Dans les QPV, quatre habitants sur dix ont moins de 25 ans – contre trois sur dix au niveau national. Cette sur-représentation de la jeunesse a longtemps masqué une autre dynamique : entre 1990 et 2010, le nombre de personnes de plus de 60 ans a pourtant augmenté de 25 %, et celui des plus de 75 ans, de 50 % (Observatoire National de la Politique de la Ville, 2017). En Nouvelle-Aquitaine, plus de 20 % des habitants des QPV ont plus de 60 ans, dont 8 % plus de 75 ans, avec des pics dans certains départements comme la Dordogne (24), la Charente-Maritime (17) ou les Pyrénées-Atlantiques (64). Le profil type du senior en QPV ? Une femme seule, autour de 75 ans, vivant avec de faibles ressources, parfois coupées du numérique et du monde extérieur.
Ces chiffres cachent des réalités souvent difficiles : précarité socio-économique des ménages, isolement social et conditions de logement dégradées qui affectent la santé de leurs occupants. L’enclavement de certains quartiers peut entraver le parcours de soin des personnes et limiter leur accès à des services de proximité. Vieillir en quartier prioritaire, c’est non seulement être plus vulnérable mais c’est aussi faire face à un double stigmate : celui du vieillissement dans un quartier où la jeunesse prédomine et celui d’appartenir à une catégorie sociale modeste, objectivée par son lieu de vie (Conseil National des villes, 2021).
Malgré ces constats, le vieillissement reste un impensé des politiques publiques qui agissent en politique de la ville et les acteurs qui accompagnent le bien-vieillir n’ont pas d’approche particulière appliquée aux quartiers prioritaires malgré les difficultés socio-économiques et spatiales que nous avons citées plus haut. Pourtant, comme l’a rappelé François Apouey (référent de la politique séniors et accessibilité chez Domofrance), beaucoup de ces seniors ne nécessitent pas encore d’adaptation lourde dans leur logement : un signal fort pour agir en amont, dès maintenant.
Comme l'a souligné Raphaël Rogay (responsable du pôle action publique et territoriale au Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine), la politique de la ville cible historiquement les jeunes. Les seniors d’aujourd’hui sont les jeunes d’hier : ils ont vieilli dans des logements construits dans les années 1960-1970, où ils résident souvent encore aujourd’hui, et pour lesquels ils éprouvent un fort attachement.
Quant à la politique de la ville, elle s’inscrit dans le mouvement initié par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Cette loi vise à anticiper les conséquences de ce processus en répondant le plus possible aux besoins des personnes en matière de logement, de transports, de vie sociale et citoyenne. Dans la plupart des cas, les contrats de villes prennent en compte le vieillissement des habitants dans leur diagnostic et dans leurs orientations avec des priorités en faveur de la prévention contre l’isolement, de l’adaptation des logements et du cadre de vie, de la construction d’habitat spécifique. En revanche, en termes de programmation, peu d’actions concernent les personnes âgées : seules 2 % des actions des contrats de ville financées en 2016 concernaient exclusivement les personnes âgées, malgré leur poids démographique croissant.