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Pourquoi agir contre la précarité alimentaire sur mon territoire ?

Publié le 18/02/2025
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En 2024, PQN-A a débuté un cycle de qualification et de travail sur la précarité et la solidarité alimentaire. Ce cycle a été conçu dans un contexte où de nombreux rapports(1) ont rappelé l’augmentation du nombre de personnes touchées par la précarité alimentaire ainsi que les faiblesses du système agri-alimentaire dans lequel nous évoluons. 

 

Les porteurs de Projets et Démarches Alimentaires de Nouvelle-Aquitaine (DAT) se sentent concernés par les enjeux de précarité alimentaire. Pour certains, cela fait partie de l’ADN même du PAT à travers la justice sociale. Pour d’autres, ce sujet n’est pas prioritaire, dû aux freins politiques et/ou opérationnels. Cet enjeu fait néanmoins partie des cadres politiques nationaux et régionaux. La justice sociale est le premier axe thématique du Programme national de l’alimentation en vigueur. Et il figure parmi les Domaines d’Action Stratégiques du Pacte Alimentaire de Nouvelle-Aquitaine :“ Favoriser la solidarité et la citoyenneté alimentaire “ .  
 

En tant que centre de ressource, PQN-A propose ce cycle de qualification dans l’objectif d’embarquer l’ensemble du réseau dans la résorption de la précarité alimentaire, afin d’aller vers une action efficace et coconstruite. Comme à son habitude, PQN-A s’appuiera sur l'expérience des acteurs du réseau, ainsi que celles d’experts (chercheurs, territoires pilotes etc) pour faire monter en compétence les DAT de Nouvelle-Aquitaine. 

 

Ce webinaire, intitulé “Pourquoi agir contre la précarité alimentaire sur mon territoire ?” vise dans un premier temps à clarifier ce qu’est la précarité alimentaire et à mettre en évidence les constats actuels sur les territoires ruraux et urbains. Il cherche à souligner l’urgence d’agir contre ce phénomène en l’intégrant dans les priorités d’action des acteurs du réseau.

Contexte : un phénomène multifactoriel en progression

La précarité alimentaire touche aujourd'hui près de 8 millions de Français, dont 2 millions dépendent directement de l'aide alimentaire(1). En Nouvelle-Aquitaine, environ 5 % de la population(2), soit plus de 300 000 personnes, fait appel à ces dispositifs. Ce chiffre révèle non seulement l'ampleur du phénomène, mais aussi l’importance d’aborder les inégalités d'accès à une alimentation de qualité.

Ce constat est aggravé par la hausse des prix alimentaires et des dépenses contraintes (logement, énergie), ainsi que par des dynamiques territoriales qui laissent certains espaces ruraux et parfois même urbains en marge des systèmes de distribution alimentaire. La question de l'approvisionnement et de la qualité des produits distribués émerge également comme un enjeu central. Vivre en ville facilite une alimentation de proximité, mais qu’en est-il de sa qualité ? Ce terme est fort ; on parle de certains quartiers comme des « bourbiers alimentaires  (3). 

Des définitions et des réalités variées

La précarité alimentaire, définie par le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, "englobe l'incapacité à accéder à une alimentation suffisante, diversifiée et de qualité". Margaux Alarcon, chercheuse à Bordeaux Sciences Agro, nous rappelle qu’il est essentiel d'intégrer les dimensions économiques, sociales et culturelles de cette précarité : notamment le manque de ressources, l’accès difficile à des commerces de proximité et le manque de temps ou de compétences en cuisine.

