L’illettrisme et l’illectronisme en France : un défi persistant
L’illettrisme est une réalité invisible, sous-estimée et souvent confondue avec d’autres situations comme le français langue étrangère ou l’analphabétisme. L’illettrisme est cependant souvent couplé à d’autres difficultés, notamment en calcul (innumérisme) et avec les outils numériques usuels (illectronisme).
L’illettrisme, l’innumérisme et l’illectronisme entraînent des conséquences très concrètes dans la vie quotidienne de milliers de personnes. 3,7 millions de personnes sont en situation d’illettrisme et/ou d’innumérisme en France.
Ces personnes, bien qu’ayant été scolarisées en langue française, sont gênées pour lire, écrire, comprendre un texte ou effectuer un calcul simple. Elles ne parviennent pas à être autonomes dans les actes courants de la vie quotidienne comme comprendre une consigne de travail en la lisant, utiliser de nouvelles applications numériques dans leur environnement professionnel, calculer la monnaie lors d’un achat, suivre la scolarité de leur enfant, etc.
Des profils variés, mais des vulnérabilités ciblées
La récente publication de l’Observatoire de l’illettrisme et de l’illectronisme de l’ANLCI rend compte des caractéristiques sociodémographiques des personnes en grande difficulté avec les compétences de base. Ces données apportent un éclairage essentiel pour mieux identifier les publics concernés, leurs difficultés et les réponses collectives à mettre en œuvre.
Les générations plus âgées (celles de 45 ans et plus) restent les plus en difficulté avec les compétences de base car elles ont généralement été scolarisées moins longtemps. Cependant, les jeunes adultes ne sont pas épargnés. 11 % des 18-24 ans sont en forte difficulté principalement en numératie malgré un accès généralisé à l’éducation.
Sur 10 personnes concernées par ces difficultés fortes, 6 sont des femmes. Ce constat s’explique par le fait que les femmes sont plus nombreuses à rencontrer des difficultés en numératie.
Tous les territoires sont touchés par l’illettrisme mais certains sont plus affectés que d’autres. 23% des personnes en forte difficulté vivent dans les Zones de Revitalisation Rurale (ZRR). De même, les résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont aussi significativement impactés, près de 24 % rencontrant des difficultés majeures.
L’illettrisme, un frein à l’autonomie et à l’emploi
Être en situation d’illettrisme n’empêche pas de travailler et d’être inséré dans la société. 55% des personnes en difficulté avec les compétences de base sont en emploi mais ces personnes occupent souvent des postes peu ou pas qualifiés, à temps partiel ou précaires comme les CDD ou l’intérim. Tous les secteurs d’activité sont concernés, particulièrement l’agroalimentaire, l’agriculture et la pêche, le BTP, l’industrie et les services à la personne. En entreprise, il est difficile de repérer les personnes en situation d’illettrisme car les salariés en difficulté avec la lecture, l’écriture et le calcul utilisent des stratégies de contournement.
Les demandeurs d’emploi (plus d’un demandeur d’emploi sur six) et les bénéficiaires du RSA (25% des personnes en forte difficultés) sont davantage touchés. Ces personnes dissimulent souvent leurs difficultés par peur du regard des autres, pensant à tort que réapprendre n’est pas à leur portée, ce qui limite leurs perspectives de réinsertion professionnelle.