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Rapport d'évaluation des Cités éducatives INJEP : les 10 points clés à retenir

Publié le 14/06/2024
Temps de lecture : 9 min
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L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) a été mandaté par l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) pour piloter une évaluation nationale des cités éducatives. Cette évaluation s’est déroulée de juillet 2021 à octobre 2023.
 

Cette évaluation s’articule autour de trois thématiques centrales du programme, chacune analysée par une équipe d'évaluation :

  • La mise en œuvre et les effets de la continuité éducative sur le parcours des enfants et des jeunes (évaluation confiée au cabinet Jeunesse, développement, intelligences (JEUDEVI), menée par Chafik Hbila, Aude Kerivel et Christophe Moreau sous la responsabilité scientifique de Régis Cortesero et Thomas Kirszbaum) ;
  • Les parcours d’orientation, d’insertion et de formation pour les 11-25 ans (évaluation confiée au cabinet Pluricité, menée par Aude Defasy, Pierre Grousson, Marion Chevallier et Florent Cheminal) ; 
  • Les effets de la cité sur la place des familles dans les coopérations éducatives (évaluation confiée à l’Agence Phare, menée par Lou Titli, Emmanuel Rivat, Lucie Etienne, Paul Neybourger et Anna Dewaele).  

Ces trois thématiques sont directement en lien avec les objectifs qui guident l’ambition des cités éducatives et répondent aux intérêts exprimés par le Comité national d’orientation et d’évaluation (CNOE) sur les démarches participatives et les parcours scolaires et d’insertion. Chaque équipe d’évaluation a mené ses travaux auprès de cinq cités volontaires labellisées en 2019 et s’appuie sur un important travail de terrain (463 entretiens menés par les trois équipes d'évaluation, et près de 30 études de cas) ainsi que sur l'analyse des revues de projets 2021 renseignées par les cités éducatives. Ce rapport s'appuie principalement sur les enseignements des trois équipes d'évaluation ainsi que sur l'analyse quantitative des revues de projets 2022 des 80 cités éducatives de la première vague de labellisation réalisée par l'INJEP, qu’il vient compléter. Il a pour objectif d'offrir une vision globale des effets du programme sur trois dimensions majeures des cités éducatives : la mise en œuvre de « l'alliance éducative »  sur les thématiques étudiées ; ses potentiels effets sur l'évolution de l'offre éducative ainsi que, en « bout de chaîne », les effets observés sur les bénéficiaires ainsi que sur les professionnels. 

Une difficulté à construire des approches territoriales de la place des familles, de l'insertion et de la continuité éducative : 

Le programme des Cités éducatives s’inscrit dans une logique “bottom up” (de bas en haut). Le programme n’est pas rigoureusement encadré par l’Etat, les acteurs régionaux disposent de beaucoup de liberté dans la façon dont ils construisent les Cités éducatives. 
Ce cadre volontairement flexible a pu créer des incompréhensions et des difficultés à s’emparer du programme. Le temps et la méthodologie ont pu manquer aux acteurs pour créer une stratégie efficace et la décliner en actions. Certains points sont toujours en débat.

Les Cités ont du mal à trouver comment associer les parents à la gouvernance et quelles actions développer à leur égard. Le manque de cadrage affecte notamment sur ces questions. Les groupes de parents type “parents d’élèves” sont parfois envisagés, mais un doute subsiste pour certains acteurs sur leur plus-value. Ils ne savent pas non plus s’ils doivent viser à faire monter en compétences les parents ou se servir des actions pour puiser dans les compétences des parents.  
La question d’insertion, malgré des indications dans les orientations stratégiques des Cités, est assez peu investie.  Elles ont du mal à engager des publics plus âgés que le public scolaire, notamment en raison de leur manque de compétences et de l’absence des acteurs de ces thématiques au sein des Cités. 
La notion de continuité éducative est assez mal définie au sein des Cités. Deux visions s’opposent sur cette question : 
-Certains pensent que cette continuité doit se faire dans un cadre formel,  auprès des différents référents scolaires.
-Les autres pensent que l’école doit s’inscrire dans un écosystème plus large d’acteurs éducatifs, qui travaillent en complémentarité sur ces questions.
 

Une gouvernance qui induit des rapprochements avant tout au niveau institutionnel

Les instances de gouvernance des Cités se sont construites en suivant la logique defaire ensemble”. La “troïka”, gouvernance tripartite portée par l’Etat, l’Education Nationale et les collectivités se sont déployées sur l’ensemble des Cités éducatives. Cette coopération entre les acteurs a permis de favoriser les collaborations transversales des acteurs. La présence de l’éducation nationale est d’ailleurs perçue comme un vrai plus, notamment par les autres acteurs de l’éducation, qui peuvent plus simplement s’associer avec l’Education nationale.

