Dans le Pays Foyen (33), un tiers-lieu nourricier au service des mangeurs et des producteurs
Animée par l’association les Râteleurs, la Maison des services à l’alimentation durable permet aux habitants de s’interroger sur leur alimentation tout en cuisinant et jardinant. Un atelier chantier d’insertion en maraîchage va bientôt voir le jour.
Structure porteuse
Association Les Râteleurs
Périmètre d’action de l’expérience et rayonnement
Sainte-Foy-la-Grande, le Pays Foyen et les territoires limitrophes
Budget
333 447 € (prévisionnel 2023)
Problème / Besoin initial
Diagnostic en porte-à-porte
Après avoir accompagné la création un peu partout en France de jardins partagés, de fermes urbaines et de micro-fermes avec leur coopérative SaluTerre, Eric Prédine et Franck David ont voulu porter une démarche similaire là où ils vivent, à Sainte-Foy-la-Grande, en Gironde. Alors, ils ont ainsi créé l’association Les Râteleurs, anagramme de SaluTerre, dans une commune classée politique de la Ville depuis 2015, où 46 % de la population est touchée par la pauvreté et où le taux de chômage atteint 35,5 %.
Grâce à un diagnostic mené en 2017, les habitants des trois-quarts des logements de Sainte-Foy-la-Grande ont été interrogés sur leurs pratiques, leurs besoins et leurs envies en matière d’alimentation. De cette enquête en porte-à-porte, il en est ressorti trois besoins qui structurent aujourd’hui la Maison des services de l’alimentation durable (MSAD) : accéder à des espaces adaptés pour cuisiner car les logements sont trop petits et pas assez équipés, apprendre à cuisiner, et accéder à une alimentation à la fois saine et peu chère.
Solutions apportées
Des activités pour tous les goûts
Cuisine au collège
Contrairement à ce que son nom pourrait le laisser croire, la MSAD ne se résume pas à un seul espace. Les actions de ce tiers-lieu (ateliers cuisine, ciné-débats, conférences, groupement d’achats, sorties glanage…) sont menées un peu partout dans le Pays Foyen. À commencer par la cuisine du collège Elie-Faure, à Port-Sainte-Foy, où les Râteleurs ont obtenu du gestionnaire, le Département de la Dordogne, que les habitants puissent utiliser la cuisine en-dehors des heures d’ouverture. Équipées à un niveau quasi-professionnel, les cuisines des établissements publics sont sous-utilisées le soir, pendant les vacances et les jours fériés.
Cuisine de rue
L’opération Cuisine de rue, organisée au pied des logements sociaux, a quant à elle permis de mobiliser un plus grand nombre d’habitants autour de la construction du projet. Cette initiative leur a notamment donner la possibilité d’exprimer leurs besoins en matière d’alimentation, mais aussi de faire des propositions d’activités. Huit commissions se sont ainsi créées, donnant naissance à un programme d’actions. Celles-ci ont alors fait émerger l’idée d’un “lieu vitrine qui serait fixe, bien identifié dans le territoire, où l’on pourrait se retrouver et inscrire nos actions”, retrace Amélie Teycheney, coordinatrice des Râteleurs. Ouvert depuis 2020, ce lieu dispose d’espaces de réunion, d’une cuisine et d’un jardin. Toutefois, cela n’empêche pas au Tiers-lieu de continuer à être dans une démarche “d’aller-vers”.
Maraîchage en insertion
Dans la foulée du confinement, les Râteleurs, accompagnés par le cabinet Ellyx à travers un dispositif local d’accompagnement, ont décidé de développer le projet en créant un atelier chantier d’insertion (ACI) en maraîchage. Prévue pour démarrer en 2023, cette activité sera implantée sur un terrain de quatre hectares mis à disposition par un bénévole et la mairie de Saint-Avit-Saint-Nazaire dont le jardin partagé est déjà animé par l’association. Les fruits et légumes seront produits en bio et selon les principes de l’agroécologie. Outre l’insertion professionnelle de personnes éloignées de l’emploi, cet ACI va créer une production vivrière dans un territoire dominé par l’activité viticole. Les aliments produits seront vendus sous forme de paniers à des tarifs aidés, sous condition de ressources, et à des tarifs accessibles à tous.