La précarité alimentaire touche les espaces urbains et ruraux. Plus précisément, 60% des bénéficiaires de l’aide alimentaire vivent en zone périurbaine ou rurale(4). Les territoires ruraux sont particulièrement concernés du fait de leur organisation spatiale caractérisée par l’éloignement entre zones d’habitation et lieux de distribution. Cette situation est exacerbée par une mobilité réduite, un accès limité aux circuits d’aide alimentaire et une offre souvent moins diversifiée que dans les centres urbains. Les territoires urbains sont quant à eux souvent caractérisés par leurs poches de pauvreté. Parmi les publics les plus touchés, on retrouve les mères seules, les étudiants (5) et les travailleurs pauvres (avec un salaire en deçà du Smic) (4). 

Par ailleurs, la précarité alimentaire est souvent confondue avec l'insécurité alimentaire. Alors que la première décrit une situation prolongée liée à la pauvreté et à l'exclusion sociale, la seconde peut être temporaire et dépend de crises économiques, climatiques ou sanitaires. Il est donc crucial d'adopter une approche différenciée pour répondre aux besoins des populations concernées.

Permettre à toutes et tous d'accéder à une alimentation suffisante, diversifiée et de qualité doit se faire dans une logique de justice sociale. C'est-à-dire en prenant en compte toutes les acteurs impliqués pour n’en léser aucun. De nombreuses questions se posent alors : comment permettre à chacun d'avoir accès à des produits sains ? Comment faire en sorte que ceux-ci rémunèrent correctement celles et ceux qui les ont produits ? Comment assurer que ces produits soient respectueux de la santé des mangeurs, des producteurs, et des écosystèmes ? Comment faire en sorte que cette production crée de l'emploi sur le territoire ?

L'approche multidimensionnelle de la précarité alimentaire inclut aussi des facteurs psychosociaux : dégradation de la dignité due entre autres au sentiment de honte de recourir à l'aide alimentaire, la difficulté à maintenir une alimentation saine par manque de formation ou de sensibilisation, et le manque d'autonomie dans le choix de son alimentation. Ces éléments doivent être pris en compte pour proposer des solutions durables et inclusives.

Ceci étant dit, lutter contre la précarité alimentaire apparaît comme un problème difficile à appréhender. L’approche territoriale facilite cela ! Une approche qui considère cette complexité, qui considère les nombreuses interactions existantes entre les acteurs du système agri-alimentaire (6) implique de concevoir une réponse à plusieurs acteurs aux visions et expertises diverses et complémentaires. Cela en mesurant la précarité alimentaire sur le territoire, en construisant des réponses adaptées aux enjeux locaux, et en élaborant une gouvernance des solutions partagée  (7). 

Des initiatives locales inspirantes

Les interventions des acteurs de terrain ont permis de mettre en avant plusieurs leviers d'action :

  • Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) : Emmanuel Legay, président du Pays de l'Isle en Périgord, a impulsé un PAT à forte vocation sociale, incluant des actions de sensibilisation dans les écoles et des initiatives pour rendre l'alimentation locale accessible à tous. Ce PAT est un outil pour fédérer, impulser et accompagner les acteurs du territoire. Par exemple, récemment le PAT a financé une étude sur les différentes modalités d'accès à une alimentation locale et de qualité, action qui s’est notamment centrée sur les quartiers prioritaires de la ville (QPV) de Périgueux. Ces QPV sont des poches de pauvreté identifiées par l’État. 

“ Solliciter vos élus pour créer un PAT lorsqu’il n’existe pas sur le territoire ou en allant voire où en est ce PAT pour le muscler un peu sur le sujet, notamment de la justice sociale. Allez aussi voir ce qu’il se fait ailleurs, il y a de nombreuses actions qui sont menées partout en France. L’entrée par les enfants et l’éducation est un bon moyen d’introduire petit à petit tous ces sujets liés à l’alimentation. “ 