Les acteurs qui composent les instances gouvernementales sont divers au sein de chaque pointe du trident : Du côté de l’éducation nationale, on citera par exemple le recteur d'académie, l’inspecteur d’académie ou le principal du collège chef de file. Du côté de la ville, on pourra retrouver le maire, des adjoints au maire, le directeur général adjoint, des directeurs de service ou des chargés de mission. Du côté de l’État, on peut citer en exemple le préfet de département, le préfet délégué à l’égalité des chances (PDEC) ou encore le sous-préfet ville (SPV).

La gouvernance a également cherché à impliquer d’autres acteurs, le plus souvent, des inspecteurs du premier degré, des représentants d’autres collèges, des coordinateurs des réseaux d’éducation prioritaire (REP), des responsables de services politiques de la Ville comme l'indique Pluricité, mais aussi d'autres institutions (caisses d’allocations familiales (CAF), conseils départementaux, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), Région, agences régionales de santé (ARS)…). Mais leur implication dans le processus décisionnel semble secondaire. Est relevé également l’absence de certains acteurs clés sur certaines thématiques (le rapport donne l’exemple des acteurs régionaux et de France Travail sur la question de l’orientation et de l’insertion). 

La Cité éducative prévoit dans ses directives d’impliquer les parents dans la gouvernance. Cependant, dans les faits, l’implication des parents dans les questions de gouvernance s’avère difficile. Mais leur mobilisation a été pensée sur d’autres modalités, par exemple sur des temps de consultation pour la mise en œuvre d’actions.

 

Des logiques ascendantes et participatives en développement : 

La majorité des Cités mettent en place des groupes de travail thématiques. Parmi les thématiques les plus portées à l’échelle des 80 cités de la labellisation initiale, on retrouve le sport, la santé, la culture ou encore la petite enfance. L’animation de ces groupes permet de favoriser l’interconnaissance et les dynamiques partenariales entre les acteurs.
Ils permettent de confronter les points de vue, puisqu’ils rassemblent souvent des acteurs issus d’un univers plus institutionnel et des acteurs de terrain. Mais ces groupes ont été plus ou moins investis selon les Cités, en raison de la motivation des acteurs mais aussi des champs d’intervention définis au sein de chaque Cité.
Pour le déploiement de leur appel à projets, les Cités ont suivis différentes méthodes : 

-Une prise de décision en cercle restreint par les porteurs de la Cité, en raison de contraintes de temps.
-Une méthode participative, qui fait collaborer les parties prenantes à la construction de la programmation. 
 

Un renforcement des partenariats qui n’évite pas les rapports de force

Les partenariats qui ont lieu au sein de la Cité ont permis de renforcer l’interconnaissance entre les acteurs, à travers les groupes de travail, le déploiement d’actions ou encore via des évènements de grande échelle. Mais certains acteurs restent peu intégrés au sein de ces dynamiques, notamment sur les questions d’insertion et d’emploi. De plus, cette interconnaissance ne se concrétise pas par une meilleure cohérence de l’offre sur le territoire. 
La Cité a du mal à mobiliser des acteurs “qui ne sont pas perçus comme légitime”, comme par exemple les association de l'éducation populaire. L’éducation nationale exprime que les actions à destination des familles sont plus souvent portées par les collectivités et les associations. Elle accepte difficilement de s’engager dans ce genre de démarche, d’autant plus quand elles “ne collent pas” aux programmes scolaires et aux attentes de l’Education nationale. 

 

De nombreuses actions développées, mais un manque de cohérence de l'offre éducative à craindre : 

Le budget des Cités éducatives est de 69.2 millions d’euros, contre 61.3 millions d’euros pour les PRE. Il est pensé comme un complément des PRE, de la géographie REP/REP+ et des PEDT. Il a permis d’enrichir le nombre d’actions éducatives sur les territoires. Sur les Cités étudiées, on relève en moyenne 33 actions créées en plus sur les 80 Cités initiales, mais on n’est pas capable d’identifier le nombre d’élèves impactés. 

Les thématiques sont variées, allant de la culture, à la citoyenneté, les relations avec les familles ou la santé. Les cités ont fait le choix de se positionner sur plusieurs thématiques, ce qui permet une diversification. Mais l’amplification de l’offre d’actions ne s’est pas accompagnée d’une priorisation sur des enjeux clés, ce qui peut rendre moins cohérente l’offre des Cités.

Pour répondre à ce problème, l’ingénierie de projet semble être une solution qui permet de “se rapprocher de l’esprit des Cités éducatives”. Mais cette compétence semble peu développée, malgré les budgets. Le poste de CPO ne permet de couvrir l’ensemble des besoins.

