
Un appel à manifestation d’intérêt accompagne les “grands villages pour demain”

Carte d'identité
La démarche en bref
Initié par la Région Nouvelle-Aquitaine et le Département de la Charente, l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) Grands villages pour demain aide les communes rurales à maintenir leur attractivité et à réduire leur vulnérabilité vis-à-vis du changement climatique. Cinq communes ont intégré ce dispositif animé par le Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de la Charente (CAUE 16).
Acteurs

Carte d'identité
Structures pilotes
La Région Nouvelle-Aquitaine
Le Département de la Charente
Le CAUE de la Charente
Périmètre d’action de l’expérience et rayonnement
Les communes lauréates de l’AMI (Montemboeuf, Dirac, Lignières-Ambleville, Raix et Salles-Lavalette). Rayonnement sur l’ensemble de la Charente
Le projet
Calendrier
Juillet 2023 : lancement de l’AMI Grands villages pour demain
Fin 2023 : sélection des cinq communes lauréates de l’AMI
Janvier 2024 : Montemboeuf et Dirac sont les premières communes accompagnées
Budget
70 000 € sur un an, dont 30 000 € de la Région, 30 000 € du Département et 10 000 € du CAUE 16
Maturité du projet : entre jaune et vert clair (cette première édition de l’AMI est une expérimentation, le CAUE de la Charente a mis en place une méthodologie qui s’adapte à chaque situation)
Reproductibilité du projet : vert
Personne-ressource
Stéphan Caumet, directeur du CAUE de la Charente
05 45 92 95 93
contact@caue16.fr
Partenaires principaux
La Région Nouvelle-Aquitaine
Le Département de la Charente
L’Etat : la DDT, la DREAL la DGFIP, l’UDAP
Les EPCI
Les communes
L’objectif de l’AMI est d’aider des communes qui ont peu d’ingénierie et peu de moyens techniques à maintenir leur attractivité et à réduire leur vulnérabilité vis-à-vis du changement climatique et de la raréfaction des ressources. Pour y arriver, nous faisons en sorte de travailler de la manière la plus fine et la mieux adaptée possible avec les communes et nos partenaires (Etat, Région, Département, associations).
Problème/besoin initial
De l’ingénierie pour les villages
L’AMI Grands villages pour demain a été inspiré par Franck Bonnet, maire de Saint-Fraigne en Charente à partir de 2001, et subitement décédé en 2022. “C’est un élu qui avait une vision prospective et dynamique de sa commune, explique Stéphan Caumet, directeur du CAUE de la Charente. Il avait proclamé Saint-Fraigne “grand village pour demain” en réponse au programme Petites villes de demain dont sa commune de moins de 1000 habitants ne pouvait pas bénéficier, car trop petite.” Derrière la boutade, l’élu charentais posait la question de l’ingénierie accordée aux villages, très peu dotés en ressources humaines, afin qu’ils puissent maintenir et développer leur attractivité tout en tenant compte des bouleversements climatiques et de la raréfaction des ressources. Un enjeu auquel la Région Nouvelle-Aquitaine et le Département de la Charente ont décidé de répondre en créant en 2023 l’AMI Grands villages de demain, et en confiant son animation au CAUE de la Charente. “Nous avons appris au même moment que l’État allait lancer le programme Villages d’avenir, mais nous avons décidé de maintenir Grands villages pour demain, car nous n’avons pas la même approche ni le même fonctionnement, précise Stéphan Caumet. Nous nous donnons neuf mois pour définir une stratégie et aboutir à un plan d’actions, en nous appuyant sur un diagnostic et la définition des enjeux principaux de la commune.”