Emmanuel Legay, président du Pays de l'Isle en Périgord
  • Mobilisation des banques alimentaires : Pierre Pouget, président de la Banque Alimentaire de Nouvelle-Aquitaine, a souligné la hausse du nombre de bénéficiaires et la nécessité de renforcer les approvisionnements en produits frais et locaux. Les associations caritatives vivent une période difficile de récupération de dons. C’est pourquoi la Banque Alimentaire a développé la plateforme Proxidon pour faciliter l’approvisionnement en dons alimentaires avec une attention particulière sur les produits sains, frais et locaux, notamment issus du milieu agricole. 
  • Coordination locale de l’action sociale : Jacques-Antony, chargé de développement social territorial au Centre Intercommunal d'Action Sociale du Grand Libournais, a mis en avant le rôle essentiel des collectivités pour structurer une réponse efficace, en s'appuyant sur les associations et les acteurs économiques existants. Les élus ont identifié la santé comme intérêt communautaire pour le CIAS avec une attention particulière sur la lutte contre la précarité alimentaire. Cette orientation se traduit par un soutien aux associations de l’aide alimentaire : le diagnostic des besoins de la population et des associations sur le territoire, l’état des lieux de la quantité et de la qualité des denrées disponibles, et la coordination de leurs actions. Le CIAS déploie également ses actions en transversalité avec les services de l’agglomération, notamment en cohérence avec celles du PAT. 
  • Des expérimentations et études territoriales : Le programme de recherche SEREALINA accompagne et suit plusieurs projets à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine : la sécurité sociale de l’alimentation (SSA) étudiante expérimentée par le CREPAQ et la Gemme à Bordeaux, les dynamiques de lutte contre la précarité alimentaire sur le département de la Creuse, la même étude sur l’agglomération d’Agen qui se poursuivra cette année sur l’identification du rôle des agriculteurs du territoire dans cette action. L’idée est de se questionner sur la coordination des acteurs, la capacité des territoires à répondre aux besoins identifiés et in fine à aller vers un système alimentaire durable (8) et juste.

En Nouvelle-Aquitaine de nombreux autres acteurs agissent sur ce sujet depuis plus ou moins longtemps, les expériences ci-dessus sont un échantillon de témoignages qui ont pu mettre en avant une partie des leviers d’action.

Vers une alimentation durable et solidaire

Les discussions ont mis en exergue plusieurs priorités pour les années à venir :

  • Favoriser les circuits courts et la coopération avec les agriculteurs pour garantir un approvisionnement en produits locaux de qualité. Cela passe par la mise en place de partenariats entre producteurs et associations caritatives, ainsi que par le développement d'outils facilitant la mise en relation entre offre et demande.
  • Encourager l'éducation alimentaire, notamment au moyen d'ateliers de cuisine et d'initiatives scolaires. Sensibiliser les jeunes dès le plus jeune âge permet de promouvoir des habitudes alimentaires saines et de valoriser les produits locaux.
  • Renforcer la reconnaissance d'un droit à l'alimentation et expérimenter des dispositifs comme la "sécurité sociale de l'alimentation". Ces initiatives permettraient de garantir à chacun l'accès à une alimentation saine et durable, en fonction des revenus et besoins individuels.
  • Mieux coordonner les acteurs territoriaux afin d'optimiser les réseaux d'aide et d'éviter les "zones blanches" sans dispositif de soutien. Une meilleure articulation entre les collectivités locales, les associations et les institutions publiques est essentielle pour maximiser l'impact des actions menées.
  • Encourager les initiatives citoyennes en soutenant les jardins partagés, les épiceries solidaires et les coopératives alimentaires. Ces solutions locales permettent de renforcer la solidarité entre habitants et d'offrir des alternatives accessibles aux circuits traditionnels.
  • Soutenir l'innovation sociale en testant de nouveaux modèles d'approvisionnement et de redistribution alimentaire, comme les plateformes de dons directs entre agriculteurs et associations, ou les "marchés solidaires" proposant des produits à prix ajustés.