Premiers résultats
L’alimentation est devenue un sujet
Amélie Teycheney constate une “conscientisation” des enjeux qui entourent l’alimentation chez les personnes participant aux activités de l’association. En effet, “Ils ont construit de la connaissance et des savoir-faire dans les pratiques alimentaires”, observe-t-elle.
Montée en compétence et chaînes de solidarité
De participantes, certaines habitantes ont souhaité devenir animatrices d’ateliers cuisine. Ainsi, elles ont ainsi été formées pour à leur tour transmettre leurs savoirs et leur savoir-faire. Dans le même ordre d’idée, des habitants bénéficiaires des actions des Râteleurs se sont mis à “donner en retour” et à aider d’autres bénéficiaires.
Un réseau dense de partenaires
Plusieurs acteurs de l’économie sociale et solidaire et du médico-social compose majoritairement ce réseau.
Calendrier
2017
Diagnostic auprès des habitants de Sainte-Foy-la-Grande
2020
Installation dans un lieu fixe dans le centre-ville de Sainte-Foy-la-Grande
2023
Lancement de l’atelier chantier d’insertion en maraîchage
Facteurs de réussite
Faire avec les habitants
Les habitants du territoire ont participer à la construction du programme d’actions de la MSAD. Ce programme leur permet de s’approprier le projet. Une dizaine de bénévoles, principalement des femmes, forment aujourd’hui le noyau dur de l’association.
Anticiper
Les Râteleurs se sont emparés dès 2015 des questions de précarité et de démocratie alimentaires dans un territoire rural pauvre. De plus, à travers leur ACI en maraîchage, ils s’apprêtent aujourd’hui à prendre à bras le corps les enjeux qui entourent le changement climatique, l’appauvrissement des sols et la gestion de l’eau.
Coopérer
L’association s’efforce de coopérer avec tous les acteurs impactant de près ou de loin leurs actions (privés, publics, et à toutes les échelles).
Enseignements
- Trouver du bâti et du foncier agricole
- Les associations et les collectivités locales n’ont pas la même temporalité
- Les associations font face à des problèmes de trésorerie récurrents. Les délais pour percevoir les aides européennes les mettent dans des situations parfois très critiques.
- Il faut faire en sorte que l’association puisse embaucher. Amélie Teycheney est la seule salariée des Râteleurs mais elle peut s’appuyer sur un conseil d’administation pro-actif et un comité opérationnel qui se réunit toutes les trois semaines.
- Il n’est pas évident de repérer et de mobiliser la capacité d’agir des personnes “invisibles”, celles qui ne sont orientées ni par la Maison du département des solidarités (MDS) ni par le centre communal d’action sociale (CCAS).
Perspectives
Ecopôle alimentaire
D’ici 2026, les Râteleurs espèrent pouvoir employer 18 personnes en insertion. Cette même année, ils envisagent de développer une activité de transformation de fruits et légumes. L’association a pour modèle l’Ecopôle alimentaire de Loos-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais. Porté par l’association Les Anges Gardins, membre du Réseau Cocagne, cet “archipel nourricier” accueille de nombreuses initiatives autour de l’alimentation (micro-ferme en insertion, vergers, ateliers, vente, chantiers coopératifs…).
Pôle ESS
Les Râteleurs et leurs partenaires de Sainte-Foy-la-Grande ont le projet de créer un pôle d’économie sociale et solidaire.
“Le projet de maraîchage en insertion est un projet global. C’est un lieu de production en centre-ville auquel nous souhaitons greffer des animations pour créer des espaces de bien vivre alimentaire entre habitants et les personnes en insertion.”
Partenaires principaux
Techniques : les Restos du coeur, la permanence d’accès aux soins de santé (PASS) du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande, l’école Paul-Bert, l’école de musique Atelier 104, Coeur de Bastide, le centre socio-culturel, la Croix-Rouge, Cycles et partage (tous à Sainte-Foy-la-Grande), les membres du collectif Acclimat’action.
Financiers : la Fondation de France (AAP Vendanges d’idées), la Fondation Carasso, le Conseil départemental de Gironde (AAP Initiative locales de développement social), l’Agence régionale de santé, la Région Nouvelle-Aquitaine, l’Etat via le Fonds de développement de la vie associative, la Politique de la Ville.