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L’ingénierie de la Politique de la ville en question : entre constats et perspectives

Publié le 24/11/2020
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Les professionnels de la Politique de la ville se sont réunis le 10 novembre 2020 pour échanger sur leurs pratiques. Les témoignages et les échanges permettent de dresser une vision collective sur le métier, le positionnement du chef de projet et les compétences requises. Les réflexions laissent également entrevoir une évolution possible du métier dans les années à venir. Retour sur cette rencontre organisée par PQN-A.


 

Le métier : “entre chef d’orchestre et pilote d’ascenseur”

Pour Anne Defrenne, responsable du pôle Cohésion sociale au Grand Angoulême : “le chef de projet était un chef d’orchestre il y a 20 ans, un ensemblier qui faisait jouer à beaucoup d’acteurs la partition du contrat de ville”. Aujourd’hui, il est devenu “un pilote d’ascenseur” vers des politiques publiques déclinées dans les grands plans ou programmes. Cela pose deux questions :

  • “Comment faire exister les objectifs et les publics de la Politique de la ville dans ces programmes ? c’est l’ascenseur montant !”
  • “Comment on obtient une mise en œuvre opérationnelle de ces programmes dans les quartiers Politique de la ville (QPV) avec des résultats? c’est l’ascenseur descendant”

“Ce n’est plus le même rôle. On ne peut pas emprunter tous les ascenseurs. Chaque territoire doit en choisir en fonction de sa stratégie”. Anne Defrenne insiste sur “l’importance de la stratégie et d’un pilotage ferme et rigoureux”.

Pour Sandrine Lassoureille, responsable Politique de la ville et ruralité au Grand Dax, la posture du chef de projet est celle d’un chef d’orchestre. Il s’agit de coordonner les actions tout en étant à la fois sur de l’animation et de la coordination des services.

Pour Clémentine Ollivier, cheffe de projet Economie, emploi et formation au Pôle Haute-Lande “on est des chefs d’orchestre, quel que soit le territoire où on est”. Elle se considère comme une facilitatrice.

Des caractéristiques communes au métier de chef de projet

L’exercice du métier n’est pas le même suivant les configurations territoriales différentes (nombre de communes, nombre de quartiers, taille, EPCI, répartition des compétences …). On peut cependant identifier des caractéristiques communes au métier de chef de projet.

  • Un professionnel multitâche

Un animateur en externe (connaissance, accompagnement, mise en relation) et en interne (décloisonnement des interventions des services), un facilitateur, un chercheur d’opportunité (appels à projets, politiques contractuelles), un chef de projet, un administratif (instruction, évaluation, orientation), un porteur de vision politique.

  • Un pilote, qui compose avec les politiques de droit commun

Aller chercher la coopération, cultiver la transversalité, au-delà c’est du développement social à l’échelle du territoire et pas que les quartiers. “Toujours se demander à quoi ça sert pour les habitants et se positionner sur les besoins des habitants” (Sandrine Lassoureille).

  • Un généraliste proche du terrain et des élus

“Un difficile équilibre à trouver entre proximité des élus et proximité de terrain, maintenir un dialogue entre les deux entités qui parfois sont assez éloignées. Quand on ne va pas sur le terrain, on perd le sens de la Politique de la ville. Ces remontées sont précieuses pour les élus et les orientations stratégiques” (Sandrine Lassoureille).

En résumé, le chef de projet joue un rôle central, “il est le cœur du réacteur”.

Des compétences variées

Selon les intervenantes, les compétences requises pour être un bon chef de projet sont les suivantes :

  • de bonnes dispositions collaboratives pour faire les bonnes corrélations entre les acteurs” (Clémentine Ollivier) ;
  • la capacité à animer et coordonner, “après, on s’adapte” (Sandrine Lassoureille) ;
  • une maîtrise de la conduite de projet ;
  • la maîtrise de techniques d’animation pour “pouvoir accrocher les partenaires” ;
  • l’envie : l’avoir et la susciter. “ Par exemple, l’envie d’aller sur le terrain à la réunion d’inauguration quelconque un soir à 20h00. Si on n’en voie pas d’envie, on aura du mal. Il faut aussi donner envie aux élus car ils n’ont pas tous souhaité cette délégation Politique de la ville” (Anne Defrenne) ;
  • “la capacité à dézoomer du contrat de ville, pour réinjecter de la matière, des idées, ouvrir vers le rural” (Anne Defrenne) ;
  • et pour finir, une bonne dose de savoir-être (adaptation, qualités relationnelles, etc.)
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Des limites et difficultés rencontrées par les professionnels