Solutions apportées
Cinq communes sélectionnées
Parmi la quinzaine de communes charentaises qui ont répondu à l’AMI, cinq ont été sélectionnées à la fin de l’année 2023 : Montemboeuf, Dirac, Lignières-Ambleville, Raix et Salles-Lavalette. Toutes font partie d’un EPCI différent. “Grands villages pour demain est un dispositif expérimental, et nous voulions avoir une certaine représentativité de la diversité des territoires charentais par la taille des communes, leur situation géographique, leurs enjeux et les projets qu’elles envisageaient déjà”, souligne Stéphan Caumet. Les communes comptent ainsi entre 150 et 1500 habitants, certaines comme Lignières-Ambleville (712 habitants) ont été nouvellement créées, d’autres comme Dirac (1521 habitants) se situent dans l’aire d’influence d’Angoulême tandis que d’autres, comme Montemboeuf (653 habitants), jouent un rôle de pôle rural structurant. Leurs préoccupations concernent le devenir de l’école et des commerces (Montemboeuf), l’attractivité pour la population, l’agriculture, le patrimoine, la gestion des friches communales (Raix, 121 habitants) ou encore la participation citoyenne (Salles-Lavalette, 321 habitants). À noter que l’absence d’ingénierie et le fait de ne pas bénéficier du programme Villages d’avenir ont été pris en compte dans la sélection.
Déterminer une direction et construire une action cohérente
L’ensemble des métiers du CAUE de la Charente - architecture, paysagisme, urbanisme, maîtrise de l’énergie et médiation culturelle - sont mobilisés par l’AMI afin d’adopter une approche transdisciplinaire. “La difficulté pour les municipalités est qu’elles se retrouvent souvent à répondre à des opportunités, observe Stéphan Caumet. Cela peut être un besoin exprimé par un habitant, un porteur de projet qui se présente, ou la mise en vente d’un bâtiment. Le risque est alors de dépenser de l’argent, de l’énergie et du temps sans avoir une direction donnée. L’objectif de notre accompagnement est donc de se donner une direction, puis d’articuler des actions qui vont dans ce sens.”
Réunion de calage, résidence et diagnostic
Pour cela, l’équipe du CAUE commence par une réunion de cadrage avec les élus, l’EPCI concerné, la Région et le Département. Objectif : rappeler l’objet de l’accompagnement et les enjeux qui seront traités, présenter la méthodologie et les différentes étapes, et valider le calendrier de travail. Cette réunion est l’occasion de constituer un groupe de travail représentatif de la commune. Il se compose d’élus, d’habitants et de divers acteurs locaux (commerçants, agriculteurs, représentants d’associations…) qui s’engagent à suivre la démarche jusqu’au bout et à participer aux différents comités de pilotage. Puis vient la résidence de deux jours durant laquelle l’équipe du CAUE se rend sur place et rencontre de manière plus approfondie les élus et les membres du groupe de travail. “Nous échangeons avec tous les publics qui fréquentent la commune, qu’ils y habitent ou pas, ajoute Stéphan Caumet. Je pense par exemple aux enseignants ou aux employeurs. La commune reste bien sûr décisionnaire, mais cela permet de confronter le point de vue des élus aux besoins exprimés et de construire un diagnostic puis un plan d’actions avec l’assise d’une concertation de la population.”
Collaboration avec de multiples partenaires
L’élaboration de ce plan d’actions ne se fait pas seulement entre le CAUE et la commune. D’autres partenaires sont sollicités, notamment les services de l’Etat comme la Direction départementale des territoires (DDT), la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et logement (DREAL), l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP) et la Direction régionale des finances publiques (DGFIP) au travers des conseillers aux décideurs locaux (CDL) qui aident à intégrer le plan d’actions dans un budget pluriannuel. “En fonction des enjeux, nous pouvons travailler avec d’autres services de la Région et du Département, comme l’Agence technique départementale, avec l’Etablissement public foncier, Charentes tourisme, la Chambre de commerce et d’industrie, ou encore la Chambre des métiers et de l’artisanat, ajoute Stéphan Caumet. Nous avons une méthodologie de travail, mais nous faisons du sur-mesure en nous adaptant le plus finement possible aux besoins des communes.”
Un plan d’actions et non un plan d’aménagement
À l’arrivée, les actions ne sont pas forcément matérielles, ni lourdes en investissement comme dans le cas d’un plan d’aménagement. “Il n’est pas question de réduire les actions de la collectivité dans le cadre de cet AMI à la rénovation du parvis de l’église ou au réaménagement des traversées de bourg”, insiste Stéphan Caumet. Certaines actions peuvent relever du champ culturel, de l’animation ou de l’organisation et ne pas nécessiter un budget conséquent. D’ailleurs, le directeur du CAUE rappelle que l’AMI met à disposition de l’ingénierie et non des subventions. “L’idée, c’est que la cohérence du plan d’actions aide les collectivités à décrocher des financements dans un contexte financier particulièrement compliqué qui nécessite d’utiliser l’argent public de la manière la plus juste et la plus cohérente possible.” Une fois le plan d’actions bouclé, le CAUE peut accompagner la commune, au titre de sa mission habituelle de conseil. Elle bénéficie également de l’accompagnement des services de la Région et du Département ainsi que de leurs dispositifs financiers respectifs.



