Cliquez ici pour fermer la fenêtre
Rechercher
Remonter en haut de la page
Photo principale Articles, Événements, Expériences etc.

Parole d'acteur #15 : Vincent Péchaud, co-fondateur de La Smalah (40)

Laurine Brun
Publié le 31/08/2023
Temps de lecture : 10 min
  • Partager
  • Partager sur facebook
  • Partager sur linkedin

Vincent Péchaud est co-fondateur de La Smalah, une association de développement local, située à Saint- Julien-en-Born dans les Landes (40). Il nous explique son parcours, et comment le projet qu'il a co-créé il y a 8 ans participe au développement du territoire.

Tout d'abord, Vincent, pouvez-vous vous présenter ?

 

Je m'appelle Vincent Péchaud et je suis co-fondateur de l'association La Smalah. J'y assure des fonctions de direction et de développement de projets. Mais je me définirais comme un entrepreneur social et culturel : j'aime identifier des besoins sur un territoire donné, et essayer d'y répondre. Et j'aime particulièrement monter des projets en collectif.

Quel est votre parcours, jusqu'à aujourd'hui ?

 

Je suis né à Agen, dans le Lot et Garonne. Je suis parti à Bordeaux à 18 ans à la faculté de lettres modernes. J'ai ensuite fait un IUT de communication des organisations, puis une licence. Et enfin je suis parti à Paris, pour suivre un master de communication et média, à la Sorbonne.

Au cours de mon parcours, j'ai rencontré Guillaume Riffaud, avec qui nous nous sommes très vite intéressés aux lieux alternatifs (fab lab, co-working...). Ce sont des lieux qui essayaient de faire un pas de côté sur la société, des lieux avant-gardistes pour penser les transitions (sociales, écologiques, numériques, etc).  Guillaume a déménagé à Saint-Julien-en-Born en ayant cette envie de créer ce type de "tiers lieu", hybride, dans lequel il y aurait un café associatif, une salle de spectacle, un atelier de fabrication, et un espace de coworking. Je l'ai rejoins, avec mon côté éducation aux médias et communication. Puis ma femme, Deniz Orçun, s'est joint au projet, avec son profil design de service. Nous sommes tous les trois les co-fondateurs de La Smalah.

Quelle est l'histoire de La Smalah?

 

Tout a commencé en 2011. A l'époque, Saint Julien en Born, c'était 1 500 habitants, avec une activité saisonnière très forte mais une baisse d'attractivité le reste de l'année. Partant de ce constat, un collectif de trentenaires s'est formé, avec l'idée de créer une sorte de "boîte à outils" du développement local, pour tester des projets locaux. Ça a commencé avec des cours de musique, de yoga, de capoeira, etc. Aujourd'hui, ces activités sont toujours présentes à Saint Julien en Born. 

En 2015, dans la continuité de ce collectif, on a fondé la Smalah. Aujourd'hui, nous avons constitué deux pôles : la formation et la culture. Ces deux pôles sont développés à travers 3 lieux que l'on a créés : 

  • un café associatif, situé en centre-bourg, pensé comme un espace de vie sociale et culturelle ;
  • un hangar, qui accueille nos formations, notamment une formation au numérique ;
  • un atelier de fabrication, dédié aux artisans et aux maraîchers.

Comment définiriez-vous La Smalah ?

 

Je définirais La Smalah comme une structure qui est toujours en mouvement, qui s'est beaucoup cherchée, et qui est doucement en train de se stabiliser. J'ai l'impression que c'est comme si on arrivait à la fin de l'adolescence : on comprend un peu mieux les habits que l'on a envie de mettre, les gens avec qui on a envie de rester, les voies qu'on a envie d'emprunter. J'aime bien cette métaphore pour décrire notre état d'esprit actuellement.

Pourquoi La Smalah s'appelle La Smalah ?

 

Chacun y voit sa propre signification : pour certains, ce nom leur évoquera la guerre d'Algérie, pour d'autres le côté festif, pour d'autres encore le côté communautaire. Ce nom, il avait été choisi d'abord presque comme une blague , avec l'idée de "jeunes qui veulent bousculer les choses", presque comme une provocation. Alors qu'en fait, "La Smalah", c'est une caravane dans le désert du Sahara, c'est un ensemble de tentes qui ont toutes des fonctions complémentaires et un rôle essentiel dans la traversée du désert. C'est la définition qui me convient le mieux finalement. Je la trouve assez belle et représentative de ce qu'on veut faire.

