Des alliances éducatives au service de la réussite dans les QPV

À partir des années 1980, un mouvement de territorialisation des politiques éducatives s’engage. Il prend racine à la fois dans le processus de décentralisation et dans la création de la politique d’éducation prioritaire. À la même période, la notion de « communauté éducative » s'impose progressivement, notamment dans les textes législatifs, comme l’ensemble des acteurs contribuant à l’éducation de l’enfant.

Ces évolutions marquent un tournant et impulsent un processus d’ouverture de l’école aux différents acteurs éducatifs, aux parents et plus largement aux dynamiques territoriales. Cette ouverture s’accompagne d’une réflexion sur la « coéducation ». 

De plus en plus d’acteurs, à l’échelle locale, sont ainsi impliqués dans les enjeux éducatifs, menant à ce que Choukri Ben Ayed appelle un « nouvel ordre éducatif local »². 

Face à la persistance des inégalités en matière d’éducation et aux nombreux défis -décrochage scolaire, harcèlement, violences scolaires etc.- le discours institutionnel incite au partenariat, à des coopérations renforcées dans et autour de l’école et, plus récemment, aux alliances éducatives.

Le laboratoire sur l’accrochage scolaire et les alliances éducatives propose une lecture des alliances éducatives³. Celles-ci se déploient dans un collectif au sein duquel les acteurs : 

• construisent entre eux des relations de confiance et de réciprocité,
• poursuivent une ambition commune,
• se reconnaissent mutuellement comme des acteurs de la coéducation. 

Les alliances éducatives s’appréhendent à trois niveaux : 

• micro (relations directes autour de l’apprenant),
• méso (relations interprofessionnelles, relations école-famille),
• macro (relations interinstitutionnelles) 

Si la coopération a des échos dans les politiques de l’Éducation nationale, à l’instar de la réforme des rythmes scolaires en 2013, les alliances éducatives trouvent un terrain d’expérimentation privilégié dans les quartiers prioritaires, où la politique de la ville invite à la transversalité et au partenariat. 

• Ainsi, c’est au sein des quartiers politiques de la ville que sont créés les Programmes de Réussite Educative (PRE), par la loi du 18 janvier 2005. Le PRE s’adresse aux enfants et jeunes de 2 à 16 ans présentant des signes de fragilité et consiste en une prise en charge individuelle, mais surtout globale des besoins des enfants. 
• Mises en place à partir de 2019, les Cités éducatives renforcent encore cette idée de coopération. Dispositif interministériel, il porte, en effet, l’ambition de « construire une grande alliance éducative » des acteurs des QPV : parents, établissements scolaires, services de l'État et des collectivités, associations, habitants, entreprises… Elles se structurent autour d’une gouvernance également partenariale, la « troïka » (Ville, Éducation nationale, Préfecture). 

Au sein de ces dispositifs, les alliances se construisent à différentes échelles, à la fois au plus près de l’enfant et entre les institutions. Il s’y développe des actions inédites pour développer une culture commune et favoriser les échanges, la compréhension et le travail en commun, dans l’intérêt de l’enfant. 

Les alliances éducatives se construisent entre acteurs de la communauté éducative et notamment avec les parents. Elles prennent également tout leur sens autour d’enjeux spécifiques, comme la persévérance ou la lutte contre le décrochage scolaire, mais aussi pour faciliter les transitions et la continuité des parcours. 

Ces nouveaux « modes de faire » transforment les pratiques professionnelles des acteurs éducatifs, reconfigurent les contenus et changent la manière dont se vivent les temps et les lieux de l’action éducative. Ils produisent également des effets sur les territoires et auprès des premiers concernés : les enfants.  

C’est tout l’enjeu de l’étude « Les pratiques d’alliances éducatives dans le contexte des Cités éducatives : un enjeu de transformations ? » menée conjointement par le Réseau National des Centres de Ressources Politique de la Ville (RNCRPV) et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT). 

Cette enquête qualitative et quantitative explore la fonction de Chef de Projet Opérationnel (CPO), analyse les alliances éducatives au sein des Cités éducatives et mesure les transformations initiées sur les territoires. 

Ses principaux enseignements seront présentés le 23 janvier 2026 à Bordeaux par Marie-Pascale Guyon (enseignante et experte en intervention sociale et questions éducatives en quartier politique de la ville) et débattus lors d’une table ronde. 

La journée régionale sera également l’occasion d’échanger entre acteurs, de réfléchir à de nouveaux leviers pour faire alliance autour des enfants et des jeunes et de découvrir des projets locaux inspirants, dont voici quelques exemples :

• Le Forum annuel de l’orientation organisé conjointement par trois cités éducatives de Gironde ;
• Le projet “élèves ambassadeurs” de la Cité éducative de Pau pour favoriser la passerelle entre école élementaire et collège et prévenir le décrochage scolaire ;
• Le retour d'expérience de la Cité éducative de Chatellerault concernant la construction d'une culture partagée à l'échelle du territoire grâce aux formations interprofessionnelles ; 
• Une expérimentation pour renforcer les compétences psychosociales des parents (sous réserve). 

1.  Jean-Pierre Pourtois, Huguette Desmet, Vanessa Della Piana, Marcelle Houx et Bruno Humbeeck, « Vers l’émergence et le développement de Cités de l’Éducation », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 62 | avril 2013, mis en ligne le 01 avril 2015. URL : http://journals.openedition.org/ries/3130   

2. Ben Ayed, C. (2009). Le nouvel ordre éducatif local : mixité, disparités, luttes locales. Presses universitaires de France

3. Lasalé, « De l’accrochage aux alliances éducatives », Site internet Lasalé, disponible en ligne, URL : https://lasale.hepl.ch/de-laccrochage-aux-alliances-educatives/