La Bêta-Pi : une association ancrée dans son territoire rural et à la pédagogie ciblée

Problématique initiale

Si l’association La Bêta-Pi  a été créée en 1997 et a agit sur le champ de la vulgarisation des sciences et techniques, c’est en 2010 que le numérique devient un sujet  à part entière. 

L’association observe l’emprise émergente d’internet, la captation de la connaissance,  la dépendance à des logiques commerciales et matérielles. Ces constats révèlent alors un enjeu d'éducation populaire et soulignent la nécessité de reprendre le pouvoir pour chaque citoyen. 

L’association se donne alors comme objectif d’accompagner les habitants de son territoire très rural aux usages numériques afin de ne pas les subir, d’en maîtriser les principes de fonctionnement, d’explorer et comprendre leurs potentialités.   

Solutions apportées

Le travail pédagogique et l’animation de l’association La Bêta-Pi repose sur une équipe de trois personnes : une animatrice, un conseiller numérique et le directeur.

Les jeunes et les personnes les plus éloignées de l’emploi ont été les publics choisis pour déployer les premières  actions ciblées et concevoir une méthodologie adaptée.

Un fablab pour les  jeunes 

L'association La Bêta-Pi concentre d’abord ses actions sur les publics jeunes en rejoignant le Collectif EducPopNum qui intervient à l'échelle du Poitou Charentes sur les pratiques numériques des jeunes.

Les actions visent à la découverte et l’accompagnement des jeunes dans les nouvelles relations sociales et les nouvelles opportunités offertes par le numérique (ex : apprentissage du japonais à travers la lecture et la création de mangas en ligne, animation de fablab…).

Une pédagogie inspirée par les personnes en insertion

Afin de toucher les publics les plus éloignés de l’emploi, un partenariat est noué avec une association intermédiaire d’insertion. Ce projet permet de constater le manque de réflexion pédagogique autour et avec le numérique dans le contexte complexe des parcours d’insertion. Un travail de conception-action permet d’identifier différentes stratégies pédagogiques. Un programme d’ateliers adapté aux publics grands débutants est conçu et testé (cf. infra Enseignements).

Cette première expérience fait le pari d’une médiation numérique basée sur la valorisation du travail fait. Une découverte des métiers du numérique par le faire est proposée aux personnes en insertion. 

Les trois ateliers se déroulent dans le FabLab par petits groupes de six. Les  principes annoncés sont simples : obligation d’être présent mais droit de ne pas faire. Deux objectifs sont fixés :  faire une découpe de flocage pour un t-shirt avec leur nom et logo de l’association intermédiaire et faire un objet de leur choix avec une commande numérique.

L’aller-vers en milieu rural

En 2021 et 2022 l’association La Bêta-Pi a lancé des actions nouvelles d’aller vers. Le but était de tester le déploiement de permanences et d’ateliers sur les cinq autres chefs lieux de canton de la Communauté de communes du Pays Mellois. Fidèle à son mode de faire, l’équipe a réalisé une exploration pédagogique pour coller aux problématiques spécifiques de l’aller vers. Il s’agissait aussi d’avoir une approche équitable entre les territoires. Le programme a été soutenu et relayé par quatre volontaires en service civique. 

Les territoires ciblés offraient des bassins de population moins dense que sur Melle et une offre de services de médiation numérique réduite. La mobilisation a été satisfaisante. L’intervention à domicile s’est révélée nécessaire pour répondre à des problèmes fréquents de connexion ou d’intervention sur des ordinateurs fixes. Cette expérimentation a permis de consacrer le temps nécessaire à l’installation d’une offre nouvelle et créer une relation de confiance ayant pu aboutir à faire venir des habitants sur des temps d’ateliers collectifs.

Premiers résultats

Les expériences menées tant avec les jeunes qu’avec les personnes en insertion ont toutes été jugées positivement. 

La pédagogie imaginée et proposée permet de gommer les principaux freins et le rejet face au numérique.

Pour les participants les plus apparents, ces premières acquisitions de compétences ont suscitées un souhait d’approfondissement.

La collaboration avec l’association intermédiaire s’est arrêtée après les deux années d'expérimentation (2017 / 2018), faute de financement.

Facteurs de réussite

• Partir de la personne accompagnée, de ses freins, de ses centres d’ intérêts,
• Donner du sens, du ludique aux activités proposées, 
• Montrer les bénéfices des pratiques numériques.

Enseignements

Si c’était à refaire…  

Refaire la même chose en ce qui concerne les prises de contact directes, nombreuses et variées avec les habitants et les acteurs locaux.

Faire différemment en prévoyant davantage de prolongements suite à nos temps d’animations afin de proposer des étapes complémentaires pour les personnes  les plus motivées.

A améliorer…

La posture des acteurs de terrain pour tendre vers une « dépossession des publics » et la construction en complémentarité de parcours inter-structures.

A garder…

Accepter le temps long pour construire une relation de confiance et ainsi toucher les publics en donnant des repères à travers des rendez-vous réguliers dans les lieux et pérennes dans le temps.

A stimuler…

Les propositions de services de médiations numériques appellent les propositions de services de médiations numériques (comme la culture appelle la culture).

Perspectives

Projet : Refaire une collaboration avec une association d’insertion sur des temps de médiation de numérique intégrés dans les parcours des personnes accompagnées. Cela nécessite de dédier du temps au sein de l’association mais aussi de la part du partenaire. Il convient aussi d’être vigilant quant aux incertitudes financières qui peuvent entourer un tel projet. 

Enjeu : Comme beaucoup d'associations, la mobilisation des bénévoles et des financements est un défi permanent pour inscrire dans le temps les actions engagées.

Collectif : Travailler la gouvernance partagée des actions à travers l’animation d’un collectif d’acteurs où un membre du Collectif deviendrait chef de file pour une durée déterminée. L’objectif est d’élargir les acteurs pour une plus large couverture du territoire et structurer l’offre de médiation pour une meilleure complémentarité des services proposés.

Mode de faire : La lutte contre la pauvreté à laquelle la médiation numérique contribue, doit passer par le déploiement territorial d’actions coordonnées d’aller-vers, jusqu’au domicile si nécessaire. 

Périmètre d’action de l’expérience et rayonnement

Communauté de communes Mellois en Poitou.

Calendrier 

1997 : création de l’association et développement d’actions de vulgarisation scientifique.

2010 : premières actions de médiation numérique.

2017 / 2018 : expérimentation d’actions de médiation numérique avec des publics en insertion.

2021 / 2022 : expérimentation d’actions d’aller-vers en milieu rural.

Partenaires principaux

Communauté de communes Pays Mellois, cheffe de file des France Services (collaboration)

France Travail (collaborations et cofinancement via le programme “Tiers lieux Nouvelle-Aquitaine”)

Le collectif EducPopNum qui regroupe notamment CAF, MSA, Centre socio-culturel de Melle, une association de lutte contre l'illettrisme, une épicerie sociale, un club informatique local… Deux fois par an, sont organisés des temps de partages d’expériences et programmées des actions communes. Une charte commune sur l’action à domicile a été établie.

Budget

2021 / 2022 : 100 000 euros sur deux ans.

Contact 

Kim Delagarde*

Directeur de l’association La BétaPi 

kim.delagarde@labetapi.fr 

http://labetapi.fr/  

*Également élu référent numérique au Conseil départemental des Deux-Sèvres et président du syndicat mixte Deux-Sèvres Numérique.