Cliquez ici pour fermer la fenêtre
Rechercher
Remonter en haut de la page
Geneviève Barat

Parole d'acteur #13 : "Geneviève Barat, au cœur du développement territorial creusois"

Publié le 01/06/2023
Temps de lecture : 11 min
  • Partager
  • Partager sur facebook
  • Partager sur linkedin

Geneviève Barat est conseillère régionale déléguée à la ruralité, aux circuits courts et à la feuille de route alimentation de la Région Nouvelle-Aquitaine. Elle est aussi l'ancienne vice-présidente de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge de la ruralité, de la vie associative, de la citoyenneté et du vivre ensemble. Aujourd'hui elle répond à nos questions et nous présente son parcours.  

1/ Vous êtes conseillère régionale déléguée à la ruralité et au pacte alimentaire, par ailleurs, comment vous présenteriez-vous ?

Je suis née en Afrique du Nord d’un père « pied noir » et d’une mère creusoise.  Au début des années soixante notre famille revient s’installer en France, dans le berceau maternel proche de la Creuse. Les dimanches sont rythmés par les rassemblements à la maison de la petite ferme familiale creusoise que je reprends l’année de mes 24 ans. 

Pour ce qui est de la politique, j’y suis arrivée par réaction, en rentrant au parti socialiste après 2002. C’est l’année où Lionel Jospin perd sa place au second tour avec l’arrivée en force de Jean-Marie Le Pen. Ces élections secouent la France entière…et me donnent le déclic. Pour moi, la politique c’est l’affaire de tous, il était donc temps que je m’en mêle aussi !

Mon sujet c’est l’agriculture. J’entre au bureau de la commission agricole du parti socialiste et participe à l’élaboration d’une politique agricole en vue de l’alternance, la commission travaille à la mise en avant du concept d’agro-écologie. Celle-ci arrive avec le président François Hollande en 2012. Les résultats sont  satisfaisants  dans l’appropriation de l’agro-écologie par le monde agricole et la PAC devient plus redistributrice. Hélas, le non plafonnement des aides à l’hectare, reconduit à ce jour, ne freine pas l’agrandissement des fermes et elle voit largement ses limites aujourd’hui, surtout sur l’activité agricole de la Creuse.

De fil en aiguille, j’en arrive au combat régional, une cause en laquelle j’ai toujours cru et dont j’ai compris l’importance au cours de l’exercice de mes différents mandats agricoles. Je me suis alors présentée en 2015 sur la liste régionale du président Alain Rousset.

Pour terminer sur mon parcours, je suis l’actuelle maire de la commune de Saint-Germain-Beaupré et vice-présidente de la communauté de commune en charge des fonds européens. Pour l'anecdote, j’ai découvert il y a peu, que l’un de mes aïeul était lui-même maire de la commune pendant la guerre de 1914-18.

 

2/ Alors, pourquoi la Creuse ? Quelle est votre histoire, votre relation avec ce territoire ?

Le territoire est très original, il y a beaucoup de secrets, des personnes modestes et souvent en apparence résignées. C’est aussi une terre de résistance. Cela s’explique par son histoire. C’est un département assez pauvre dont une partie de la population a dû partir travailler à la rénovation de Paris sous les travaux d’Haussmann au 19ème siècle pour ramener de la richesse sur le  territoire. La  guerre de 14 comme ailleurs dans cette France rurale a laissé la Creuse orpheline d’une  génération, accélérant le processus de déprise rurale.

Après-guerre, dans les années cinquantes, avec la volonté politique d’aménager la France et de développer l’industrie et avec la création de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR), les territoires ont été incités et soutenus pour développer des activités économiques autres que le secteur agricole. Tout ça été florissant avant l'arrivée de la mondialisation dans les années 80- 90. A alors commencé la délocalisation des entreprises vers des pays à la main d'œuvre moins chère et donc la suppression d’emplois en Creuse laissant des personnes sans emploi, souvent contraintes à partir ailleurs. 

La Creuse est un territoire connu pour sa ruralité, parcellée à l’origine de petites exploitations qui, dans les années soixante, n’ont pas totalement  suivi le modèle agricole de l’époque. Ses haies et zones humides préservées en font aujourd’hui un territoire qui  a une grande valeur environnementale. Je pense que c’est vraiment un territoire d’avenir. Il y a ici de nombreux entrepreneurs qui ont développé des industries innovantes assez uniques. C’est une économie précieuse, préservée par la population. 