Qu'est ce qui vous plaît particulièrement dans votre métier ?

 

Tout d'abord, je dirais le collectif. J'aime travailler avec les gens avec qui je travaille. C'est un réel plaisir d'aller au travail et de retrouver des gens que j'estime. On a monté ce projet entre amis : même si ce n'est pas toujours facile de mélanger vie amicale et vie professionnelle, on a appris à travailler comme ça et ça me plait beaucoup.

Ce qui me plait aussi, c'est que je ne fais jamais la même chose. Je travaille à La Smalah depuis 2015, et les projets ont toujours été différents, de même que les gens qui sont passés par La Smalah, etc. J'aime cette multiplicité des tâches et des rôles.

Et enfin, ce qui me plaît, c'est de travailler sur ce territoire. Il offre des opportunités très intéressantes aux interstices des secteurs du tourisme et de la sylviculutre. Ces deux activités ont façonné le paysage et les mentalités d’ici mais sont en train de se transformer sous l’impact du réchauffement climatique et des différentes crises que nous traversons. Le profil des habitants installés à l’année évolue petit à petit, ils sont de plus en plus nombreux et donc à la recherche de services et de propositions sociales, professionnelles et culturelles toute l’année, et plus seulement sur la saison d’été. 

Tout en conservant ses spécificités (nature, patrimoine, authenticité et simplicité), il y a plein de propositions à faire et de projets à imaginer pour continuer à faire de ce territoire un endroit accueillant pour les jeunes et les familles.  


 

Développer un tiers lieu au cœur d'un village en milieu rural, c'est aussi se confronter aux réactions et aux apriori des habitants et des acteurs locaux. Cela a été le cas à la création de La Smalah ?

 

Effectivement, cela n'a pas été évident de faire prendre la greffe d'un projet comme La Smalah : le territoire peut être parfois très hostile. On nous a par exemple reproché que La Smalah a été créée par des gens qui ne sont pas du territoire. Moi, j'ai grandi à la campagne, en Lot-et-Garonne, et j'ai l'impression que la campagne lot-et-garonnaise n'est pas si éloignée de la campagne de Saint Julien en Born. Mais puisqu'on venait d'ailleurs, on a toujours été vus comme des étrangers.

Il y a aussi le fait que La Smalah, c'était un projet ambitieux, qui plus est un projet d'entrepreneurs privés, qui se mélangeait à un projet collectif d'association d'intérêt général : il y a toujours eu une incompréhension. Ça n'a pas toujours été évident à expliquer et à faire comprendre. Par exemple, on nous a toujours dit qu'on était forts dans la communication, mais ce qui sous-entendait : "qu'est ce que vous faites réellement", comme si nous ne faisions rien de concret.

Aujourd'hui, il y a toujours des a priori mais désormais on a de quoi prouver notre légitimité. Avant, quand on expliquait le projet, on n'avait rien. Aujourd'hui, on a tout : tout ce qu'on a dit qu'on ferait, on l'a fait.

 

Avec du recul aujourd'hui, est-ce que vous pensez contribuer au développement du territoire ?

 

Dans tous les projets que nous montons, nous cherchons à avoir un impact concret et utile pour le territoire. Par exemple, le café a été ouvert à une époque où il n’y avait pas de café ouvert à l’année à Saint-Julien en Born. Aujourd’hui, notre café joue un rôle qui s’apparenterait presque à celui d'un centre social. Côté formations, les Tiny-houses que nous fabriquons sont cédées à la commune de Saint-Julien-Born pour loger des saisonniers l’été, et le matériel informatique issu des formations au numérique est remis en vente au Bric-à-brac du Grenier de Mézos. Ces partenariats avec des structures d'intérêt général comptent beaucoup pour nous. Ils permettent aux jeunes que nous formons d’acquérir un titre professionnel reconnu par l'État tout en participant très concrètement au développement du territoire. 

