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Comment mobiliser le droit commun en faveur des quartiers ?

Christophe Rochard , Laurine Brun
Publié le 24/07/2023
Temps de lecture : 5 min
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Selon la loi Lamy (2014), « la politique de la ville mobilise et adapte, en premier lieu, les actions relevant des politiques publiques de droit commun et, lorsque la nature des difficultés le nécessite, met en œuvre les instruments qui lui sont propres ». Huit ans plus tard, l'évaluation des contrats de ville en 2022 a permis de réinterroger les modalités de mobilisation de ce droit commun. Ces politiques sectorielles (santé, développement économique, éducation, urbanisme, mobilité etc.), qui sont sous utilisées dans les quartiers, doivent pourtant s'appliquer sans distinction dans tous les territoires. Cette mobilisation du droit commun reste un enjeu majeur pour améliorer la qualité de vie des habitants et considérer les quartiers comme faisant pleinement partie du territoire.

 

PQN-A a organisé le jeudi 22 juin des web-ateliers intitulés "Concevoir la gouvernance de son contrat de ville". Un des ateliers avait pour objectif d'aborder la mobilisation du droit commun, afin d'identifier les bonnes pratiques, mais aussi les points de blocages rencontrés par les professionnels sur ce sujet. Voici les points à retenir.
 

Expliquer, toujours expliquer ce qu'est la politique de la ville

Il convient dans un premier temps d'expliquer aux partenaires publics/privés et aux collègues en interne d'une organisation ce qu'est la politique de la ville et à quoi elle sert. Cet effort de pédagogie invite les partenaires à s'impliquer et à s'investir dans les quartiers prioritaires.

"L'acteur de droit commun ne voit pas pourquoi il ferait une approche différenciée auprès d'un public spécifique, alors que c'est justement tout l'enjeu ! " explique un participant de l'atelier.

Dans les éléments de discours qu'un professionnel de la politique de la ville  peut apporter à un acteur de droit commun, il est judicieux d'axer son propos autour de deux dimensions :

  • une dimension quantitative : l'intervention du droit commun dans les quartiers prioritaires doit être comparable en volume à celle mobilisée dans l'ensemble du territoire intercommunal. Or, ce n'est aujourd'hui pas le cas : le droit commun investit moins dans les quartiers que sur le reste du territoire en matière d'espaces et d'équipements publics, d'offre de services sociaux, éducatifs, culturels, sportifs…
  • une dimension qualitative : les modalités d'intervention (manière de concevoir les projets, méthode, lien avec les habitants) du droit commun peuvent être différentes dans les QPV que dans le reste du territoire car les problématiques y sont exacerbées. Les habitants y cumulent en effet des fragilités socio-économiques (mobilité, non maîtrise de la langue, faible niveau de revenu, niveau de formation inférieur…). Cette situation implique que les acteurs (de la politique de la ville et du droit commun) conçoivent des réponses adaptées et sur mesure.

Cet enjeu de pédagogie est continu dans le temps au regard du turn-over des professionnels.

Objectiver les enjeux clés et les réalités vécues dans les quartiers

Les partenaires peuvent difficilement connaître de manière objective les situations locales : il s'agit donc de mobiliser de la donnée (quantitative ou qualitative), afin de partager les réalités vécues par les habitants, et décrire les faits avec exactitude. Ces données peuvent être récoltées en interne ou par un prestataire externe. 

Cela permettra à la fois d'intéresser les partenaires, et de les impliquer dans une stratégie globale, basée sur des enjeux forts. Ce travail de diagnostic doit notamment permettre d'évaluer le niveau de non recours aux droits qui est plus élevé dans les QPV que sur le reste du territoire.

Privilégier des modalités d'animation attractives et interactives pour les instances

Afin de pouvoir "capter" les partenaires issus du droit commun, il est important de penser à l'animation des temps de travail organisés avec eux. Souvent, les formats descendants sont privilégiés. Or, l'animation participative ou ludique peut rendre plus attrayants ces moments. De plus, souvent, "c'est difficile que tous les intervenants, chacun dans leurs secteurs, se connaissent et se coordonnent " : de ce fait, il faut également penser à des formats qui permettent l'interconnaissance.

Pour cela, des bonnes pratiques ont été évoquées :;

  • Intégrer systématiquement un retour d'expérience, une parole d'un acteur de terrain, d'une association : cela permet d'ouvrir les discussions et de ré-intéresser les partenaires sur ce qui se fait sur le terrain
  • Changer de lieu à chaque réunion : aller les uns chez les autres, faire des réunions en extérieur...
  • Limiter les supports powerpoint pour privilégier la participation orale, à être plus créatifs...
  • Organiser des espaces d'échanges informels : par exemple, organiser des "cafés partenaires", basés sur des thématiques ou au sujet libre, sous un format convivial, sans cadre prédéfini.

"Penser à des nouveaux formats et modalités d'animation demande du temps et de l'investissement personnel, mais cette animation finit par payer !" explique une participante.

La dynamique de projet, une vertu pour mobiliser le droit commun

Une manière efficace de mobiliser les moyens (financiers, humains et techniques) du droit commun consiste à animer des espaces de dialogue  partenariaux qui questionnent la stratégie territoriale et contribuent à faire émerger des projets. Ce dialogue territorial, idéalement continu dans le temps, traduit la dynamique locale et détermine en partie la qualité des projets qui en découlent.

" Il ne faut pas rester seuls : quand on crée des partenariats, des dynamiques, ça fonctionne mieux !" explique un participant à l'atelier

Le droit commun doit trouver sa place le plus tôt possible dans ce processus au regard des dynamiques et de la pertinence des projets.  "Il faut des objets pour interpeller le droit commun" insiste un participant.  La réponse aux appels à projets est également une manière opportune de mobiliser les institutions et les financements de manière plus ponctuelle (Fonds vert, stratégie pauvreté…) et de faire en sorte que les dispositifs nationaux et régionaux profitent aux quartiers.

La politique de la ville, un laboratoire qui alimente les politiques de droit commun

La politique de la ville implique de mettre en place des actions innovantes pour répondre aux problèmes spécifiques  rencontrés par les habitants des quartiers. Ces réponses, si elles sont couronnées de succès, peuvent se diffuser, dans un second temps, dans d'autres territoires et vers d'autres publics pour nourrir une politique publique de droit commun. Dans ce cas, la politique de ville peut être un laboratoire qui enrichit et structure les politiques publiques dans leur ensemble.

A titre d'exemple, une réflexion sur le vieillissement et la dimension intergénérationnelle est en cours en 2023 dans les quartiers prioritaires de Niort. Elle est envisagée  par la collectivité et avec les partenaires comme un préalable pour structurer une politique de droit commun (aujourd'hui absente) sur le vieillissement. Côté jeunesse, les dispositifs "vacances apprenantes" ou "quartiers d'été", initialement dédiés aux quartiers prioritaires, se sont développés dans un second temps à l'échelle d'un territoire communal ou intercommunal dans son ensemble (ex : Pessac).

Contactez-nous !

Laurence Liégeois, chargée de mission Politique de la ville

E-mail : laurence.liegeois@pqn-a.fr

Tél : 07 56 36 28 14

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