 

Une faible ouverture à de nouveaux publics : 

L’analyse des revues de projets ainsi que les éléments issus du travail qualitatif permettent d’identifier une limite majeure au public ciblé et touché : il s’agit avant tout d’un public scolarisé, voire d’un public de collégiens, alors que le public dit « NEET » (ni en emploi, ni en études, ni en formation) reste peu ciblé par les actions. De plus, les actions touchent souvent un nombre assez restreint de jeunes.

 

Pas de transformation « en profondeur » de l’offre sur les thématiques traitées : 

Les actions co-portées recouvrent des réalités différentes. Une majorité sont en fait de simples réorientations vers les acteurs. Tandis qu’une minorité d’actions sont construites avec les acteurs, de l’élaboration à l’intervention.
Les thématiques portées n’ont pas connu d’évolution majeure avec l’arrivée de la Cité. Il s’agit souvent des cœurs de métier des acteurs.
L’orientation et l’insertion sont assez peu représentées dans les thématiques soulevées par les actions des Cités. 
La question de la réussite éducative est également soumise à la perception très scolaire proposée par l’Education Nationale. Les acteurs associatifs qui proposent des démarches innovantes et hors du cadre scolaire habituel ne sont pas soutenus par l’Education Nationale.

 

Néanmoins, une dimension expérimentale appréciée d'une partie des professionnels : 

Le financement de la Cité éducative permet également une dimension expérimentale, pour tester de nouveaux formats et contenus (plus collectifs, ludiques ou individualisés). 
Cette possibilité d’expérimenter a été grandement appréciée par les acteurs, qui y ont vu une porte d’entrée pour créer des réponses pluridisciplinaires sur certaines thématiques (par exemple sur l’insertion).
 

Un bon niveau de satisfaction des bénéficiaires, mais des effets sur les parcours difficilement mesurables  : 

Les effets sur les parcours des actions menées par la Cité éducative sont difficilement mesurables. En effet, la diversité dans l’application des programmes rend difficile l’application de critères partagées pour évaluer l’impact des Cités. Le rapport évoque également le fait que le label “Cité éducative” est assez peu ou mal identifié par les familles, qui ne raccrochent pas forcément les avancées au label.
De plus, les critères mis en place par les Cités sont généralement applicables à une seule action (exemple du nombre du taux de retour en classe pour les élèves en décrochage). L’analyse des impacts transversaux est donc difficile.
De plus, les actions nombreuses, sur plusieurs thématiques et souvent uniques réduit le nombre de destinataires et rend donc difficile l’observation d’effets généralisables.
Il est également difficile, de par la durée fixée par le programme (jusqu'à 25 ans) d’observer des effets à long terme.
Enfin, sur la thématique de la continuité éducative, il est difficile de mesurer l’impact des actions sur les élèves. Les professionnels interrogés ont constaté des évolutions positives au niveau des élèves dans la motivation à l’apprentissage ou encore dans la résolution des conflits. Les élèves louent également à leur façon la diversité que permettent les actions de continuité éducative, notamment dans la diversité des pratiques pédagogiques. Mais ces perceptions ne peuvent pas être enrichies d’une vision méthodologiquement rigoureuse.
 

Un renforcement de l’interconnaissance, mais des évolutions de pratiques professionnelles circonscrites aux « convaincus » : 
 

Les Cités éducatives, à travers les actions qu’elles mènent et les instances dont elles disposent, ont favorisé l’interconnaissance et une meilleure connaissance des missions de chacun. Elles ont pu permettre une meilleure coordination entre les différentes structures d’un territoire. Mais cette interconnaissance n’a pas fait évoluer radicalement les pratiques. Les professionnels n’ont pas développé de nouvelles approches, notamment dans le rapport aux parents
Les Cités ont contribué pour les professionnels qui se questionnaient déjà sur leurs pratiques et leur fonctionnement, et qui contribuent beaucoup à la Cité.
Pour favoriser les partenariats et l’évolution des pratiques, plusieurs conditions doivent être réunies : 

  1. Une meilleure communication sur la Cité, notamment auprès des acteurs professionnels qui ne sont pas impliqués dans la Cité. 
  2. L’organisation régulière d’instances de travail aux objectifs définis, et qui impliquent également les professionnels du terrain, pour mieux calibrer les actions.
  3. La mise à disposition de moyens humains dédiés à la coordination inter-institutionnelle, pour favoriser la capacité et la qualité du travail partenarial.
  4. Une priorisation plus claire et des actions de grande envergure, qui permettraient de concentrer les forces et de favoriser les travaux partenariaux.
  5. Le déploiement de formations interprofessionnelles, pour s’assurer que tous les acteurs aient un socle commun de connaissances et de compétences, pour construire un terrain d’échange partagé.
     

Si vous souhaitez prolonger sur le sujet, vous pourrez retrouver ci-dessous le rapport complet de l'INJEP

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