Premiers résultats
- En janvier 2025, l’accompagnement des cinq communes en était à différents stades. Diagnostic en cours à Lignières-Ambleville après une résidence réalisée mi-novembre, COPIL de diagnostic prévu fin janvier à Raix, définition d’une stratégie à Salles-Lavalette et élaboration du plan d’actions à Dirac et Montemboeuf. Le maire de celle-ci, Jean-Marie Trapateau, a décidé de se saisir de l’AMI car “nous avions différents projets et enjeux qui se présentaient et nous ne savions pas comment les prioriser”. Pêle-mêle : le maintien des commerces, l’animation d’une place récemment rénovée, le devenir de maisons vacantes, la rénovation d’une piscine, la place des mobilités douces, ou encore l’animation du collège, un espace à la fois éducatif, sportif et culturel. “Dans une commune comme la nôtre, nous avons des agents techniques, mais nous manquons d’ingénierie, et nous les élus sommes la tête dans le guidon, confie Jean-Marie Trapateau. L’AMI nous apporte une vision extérieure grâce aux architectes, aux paysagistes et aux urbanistes. Il nous aide à prendre du recul et à avoir une vision d’ensemble sur l’avenir de la commune à court, moyen et long termes.”
- Dans les autres communes, les actions n’ont pas encore été définies, mais des questions ont émergé. Que faire des friches du parc communal, que ce soit un garage en cœur de bourg, une ancienne école ou un ancien Ehpad ? Quel rôle donner à un lavoir situé en centre-bourg qui n’est plus alimenté en eau dans un contexte de problématiques liées à l’eau ? Comment animer une place autour de laquelle se trouvent plusieurs commerces inoccupés ? Quel devenir pour des équipements sportifs ? Comment proposer un service de covoiturage ? Quels lieux de convivialité ? Comment assurer l’accès aux soins en milieu rural ? Dans le cas de communes qui ont fusionné, que faire des établissements en doublon (école, mairie) ? Comment favoriser l’installation de jeunes couples ? Comment permettre à des seniors de rester autonomes dans le village ?
Facteurs de réussite
- L’implication des communes dans la démarche, le suivi et l’animation du groupe de travail sont des facteurs essentiels de la réussite de la démarche, compte tenu de la concertation attendue. “C’est un exercice qui n’est pas évident pour elles, car il faut combiner réflexion stratégique, gestion du quotidien et suivi des projets en cours, tout en s’assurant que ceux-ci ne fragilisent pas la stratégie en construction”, observe Stéphan Caumet.
- Le travail avec différents partenaires.
- La cohérence du plan d’actions qui pourra légitimer le projet et aider à obtenir des financements
Enseignements
- L’accompagnement doit s’adapter aux contextes locaux : des impératifs qui peuvent bouleverser le calendrier de travail (l’achat d’un terrain auquel il faut trouver une utilisation, la fermeture d’une école à la rentrée), des “coups partis” comme l’extension d’une école déjà financée et programmée, ou encore les attentes d’élus ou d’habitants concernant tel ou tel besoin.
- La fin du mandat en mars 2026 est un enjeu politique à prendre en compte, même si Stéphan Caumet précise que le plan d’actions est pensé pour aller au-delà de cette échéance.
Perspectives
- Les pilotes de l’AMI en Charente réfléchissent à la manière dont il serait possible de doter les communes rurales d’une ingénierie pour qu’elles puissent mettre en place des stratégies de territoire et conduire des projets de manière plus autonome.
- Le CAUE de la Charente espère que cette expérience incitera les collectivités à le solliciter le plus en amont possible de leurs projets.
- L’AMI pourrait essaimer dans d’autres départements de la Nouvelle-Aquitaine.
Cette fiche expérience a été réalisée par Fanny Laison, journaliste indépendante, à partir des propos de Stéphan Caumet. Merci à eux !