Conclusion : de l'urgence à la mobilisation collective

Ce webinaire a dressé un panorama alarmant de la situation sur la précarité alimentaire. Toutefois, une certaine effervescence, notamment en Nouvelle-Aquitaine existe et se met en action pour lutter contre l’aggravation de la situation. Les intervenants ont souligné la nécessité d'adopter une approche multifactorielle et concertée pour lutter contre la précarité alimentaire. Si les initiatives locales sont nombreuses et inspirantes, les acteurs s’organisent malgré la crise du bénévolat, les difficultés financières. 

« Profitons de cette dynamique pour nous aussi prendre le train »

Margaux Alarcon, doctoresse de Géographie et coordinatrice du programme de recherche SEREALINA

Pour soutenir cette dynamique et favoriser une réponse efficace, il est important de prendre en compte la spécificité des territoires au niveau local par l’écoute des acteurs, leur rencontre et leur organisation. Le PAT représente en ce sens un outil intéressant permettant la cohérence des réponses à l’échelle complexe du système agri-alimentaire local. Le nombre de participants à ce webinaire est aussi un indicateur de la volonté des acteurs à se mobiliser sur ce sujet à l’échelle régionale.

« Cultivons l’enthousiasme et la bienveillance »

Pierre Pouget, directeur des Banques Alimentaires de Nouvelle-Aquitaine

Les perspectives pour les prochains événements du cycle sont claires : échanger sur le "comment agir". La mobilisation de tous, citoyens, collectivités et acteurs économiques, est essentielle pour bâtir une région plus solidaire face aux enjeux agricoles et alimentaires.

Rendez-vous en avril 2025 pour continuer à avancer ensemble sur ces questions fondamentales !

 

Références

(1) CREDOC. 2023. En forte hausse, la précarité alimentaire s’ajoute à d’autres fragilités. https://www.credoc.fr/publications/en-forte-hausse-la-precarite-alimentaire-sajoute-a-dautres-fragilites 

(1) Secours Catholique – Caritas France, le Réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques. 2024. L’injuste prix de notre alimentation. https://www.secours-catholique.org/sites/default/files/03-Documents/RAP-CoutCache2024BD.pdf 

(2) Banques Alimentaires. Calcul effectué PQN-A sur la base des chiffres répertoriés par les banques alimentaires départementales de la Nouvelle-Aquitaine, soit 341 983 personnes recevant l’aide alimentaire des banques alimentaires  en février 2024 sur 6 113 384 habitants en Nouvelle-Aquitaine en 2022 (INSEE) 

(3) Bricas, N., Conaré, D., & Walser, M. (Éds.). (2021). Une écologie de l’alimentation. éditions Quae. https://doi.org/10.35690/978-2-7592-3353-3 

(4) CERIN. 2023. La précarité alimentaire en France, en 2023. Alimentation, Santé & Petit budget. https://www.cerin.org/wp-content/uploads/2023/07/infographie_budget_alimentation2023_v5-2.pdf 

(5) LINKEE. 2025. Avoir 20 ans en 2024. https://linkee.co/wp-content/uploads/2024/05/Linkee-Avoir-20-ans-en-2024-Etude-1.pdf 

(6) De Kermel, Sidonie, Nathalie Corade, Bernard Del’Homme, et Marie Boutry. 2022. « Diagnostic du système alimentaire de Nouvelle-Aquitaine, de sa durabilité et de sa résilience ». 

(7) Alarcon M. et Corade N., 2024. La précarité alimentaire : notions, enjeux et réponses apportées à l’échelle des territoires. En ligne : https://pqn-a.fr/fr/ressources/analyses/la-precarite-alimentaire-notions-enjeux-et-reponses-apportees-a-l-echelle-des-territoires.


(8) Let’s Food, Vertigo Lab et PQN-A. 2023. Entreprendre pour un système alimentaire durable, nouvelles pratiques aux impacts sociaux et environnementaux positifs. En ligne : https://pqn-a.fr/fr/ressources/analyses/entreprendre-pour-un-systeme-alimentaire-durable

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