  • Les champs d’intervention sont de plus en plus larges dans le domaine du développement économique depuis 2015. Les acteurs sont nombreux du local jusqu’au national et ne sont pas toujours faciles à identifier, ce qui engendre une certaine complexité.
  • L’équilibre reste à trouver entre un travail administratif chronophage (la gestion des appels à projet) et la mission de fond de développement social urbain. Il y a un risque d’une Politique de la ville réduite à la gestion des crédits. “On perd nos opérateurs dans le mille-feuille administratif. Ils passent plus de temps à répondre à des appels à projet qu’à réaliser concrètement les actions”.
  • La question des moyens humains reste posée au regard du nombre important des thématiques traitées. En effet, plusieurs professionnels sont seuls à porter la Politique de la ville au sein de leur Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI).
  • Un défi majeur est de permettre que le droit commun s’applique de manière équitable pour tous les territoires. Les marges de progrès sont grandes.
  • La mobilisation du droit commun nécessite un travail partenarial avec de nombreux services et agents. Le travail collaboratif amène à rencontrer des visions différentes, et suivant les cas, de l‘inertie voire des résistances.
  • Quels leviers d’action pour les quartiers en veille ? La situation socio-économique des quartiers classés en veille en 2014 ne s’est pas améliorée depuis. Comment agir plus et mieux sans le levier de l’appel à projet?
  • Le contrat, un cadre dans lequel il y a de la souplesse ! Sur le contrat territorial avec la région Nouvelle-Aquitaine, il y a une tension permanente entre “faire remonter les réalités des territoires et coller avec les attendus régionaux. On est toujours dans une ambivalence” souligne Clémentine Ollivier. Les participants s’accordent pour dire que le contrat reste un cadre qui offre des marges de manœuvre réelles en son sein.

Penser la politique de la ville au milieu d’un territoire plus vaste… et à dominante rurale

La plupart des EPCI porteurs d’un contrat de ville en Nouvelle-Aquitaine sont à dominante rurale avec au maximum 2 ou 3 communes directement concernées. Cette situation peut être problématique et amène à modifier les modes de faire.

  • Les élus et techniciens Politique de la ville rencontrent des difficultés à intéresser l’ensemble des communes de l’EPCI à cette politique. Il y a donc urgence à sensibiliser tous les élus sur la Politique de la ville et à objectiver les situations pour mieux comprendre le territoire. “Il ne faut pas louper la phase d’acculturation de nos élus en ce début de mandat” (Félicien Titonel).
  • Ces nouvelles configurations institutionnelles amènent à concevoir autrement le contrat de ville. “Il faut donner du sens pour les 38 communes de l’agglo et non se fermer aux 3 communes directement concernées. Il faut penser la Politique de la ville au milieu d’un territoire plus vaste” (Anne Defrenne).
  • Certaines agglomérations travaillent sur des interactions entre la Politique de la ville et les communes rurales. Il s’agit d’essaimer et de faire profiter aux unes les réussites des autres ainsi que les méthodes employées. “La Politique de la ville est catalyseur d’une stratégie de fond : celle de la cohésion et des plus fragiles. Le rapprochement est évident entre les problématiques urbaines et rurales. La volonté est de proposer aux communes rurales des dispositifs pertinents et efficaces développés en Politique de la ville” précise Sandrine Lassoureille. A titre d’exemple, on peut citer des dispositifs comme le Programme de Réussite Educative (PRE) ou le Pacte avec les Quartiers pour Toutes les Entreprises » (PaQte) qui pourraient être mis en œuvre à des échelles plus larges.

Vers une fonction de chef de projet cohésion territoriale et sociale ?

Le contexte très particulier des gilets jaunes et du confinement a également mis en avant quelques tendances. “On a redécouvert que les publics fragiles n’étaient pas concentrés que sur les quartiers prioritaires” Félicien Titonel, agglomération d’Agen. L’ingénierie a déjà évolué dans certains EPCI en intégrant des territoires fragiles au-delà des QPV. C’est notamment le cas du Grand Dax. Le poste de Sandrine Lassoureille, initialement responsable de la Politique de la ville, a évolué pour se transformer en responsable Politique de la ville et ruralité. La logique serait même, selon elle, que le poste s’intitule à terme “responsable cohésion territoriale”, les problématiques se rejoignant.

Le sens de ce type de poste ? “Ce sens est d’améliorer la vie des habitants, en prenant en compte les notions de rééquilibrage, d’égalité et d’équité. Plus largement, il s’agit de l’ensemble des sujets à traiter concernant la vie des habitants”. Quoi qu’il en soit, “il faudra toujours avoir une action particulière sur ces quartiers avec un contrat ou pas” (Anne Defrenne).

Un dernier élément est à prendre en compte comme hypothèse de travail. Il s’agit de la perspective d’élaborer avec l’Etat un contrat de cohésion territoriale rassemblant contrat de ville et contrat de ruralité.

On retrouve certaines idées évoquées ci-dessus dans la synthèse de l’étude “L’animation locale de la politique de la ville en Nouvelle-Aquitaine”. Cette étude, menée par Laurine Brun, chargée de mission à PQN-A, est consultable ici.

Vous voulez en savoir plus ? contactez nous !

Christophe ROCHARD
Tél : 06 31 21 77 44
E-mail : christophe.rochard@pqn-a.fr

Laurine BRUN
Tél : 06 88 94 54 55
E-mail : laurine.brun@pqn-a.fr

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