit le territoire. Que l'on soit à l'échelle d'un quartier, d'une commune, d'une intercommunalité, d'un groupement de collectivités, d'un département : on a toujours des acteurs et des échelles territoriales qui nous entourent et qui conduisent eux-mêmes des actions sur notre sujet. C'est donc très important de se resituer par rapport à son environnement. Cela permet de souligner les grandes tendances, de poser les bases et le contexte dans lequel on se situe. 

Le diagnostic, c'est aussi partager des éléments quantitatifs, objectifs, sur les dynamiques du territoire. Selon votre position (élu, acteur local, technicien, habitant..), vous n'aurez pas la même interprétation de la donnée. 

 

2 - La phase d'identification des enjeux

Avant de commencer à penser au plan d’action, il faut prendre le temps d’identifier les problématiques qui découlent de ce diagnostic : c'est cela que l'on appelle les enjeux. Ils sont formulés sous forme de questions. La phase d'identification des enjeux est une étape pivot et centrale.

Prenons l'exemple d'un territoire girondin que la Région Nouvelle-Aquitaine a accompagné. Les diagnostics réalisés par le territoire et la Région Nouvelle-Aquitaine montraient une croissance démographique exceptionnelle, un vieillissement de la population élevé et une part importante de retraités dans la population. Dans ce cas précis, la formulation de l'enjeu était la suivante : "Comment adapter la dynamique d'accueil du territoire face à une forte pression foncière et aux évolutions démographiques, notamment le vieillissement de la population ?".

On voit, grâce à cet exemple, que la formulation des enjeux revient à identifier ce qui fait commun parmi les éléments de diagnostic. Quand on travaille à une démarche de contractualisation, on ne travaille pas verticalement : on appréhende les éléments dans leur ensemble, en transversalité, et on les relie les uns aux autres. C'est un moment qui peut être difficile, et qui demande de l’entrainement, mais c'est une étape essentielle. 

Il faut aussi veiller à hiérarchiser les enjeux identifiés: le territoire n’aura pas les moyens de tout traiter d’un coup. Quels sont ceux qui nous semblent les plus prioritaires ? Quels sont ceux qui sont essentiels à travailler pour répondre efficacement aux besoins identifiés dans le diagnostic ?


3 - La formalisation de la stratégie

Pour répondre aux enjeux identifiés, il faut formaliser une stratégie globale. Une stratégie, c'est un chemin, un horizon vers lequel on tend, à parcourir collectivement. Elle est composée d'axes stratégiques précis, qui invitent à imaginer des solutions, avec toutes les parties prenantes. La stratégie doit parler à tout le monde : chacun doit trouver son rôle, et sentir qu'il peut contribuer à la mettre en œuvre. Les axes stratégiques sont formulés sous forme de verbes d'action, à l'infinitif, pour donner de la force à l'intention.

Reprenons l'exemple du territoire sud girondin que j'évoquais précédemment. La formulation de l'enjeu (cf "Comment adapter la dynamique d'accueil du territoire face à une forte pression foncière et aux évolutions démographiques, notamment le vieillissement de la population ?") a donné lieu à la formulation de l'axe stratégique suivant : "Adapter la dynamique d'accueil pour garantir la cohésion territoriale" (avec deux sous-axes : "réduire les inégalités territoriales et renforcer les solidarités" et "relever les défis nés de la dynamique d'attractivité du territoire").

A ce stade, on voit bien le chemin : on ne dit pas encore "comment" on veut y aller, mais on voit là où on veut aller.


4 - Le plan d'actions 

Afin de savoir 'comment" on veut y aller, on formalise un plan d'actions. C'est la boîte à outils.

Il faut se dire qu'on ne part pas de rien quand on se lance dans une démarche : il y a des acteurs, des pratiques, des actions. 

Toutefois il ne s’agit pas de se baser uniquement sur l’existant pour formaliser son plan d’action.  Si on établit une stratégie, c'est que vraisemblablement le territoire n'a pas répondu à tous les enjeux, avec les actions existantes. Il faut bien sûr valoriser celles qui font sens et qui peuvent contribuer à répondre à la stratégie, mais il faut aller au-delà en construisant de nouvelles réponses opérationnelles adaptées aux objectifs que l'on s'est assignés.

Pour ce faire, on fait appel à l'intelligence collective. On organise un dialogue, on croise les regards, on débat, on confronte les points de vue,. Dans ces moments-là, on voit souvent surgir des choses auxquelles on n'aurait pas pensé. On n'a alors pas forcément d'éléments sur lesquels s'appuyer pour étayer cette sensation (qui n'est pas issue du diagnostic), mais on sait que c'est un élément important à aller investiguer, voire à expertiser. C'est là que naissent les "chantiers clés" (selon la définition empruntée à la Région). Ils représentent ces sujets à investiguer, sur lesquels on va mobiliser de la ressource (expertise, prestation, acteurs) pour voir si ça fait sens.

