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Poire pourrie

Justice alimentaire, de quoi parle-t-on ?

© Crédit Photo Lelabo
Maïwen Hoden , Equipe PQN-A
Publié le 28/09/2020
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Ce 15 septembre 2020, avec le Réseau National des Projets Alimentaires Territoriaux (RN PAT), nous avons parlé de justice alimentaire et de ses enjeux. Entre une aide alimentaire qui ne suffit pas et des consommateurs désinformés et noyés de publicité, les réponses locales se trouvent dans la diversité des actions.

Le PAT Lab, un format du RN PAT pour approfondir des sujets émergents dans les territoires

 

Le format “PAT Lab” du RN PAT aborde des thèmes émergents de la territorialisation de l’alimentation. Ces journées sont dédiées à des discussions et à de la prospective sur un sujet précis qui fait l’actualité des PAT en France. Retrouvez le programme de la journée en téléchargement.

 

Terres en ville, association nationale, appuie les territoires dans leur politique agricole et alimentaire. Elle anime le RN PAT depuis 2015 dans le cadre du Réseau rural national. Son équipe appuie le développement des PAT à l’échelle nationale grâce à la mise en réseau, la publication de travaux universitaires et à production de connaissances issues du terrain. Terres en ville travaille également à la cohérence des politiques alimentaires.

 

La séance était co-animée par :

- Paul Mazerand pour Terres en ville et le RN PAT

- Dominique Picard, présidente du groupe de travail “Agriculture et Alimentation Durables” du Labo de l’ESS.

 

Les intervenants étaient :

- Dominique Paturel, sociologue à l’Inraé de Montpellier

- Luc Bodiguel, juriste au CNRS et l’Université de Nantes

- Dominique Hays, président du Réseau Cocagne

 

La séance profitait de l’actualité autour de la future publication du Labo de l’ESS “Agir contre la précarité alimentaire” pour parler de justice alimentaire. Les résultats de l’étude-action compilant visites de terrain et documentation seront publiés en octobre 2020. Une synthèse est d’ores et déjà disponible sur le site internet.

 

 

La justice alimentaire, parler d’accessibilité et de partage équitable des risques et bénéfices du système alimentaire

 

Le concept de “souveraineté alimentaire” naît en 1996 au Sommet de l’alimentation à Rome. Il est notamment porté par des groupements paysans (Via Campesina) dénonçant la précarité de leur métier et celle de toute une frange de la population n’ayant pas accès à une alimentation de qualité. Déjà, ils dénoncent la course à la quantité, les économies d’échelle et la mondialisation des flux alimentaires. D’après Via Campesina, cette façon de penser limite l’accès à une alimentation de qualité et la capacité de chacun de choisir son alimentation.

 

Sur ces constats, émerge la définition de la “justice alimentaire” (Food justice) comme la présente Luc Bodiguel. En 2010 dans “Food justice”, Gottlieb et Joshi définissaient la justice alimentaire comme “Un partage équitable des bénéfices et des risques concernant les lieux, les produits et la façon dont la nourriture est produite et transformée, transportée et distribuée, et accessible et mangée“.

 

Cette définition sous-entend :

- Un meilleur partage de la valeur ajoutée au sein des filières d’approvisionnement

- Plus d’accessibilité sociale et financière à une alimentation de qualité

- Une accessibilité physique à une alimentation de qualité

- La possibilité d’être acteur de son alimentation

 

 

Les enjeux de la justice alimentaire, entre environnement, santé et social

 

Les enjeux que soulève la justice alimentaire sont nombreux.

 

Ils sont avant tout sanitaires, avec des conséquences qui ne s’observent pas de façon homogène d’une population à l’autre :

- la non-accessibilité à une alimentation de qualité est la cause de nombreuses maladies (obésité, sous-nutrition, maladies cardio-vasculaires etc) ;

- certaines techniques culturales requièrent l’usage massif de pesticides, nocifs pour les agriculteurs et les habitants ;

- l’agriculture intensive et la monoculture participent à l’effondrement de la biodiversité déréglant alors les écosystèmes. Ces dérèglements entraînent notamment les zoonoses souvent à l’origine des pandémies mondiales. (Cf. Covid-19).

 

Mais ces enjeux sont aussi sociaux :

- d’après l’INSEE, la population agricole est la plus exposée à la pauvreté ;

- les problèmes d’accessibilité économique mais aussi culturelle à l’alimentation peuvent être source d’exclusion ou de disqualification sociale ;

- le “matraquage publicitaire” empêche le consommateur de faire son choix seul. Il n’est plus acteur de son alimentation ;

- les injonctions gouvernementales et les prescriptions portant sur la “bonne” façon de s’alimenter stigmatisent plus qu’elles n’apportent de solution. Elles renforcent parfois même le déficit d’estime de soi et la peur du nouveau.