 

3/ Vous êtes engagée dans le développement territorial. Qu’est-ce que le développement territorial signifie pour vous ?

Si je vous parle de développement territorial alors je pense à la décentralisation. C’est le moyen qui donne aux territoires les compétences dont ils ont besoin pour agir. Ce développement, il faut donc le penser à différentes échelles. Pour moi, il y a celle de la proximité qui permet à une famille de s’installer en ayant les services nécessaires. Cela implique alors pour les territoires de l’hyper ruralité de travailler sur la sortie de l’isolement en développant les services, pour attirer la jeunesse ou du moins lui donner envie de rester. Puis aux échelles du dessus de s’atteler au développement des activités économiques avec l’installation et la valorisation des industries, de l’artisanat et des services  afin de créer de l’emploi. 

 

4/ L’agriculture est un domaine d’activité qui fait face à des difficultés en France. Racontez-nous vos plus grands défis à ce sujet. 

 

Aujourd’hui l’agriculture est trop souvent en mono production. En Creuse c’est l’élevage bovin qui est dominant. La PAC a encouragé l’agrandissement en ne plafonnant pas les aides. Les producteurs cherchent tous à s’agrandir au détriment de la valeur ajoutée du territoire, de la  diversification et du renouvellement des générations. Et pourtant le modèle de la polyculture élevage est sûrement celui qui apporte le plus de solutions face aux défis à venir.

Mais nécessité fait beaucoup loi ! Autrement dit lorsqu’on se retrouve face au mur deux choix s’offrent à nous : s’arrêter ou choisir un nouveau chemin. M’installer comme agricultrice a été mon choix pour avancer. J’avais débuté une production peu courante sur le territoire, celle de l’élevage caprin.  A cette période, un collecteur a rompu les contrats avec des agriculteurs sur trois départements, les laissant sans débouchés pour leur production. Il y donc tout eu à faire. Ensemble, à 70 producteurs, nous nous sommes regroupés pour monter une coopérative agricole. C’est alors toute une filière qui a vu le jour et a permis de faire survivre l’activité agricole locale. 

 

5 / Au vu de toutes ces expériences que vous avez vécues, quel serait celle dont vous êtes la plus fière ? 

Ma plus grande fierté c’est le travail collectif effectué avec les agriculteurs permettant de surmonter les difficultés.

Mais c’est aussi ma mission assignée à la ruralité avec la Région. J’y ai rencontré des maires ruraux inquiets de devenir invisibles et inaudibles suite à la réforme de la loi NOTRe, qui a créé les  grandes régions et les grandes intercommunalités. L’idée est alors venue de créer le cluster ruralités : des groupes de réflexion et d’actions mobilisant des maires ruraux, des opérateurs du service public, des acteurs de l’habitat et des chercheurs afin de répondre aux inquiétudes du monde rural. C’est une belle initiative qui a été accompagnée d’une série d’appels à projet aboutissant à des réalisations concrètes. 

Un autre bel outil que nous avons construit à la Région, c’est le Pacte Alimentaire. Cette feuille de route est partie d’une volonté de renforcer les filières agricoles en travaillant à la relocalisation de l’alimentation avec les collectivités notamment pour approvisionner les cantines scolaires. Le fait d'avoir positionné l'alimentation comme l'un des trois objectifs de la politique agricole de la région est une victoire mais le chemin reste long.

 

6 / Quel(s) message(s) souhaitez-vous partager à vos pairs ? 

Je suis persuadée que les territoires ruraux sont l’avenir de notre pays car c’est là qu’il y a tout : la possible transition énergétique, l’eau, l’autonomie alimentaire et un refuge de sérénité pour les urbains. La région Nouvelle-Aquitaine est le symbole de la ruralité, elle peut vraiment être pilote sur la question en faisant en sorte que tout le monde travaille ensemble, partage ses analyses et crée un réseau de solutions.  

Découvrez nos derniers articles

Rue de centre ville
Vous souhaitez en savoir plus ?
Contactez-nous
Vous souhaitez contribuer ?
Proposez une ressource