Reprenons un exemple d'un territoire, au sein duquel un élu avait signifié qu'il était  interpellé par le fait que sa population avait de plus en plus de mal à accéder à des médecins, alors que c'est un territoire où il y a pléthore de professionnels de santé. D'autres élus ont alerté sur ce même sujet, cela a créé des échanges et du débat. On l'a donc placé comme un chantier clé et on a engagé un travail avec l'Agence Régionale de Santé (ARS), l'Observatoire Régional de Santé (ORS), on a fait tout un diagnostic. Après 3 ans de travail, on en est arrivés à la création d'un contrat local de santé (CLS) à l'échelle du territoire de projet. 
 

Quels sont les points de vigilance à avoir en tête dans une démarche de contractualisation ?

 

  1. On ne part pas de rien : il faut s’appuyer sur l’existant. Cependant, il ne faut pas s’en satisfaire : agréger l’existant ne fait pas sens commun, il faut s’autoriser à le réinterroger et le regarder d’ailleurs. 
  2. Chaque territoire a ses spécificités locales : il faut repérer ce qui fait la singularité du territoire et comment on peut y répondre.
  3. La gouvernance doit se faire en transversalité, et l’élaboration d’une stratégie territoriale ne doit surtout pas se faire en chambre. Aussi, la représentativité de ces instances est importante et doit se construire en amont. Il ne faut pas passer à côté d’un acteur essentiel pour assurer la mise en œuvre des actions mais bien clarifier le rôle de chacun dès le départ. Il existe plusieurs instances pour mobiliser les acteurs : 
    • Le comité de pilotage : composé de décideurs, ils sont là pour valider, acter les éléments produits, orienter, et légitimer le travail engagé.
    • Le comité technique : il est là pour rassembler de l’expertise sur le sujet, permettre de préparer et alimenter le travail sur lequel les décideurs et élus auront à se prononcer, entourer le coordinateur ou l’animateur de la démarche et l’aider à élaborer le contenu de chacune des étapes.
    • Le comité partenarial : composé d'acteurs, de maîtres d'œuvres, d’ouvrages, ils sont là pour nourrir la réflexion, apporter leur expérience et leur expertise, partager le contenu de leurs actions. C’est essentiel de les associer pour s’assurer du portage opérationnel du travail qui aura été mené.
  4. Associer la société civile (monde de l'entreprise, citoyens, associations, collectifs...) : il faut toujours associer des acteurs qui ne sont ni des techniciens de collectivités, ni des élus.
  5. S’assurer du calendrier et des étapes de validation : il faut définir en amont à quels moments les partenaires seront mobilisés.
  6. Pour favoriser le consensus, définir ce qu’on peut faire, ce qu'on va faire et ce qu’on ne peut pas faire. On ne peut pas empiler la somme des attentes individuelles : on est là pour le territoire, on n’est pas là à titre individuel. Il faut aussi se répéter souvent pourquoi on est là, qu'est ce qu'on fait ensemble.. Il faut être clair dans le fait qu'il faudra faire des compromis, et entendre la voix de chacun. 
  7. La place des élus : leur rôle est essentiel mais ils ne sont pas toujours des experts du sujet. Le mieux est d'associer des élus qui sont déjà sensibilisés au sujet qui vont pouvoir alimenter les échanges. Ne pas omettre d’associer  les élus qui ont la légitimité de prendre les décisions.
  8. La transversalité : il faut faire le lien entre les éléments, avoir une ouverture d'esprit. Les politiques territoriales sont par essence transversales, systémiques. C'est le cas pour les politiques d'inclusion numérique.

 

Comment embarquer les élus autour d'une contractualisation ?

 

S'il n'y a pas d'élus identifiés sur le territoire sur la thématique, il faut aller chercher des élus qui sont en responsabilité ou qui ont dans leur mandat un sujet qui se rapproche. Ensuite, il faut imaginer des temps dédiés avec eux. Par exemple, il est possible d'organiser une conférence des maires. 

Aussi, il faut poser les bases avec eux. Quand on leur parle de ce qui les intéresse, et qu’on est clair sur ce qu’on ne pourra pas faire, on peut leur montrer le champ des possibles.Il faut être en dialogue, à leur écoute et aller vers eux, pas seulement les inviter mais bien les impliquer dans la démarche. Ils doivent comprendre leur place, leur rôle, et comment ils peuvent contribuer aux objectifs : c'est un travail de proximité

 

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