 

Un exemple :
L’initiative du réseau Cocagne, un réseau de jardins d’insertion, montre bien les difficultés de l’équation. A travers la culture des légumes, le réseau propose à des personnes éloignées de l’emploi un accompagnement “vers un retour à l’emploi durable”. Les consommateurs des paniers bio restent néanmoins des CSP+ (Catégorie Socio-Professionnelle supérieure). Face à ce constat, le réseau a cherché à ce que ces paniers soient également à “haute valeur ajoutée sociétale” pour les consommateurs.

 

 

Pour passer à l’action, mettre l’humain au cœur de chaque démarche

 

Encore une fois, en se penchant sur la justice alimentaire et ses enjeux, c’est tout le système alimentaire que l’on interroge. Les projets peuvent participer aujourd’hui au développement d’une agriculture de qualité pour tous les consommateurs et rémunératrice pour les producteurs. Les actions peuvent ainsi être à destination des consommateurs mais aussi des producteurs ou des commerçants !

 

Le schéma ci-dessous expose les propositions du Labo de l’ESS extraites de son futur ouvrage “Agir contre la précarité alimentaire“.

Schéma des pistes de travail choisie par Le Labo
© Crédit Photo Lelabo

Le réseau Cocagne a d’abord imaginé un moyen de rendre plus accessibles leurs paniers à toutes les populations. Ils ont ensuite associé la démarche à de la sensibilisation sur le gaspillage, les légumes ou la culture culinaire en créant le mouvement des Cuisiniers solidaires. Ainsi, en grandissant et en englobant un peu plus de thématiques, ces projets valorisent les actions menées par les populations elles-mêmes. Le point commun de ces projets est d’envisager le citoyen comme un partenaire et non un bénéficiaire. On répond alors au besoin d’humain et d’accompagnement, loin des spots et recommandations qui, sans le vouloir, peuvent être stigmatisants.

 

Ainsi, à travers ses nombreuses actions, le réseau tente de restaurer le droit de comprendre et d’agir pour tous les consommateurs. Il travaille aujourd’hui sur l’idée de tiers lieux alimentaires à vocation sociale. L’idée de ces projets est d’articuler les capacités locales de production à toutes les échelles avec l’insertion économique, l’inclusion, l’accompagnement et la sensibilisation. Au cœur de ces projets c’est finalement la notion de démocratie alimentaire que l’on interroge.

 

 

Faire émerger une véritable démocratie alimentaire

 

Le message de Dominique Paturel est clair, il est important de prendre conscience de l’importance de l’émergence d’une démocratie alimentaire. Comme le présentait le réseau Cocagne, il faut rendre au consommateur le droit de réfléchir, de raisonner et de comprendre les limites du système alimentaire dominant. Néanmoins, 40 ans d’habitudes simplificatrices construites pour simplifier la démarche du consommateur sont longues à déconstruire. Ce travail de longue haleine ne pourra se faire qu’au prix d’ajustements démocratiques.

 

Dominique Paturel rappelle également que la raison d’être initiale de l’aide alimentaire était d’être la logistique alimentaire dédiée aux pauvres, accolée au système de la grande distribution. Changer l’ADN d’un système est compliqué, il faudra donc aussi laisser le temps au temps.

 

 

Coopérer pour briser les “plafonds de verre” bloquant l’essaimage et la généralisation

 

Deux “plafonds de verre” peuvent être considérés comme à la source de cette lenteur: la difficulté d’essaimage et la difficulté de généralisation. Aujourd’hui, ces deux plafonds persistent en partie à cause de luttes entre un certain nombre d’acteurs. Le rapport que ces acteurs sont capables de mettre en place dans un contexte donné régule les actions de terrain. Un contexte donné par des lois très descendantes et encadrées ou au contraire floues et peu aidantes.  Mais également un contexte local, partenarial et historique qui fait de chaque territoire un espace d’expérimentations uniques.

 

Agir demain pour la justice alimentaire nécessite donc plus d’acteurs, plus de modes d’action et plus de coopérations. La place des PAT devient alors une évidence sur ce sujet en collaboration avec les Départements, chefs de file sur le social. Il faudra également repenser la façon d’aborder les questions et croiser les thématiques qui sont trop sectorialisées aujourd’hui. Penser les actions futures, c’est avant tout permettre les réflexions croisées et donc la diversité des actions.

Le message final de cette matinée invite alors au “déverrouillage” des cultures et des métiers des agents territoriaux comme des travailleurs sociaux.

« Je suis convaincue que le rôle d’un PAT c’est avant tout, par le biais de la mise en réseau, de tester les actions les plus pertinentes sur son territoire. Il peut ainsi créer des synergies entre les différentes structures. »

Une participante

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