Ce qui est important aussi dans le développement territorial selon moi, c'est de donner du sens à l’engagement, de proposer une direction et une histoire qui s’écrit collectivement. Par exemple, nous avons une attention particulière pour les jeunes adultes, à qui nous proposons notamment des séjours de remobilisation et d’accompagnement socio-professionnel. Ce sont des séjours durant lesquels ils peuvent participer concrètement à la vie de l’association, tester des métiers, travailler leur projet professionnel, mais aussi faire un pas de côté en découvrant la sociologie, la philosophie ou encore la politique. On travaille avec eux à la fois la technique (apprendre un geste utile et concret) et la critique (apprendre à réfléchir avant d’agir). La finalité étant toujours la même pour nous : accompagner des personnes à être mieux dans leurs baskets. Et qui sait, peut-être qu’elles participeront à leur tour au développement de leur territoire?

Dans votre parcours, quel est l’échec ou le regret dont vous avez tiré le plus d’enseignements ?

 

Quand on apprend à être directeur d'une structure de 9 salariés, dans laquelle il y a pleins de profils différents, il faut savoir faire de la gestion de ressources humaines, du management... Mais moi je n'ai pas été formé à ça ! Je fais avec ce que je ressens, ce que je peux lire, avec ma sensibilité. Ça génère des choses puissantes et fortes, mais aussi des frustrations et des sortes d'échecs. Tout au long de la vie de La Smalah, comme je suis autodidacte dans le montage de projets de ce type, j'ai forcément eu plein d'échecs : en termes de communication, de rapport avec les gens, de montage de dossiers... Mais de tous ces échecs là, au quotidien, j'ai appris. Ce n'étaient pas des échecs assez forts pour mettre en péril l'association, mais c'était pleins de petites erreurs qui m'ont permis de me remettre en question. Et finalement c'est grâce à ça que je suis devenu le professionnel que je suis aujourd'hui.

A l'inverse, de quoi êtes-vous particulièrement fier ?

 

Je suis fier de voir que La Smalah a permis à des gens qui sont passés par là de "faire des petits". Ça me rend fier de voir que les gens que l'on forme ou qui travaillent à La Smalah repartent avec quelque chose qu'ils vont développer ailleurs. Il sont ambassadeurs de l'esprit que l'on peut porter avec l'association. En fait, La Smalah, c'est un peu une sorte d'incubateur qui inspire. Ça fait un peu prétentieux, mais c'est souvent ce qu'on nous dit. Et c'est peut-être une des choses que les tiers-lieux doivent défendre : cette capacité à générer de l'inspiration, de l'espoir par la réalisation de projets collectifs

Ce dont je suis fier aussi, c'est de faire quelque chose qui a du sens. Quand je vois l'actualité, les défis auxquels on doit se préparer (écologiques, sociétaux, géopolitiques), je trouve ça rassurant d'être dans un collectif qui pense et travaille pour l'intérêt général et les transitions.

Est-ce que vous auriez une " ressource" qui vous inspire particulièrement et que vous aimeriez nous partager ?

 

Je dirais la littérature et la musique. Je m'inspire beaucoup de la vie de grands artistes et auteurs. Je me ressource quand j'ai la chance d'aller dans un musée, dans des galeries d'art, quand je lis un roman, quand j'écoute un album, ou une émission sur un artiste.

Ce qui m'inspire aussi beaucoup, c'est la Turquie, et particulièrement Istanbul. Avec ma femme, qui est d'origine turque, on y va quasiment tous les ans avec nos enfants. On y refait le plein de vie urbaine, de mixité sociale, de diversité ethnique. Cela me fait un bien incroyable, et me donne énormément d'énergie.

Pour finir, quelle est votre relation à PQN-A ?

 

Nous avons été très heureux d’accueillir toute l’équipe de PQN-A pour leur séminaire de mi-année. C’était très inspirant de partager nos problématiques communes sur le développement local. Nous sommes deux structures très différentes dans la taille, l’organisation et les missions, mais nous avons pu constater de nombreuses préoccupations communes avec l’équipe, notamment dans le travail auprès des élus. La coopération et le dialogue entre la société civile, les élus, et les institutions est un enjeu majeur dans le développement des territoires. PQN-A, La Smalah même combat !

En lien avec

Découvrez nos derniers articles

Rue de centre ville
Vous souhaitez en savoir plus ?
Contactez-nous
Vous souhaitez contribuer ?
Proposez une ressource