Des cultures professionnelles distinctes
Cet article vous donnera des clés d'actions pour coopérer entre structures privées, notamment de l'économie sociale et solidaire (ESS), et publiques. Les exemples sont issus d'une journée organisée par PQN-A le 1er octobre 2024 sur la coopération entre ESS et Projets Alimentaires de Territoire en faveur de systèmes alimentaires durables.
Différence de temporalité, différences de l’approche de travail, considérations politiques ou économiques, différences dans les capacités à se mobiliser selon que l’on est rémunéré dans le public ou dans le privé, ou qu'on est bénévole… Nombreux sont les facteurs qui peuvent distinguer les acteurs publics des acteurs privés. Pourtant, la coopération publique-privé est essentielle pour faire advenir des systèmes alimentaires durables. Par ailleurs, il existe de nombreux points communs et intérêts convergents entre structures de l’ESS investies en agriculture-alimentation et collectivités. Alors concrètement, comment travailler avec des organisations publiques lorsqu’on travaille dans le privé ?
Les participant.e.s et intervenants à l'atelier se sont efforcés de répondre à ces questions.
- Fabrice Bonnifait, DGA Transition Ecologique | Direction Agriculture & Alimentation du Grand Poitiers, qui a expliqué comment fonctionne en interne le PAT du Grand Poitiers et comment les collectivités du PAT travaillent avec les acteurs privés, quelles articulations de l’ESS avec les missions déjà financées
- Gabriel AUXEMERY, Chargé de mission Économie Sociale et Solidaire, Direction de l’Économie, de l’Emploi et de l’Enseignement Supérieur, a expliqué à partir de l’exemple du Grand Poitiers et du PAT, comment une collectivité peut travailler et encourager l’ESS
- Benoît-Karim Chauvin, animateur territorial à la CRESS N-A a éclairé l'échange avec de bonnes pratiques et des éléments de méthode
Grand Poitiers : deux stratégies complémentaires et facilitantes pour les coopérations entre acteurs publics et privés
Le territoire de Grand Poitiers se caractérise historiquement par une vitalité associative et un engagement citoyen notamment autour de l'économie sociale et solidaire.
A partir de 2019, le Grand Poitiers a initié et conduit un Projet Alimentaire Territorial avec les deux Communautés de communes du Haut-Poitou et des Vallées du Clain. Ce projet fédère les 3 intercommunalités pour répondre notamment à deux enjeux majeurs : la répartition des bassins de production agricole et la consommation de l’eau.
Suite à l'arrivée du nouvel exécutif communautaire en 2020, le Grand Poitiers a élaboré une Feuille de route dédiée à l'économie sociale et solidaire. Cette stratégie s'articule autour de axes majeurs:
- la sensibilisation et la formation des acteurs,
- le développement opérationnel des structures de l'ESS et des coopérations
- la création de passerelles entre l’éco conventionnelle et l’ess
L'animation du PAT a permis une acculturation des uns et des autres et d’aborder la question de l’offre de territoire. L'élaboration du PAT a fédéré 180 personnes représentatives de l'écosystème local autour d'une vision commune. Les acteurs publics et privés se réunissent au long cours en groupes de travail thématiques pour coopérer autour d'actions communes.
Dans le cadre du PAT, des appels à projets sont ouverts. Il est proposé aux porteurs de projet une phase d'émergence pendant 1 an et demi et un accompagnement méthodologique pour la mise en place des actions.
Les réalisations issues du PAT sont nombreuses. On peut citer à titre d'exemples:
- l'Atelier des Vallées, un groupement de producteurs qui s'est structuré et qui a créé un atelier de découpe et de transformation.
- la ceinture verte Centre-Vienne permet l'installation de fermes maraîchères sur le territoire maraîcher.
Ces deux projets ont la particularité de prendre la forme juridique d'une Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) au sein desquelles sont rentrées les collectivités locales en achetant des parts sociales.
Les idées fortes de l'ateliers
Des convergences naturelles entre PAT et ESS, propices aux coopérations
L'exemple de Grand Poitiers nous montre combien le terreau est fertile pour concevoir des coopérations entre acteurs publics et privés au sein des démarches alimentaires territoriales et en lien avec l'ESS. Ces deux politiques publiques présentent en effet des philosophes voisines : réponse en proximité aux besoins du territoire, des enjeux transverses de transition écologique, de biodiversité, d'économie non délocalisable, de démocratie, de santé, d'inclusion…
La nécessaire mais difficile coopération entre acteurs publics et privés
Les coopérations entre les sphères publique et privée s'avèrent indispensables pour apporter des réponses adaptées dans un monde complexe. Elles nécessitent du temps pour rapprocher des cultures différentes, lever des incompréhensions de partenaires et prendre en compte des intérêts qui peuvent a priori diverger.
« Sans travailler entre collectivités et acteurs privés, on ne peut plus rien faire aujourd'hui ».
« Il est important de célébrer les réussites en particulier avec les partenaires avec qui il y a des tensions ».
La SCIC, un outil incarnant les coopérations entre sphères publique et privée
Les SCIC ont pour objectif la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présente un caractère d’utilité sociale. Cette forme juridique traduit la forte coopération entre acteurs publics et privés puisqu'elle associe obligatoirement et de manière conjointe : des personnes publiques ou morales (collectivités, bénévoles, partenaires…), des salariés ou producteurs de biens et services et des bénéficiaires (clients, usagers, habitants…). Se pose toutefois les modalités d'une éventuelle sortie du capital d'une collectivité en cas de désaccord sur la vision ou d'alternance politique. Ce dernier point reste à creuser.
Des enjeux à coopérer avec les acteurs de l'économie conventionnelle
Les acteurs de l'ESS souhaitent se tourner vers d'autres opérateurs économiques du "main stream" pour partager leurs valeurs et essaimer leurs pratiques (la grande distribution par exemple). Cette orientation est primordiale pour avoir plus d'impact dans la société. D'autres freins seront à lever pour y parvenir : divergences culturelles, modèles économiques différents…
Les acteurs expriment un manque d'outillage méthodologique pour engager des coopérations avec les acteurs de l'économie conventionnelle.
"La coopération est un risque et pari sur l’avenir au détriment de l’égo"
Quels financements pour l'ingénierie de coopération et les projets ?
L'expérience du PAT de Grand Poitiers montre l'importance de l'ingénierie pour animer l'écosystème local et favoriser les coopérations entre acteurs. Au-delà de l'ingénierie, le financement des projets se pose dans un contexte économique en grande tension.
"En période de crise, la coopération s'avère encore plus indispensable, les difficultés rapprochent les personne"
"La coopération ne se décrète pas, elle se construit au fil du temps"
Pour aller plus loin :
. la Feuille de route ESS du Grand Poitiers
. la SCIC ceinture verte Centre Vienne
. Fiche sur la SCIC produite par le RTES